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Plan Juncker - Une conférence de la Commission européenne au Luxembourg a permis à des représentants du secteur financier et de la politique d’évoquer les dispositifs de financement et de préciser des besoins nationaux en investissement
11-03-2015 / 12-03-2015


Nick Jennett, Maarten Verwey, Yves Nosbusch et Claude Wiseler lors de la conférence sur le Plan d'investissement Juncker qui s'est tenue le 11 mars 2015 à la Commission européenne à LuxembourgLa Représentation de la Commission européenne au Luxembourg a organisé, le 11 mars 2015, une conférence sur le plan d’investissement Juncker, projet de la Commission européenne et de la Banque européenne d’investissement (BEI) qui devra être opérationnel à la mi-2015. Intitulée "Le plan Juncker : relancer la croissance et l’emploi en Europe", la conférence a rassemblé quatre intervenants qui ont présenté cette nouvelle initiative censée permettre à l’Europe de renouer avec la croissance : Maarten Verwey, directeur général adjoint de la DG Affaires économiques et financières à la Commission européenne, Nick Jennett, directeur Nouveaux produits et transactions spéciales à la BEI, Claude Wiseler, président du CSV à la Chambre des députés luxembourgeoise et ancien ministre du Développement durable et des Infrastructures, et Yves Nosbusch, économiste en chef chez BGL BNP Paribas. S’ils ont d’abord fait une présentation générale du plan et mis l’accent sur son principal instrument, le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI), les intervenants ont également évoqué, au cours de la discussion qui a suivi, ce que le plan pourrait signifier pour le Luxembourg. 

Les trois piliers du Fonds européen pour les investissements stratégiques

La conférence a débuté par une présentation du plan Juncker par Maarten Verwey, directeur général adjoint de la DG Affaires économiques et financières à la Commission européenne. Après avoir expliqué ce qui a conduit à la genèse du projet de plan d’investissement - mettre en place un niveau d’investissement durable suite à l’effondrement du niveau d’investissement après de la crise financière de 2008 -, Maarten Verwey a expliqué que le futur plan d’investissement, dont le projet avait été présenté le 26 novembre 2014 par Jean-Claude Juncker lors d’une session plénière du Parlement européen à Strasbourg, reposerait sur trois piliers. Il s’agira tout d’abord de mobiliser des financements pour l’investissement. Cela se fera par le biais de l’EFSI qui sera intégré à la Banque européenne d’investissement et mobilisera 315 milliards d’euros sur trois ans. Ensuite, les financements devront atteindre la vraie économie. Cela passera par la proposition et la sélection de projets ainsi que l’assistance technique à tous les niveaux pour attirer les projets. Enfin, il faudra se concentrer sur la création d’un environnement d’investissement favorable grâce à une réglementation durable et de qualité et à la simplification des systèmes administratifs, notamment. L’élimination des barrières au sein du marché unique est également nécessaire, a noté le conférencier.

Au sujet de l’EFSI, Maarten Verwey a indiqué qu’il serait composé d’une base de 16 milliards d’euros de garantie en provenance du budget de l’UE et de 5 milliards d’euros de capitaux alloués par la BEI. Ces 21 milliards d’euros auraient un coefficient multiplicateur de 15 et serviraient à financer des projets à haut risque, autrement dit à faire des investissements à long terme et à investir dans les PME et autres entreprises de taille intermédiaire. D’ici à 2017, le fonds devra être doté de 315 milliards d’euros, a-t-il encore indiqué.

Pour concrétiser le deuxième pilier, le fonds aura besoin d’une réserve de projets viables. Une taskforce composée de la Commission, de la BEI et des Etats membres devra donc voir le jour pour faciliter la mise en place de 2000 projets. Un comité consultatif et un service d’assistance technique seront chargés d’aider et de guider les porteurs de projets.

Enfin, pour faire tomber les barrières à l’investissement, il sera nécessaire d’avoir une règlementation plus simple, plus prévisible et de meilleure qualité que ce soit au niveau européen, au niveau des Etats membres ou au niveau régional. Maarten Verwey a également rappelé l’importance de la création d’une Union bancaire pour garantir la stabilité financière et l’investissement à long terme.

Il faut "renforcer la capacité à prendre des risques en Europe", a indiqué la BEI

Nick Jennett, directeur Nouveaux produits et transactions spéciales à la BEI, a ensuite pris la parole et a indiqué qu’aujourd’hui, la prise de risque faisait défaut à l’investissement. En effet, a-t-il ajouté, la crise financière de 2008 s’est transformée en une crise de l’investissement. Il a donc insisté sur le fait que l’idée qui sous-tendait l’EFSI était de renforcer la capacité à prendre des risques en Europe. Cela sera possible grâce à un "arrangement entre la Commission européenne, l’Union européenne et la BEI", a-t-il fait savoir, arrangement qui "fournira quelque 21 milliards d’euros à la BEI pour prendre des risques et lever des financements privés". Si beaucoup peuvent se demander si cet instrument va fonctionner, Nick Jennett a fait part de sa conviction quant à la réussite du fonds car "la BEI et la Commission ont déjà de l’expérience en la matière". Mais l’EFSI ne sera qu’un élément du plan Juncker. Sans une règlementation de qualité et un changement des systèmes administratifs, le plan serait voué à l’échec, a-t-il conclu.

La discussion

La présentation a été suivie d’une discussion animée par Jean-Michel Gaudron, rédacteur en chef de Paperjam, où une série de questions très concrètes autour de la contribution du secteur privé, de la réussite du plan et la nature des projets sélectionnés ou encore de la situation spécifique du Luxembourg ont été posées.  

La banque est "pleinement mobilisée", a fait savoir Yves Nosbusch

Au cours de la discussion qui a suivi la présentation, Yves Nosbusch, économiste en chef chez BGL BNP Paribas, s’est vu poser la question de savoir si le plan allait fonctionner. Il a tout d’abord indiqué qu’il s’agissait d’un plan "très important" qui serait lancé à un "moment très important". Il a fait savoir que la banque était "pleinement mobilisée" et qu’elle avait mis en place une taskforce en interne pour évaluer à quels niveaux elle pouvait contribuer à cette initiative. Interpellé sur le risque qu’il pouvait prendre en tant que banquier à financer des projets à haut risque, Yves Nosbusch a indiqué qu’il y avait eu une nécessité, depuis la crise, de rendre les banques plus sûres, ce qui avait conduit les banques à prendre moins de risques. Certains pays seraient même dans un processus de contrôler les risques plutôt que de les encourager. Mais il y a aujourd’hui une "nécessité" à financer des projets à hauts risques, a-t-il fait savoir, tout en rappelant que de nombreuses start-ups, par exemple, avaient des difficultés à trouver des financements. Yves Nosbusch a encore indiqué que si les entreprises avaient été réticentes à investir en raison d’un manque de confiance, il y avait actuellement davantage de demandes de financement, notamment en raison de la baisse des prix du pétrole et de la dépréciation de l’euro qui ont des effets positifs et rendent les industries européennes plus compétitives.

Le premier projet sera présenté dès le mois d’avril, a indiqué Nick Jennett

A la question du profil des projets et des critères de sélection, Nick Jennett a répondu que tous les projets allaient devoir répondre aux standards de qualité déjà établis par le BEI, à savoir la viabilité technique, environnementale, économique et financière. Il a insisté sur le fait qu’il n’y aurait pas de modification des critères de la BEI.

Sur la difficulté à mettre en place les trois piliers, Maarten Verwey a indiqué qu’il était absolument nécessaire que les trois piliers soient mis en place pour garantir le fonctionnement du plan. Claude Wiseler a quant à lui indiqué que c’était sûrement le troisième pilier qui serait le plus difficile à mettre en place et que "la simplification administrative serait déjà intéressante pour l’investissement, même sans le plan Juncker".

Nick Jennett a pour sa part réitéré la nécessité de construire de la confiance autour du projet de plan d’investissement car il subsiste toujours un risque que les gouvernements changent d’avis.

Concernant les prochaines étapes, Maarten Verwey a rappelé que la proposition législative qui vise à établir le premier et le deuxième pilier avait été soumise au Parlement le 13 janvier 2015 et que les ministres de l’Economie et des Finances avaient trouvé un accord sur l’EFSI lors du Conseil du 10 mars 2015. "Les discussions rependront au Parlement européen lors de la session plénière du mois d’avril avant que le sujet n’entre en trilogue", a-t-il fait savoir. Enfin, il a indiqué que les discussions devront avoir abouti d’ici à la mi-2015 et qu’en parallèle, la Commission travaillait avec la BEI sur les points opérationnels. Les Etats membres devraient aussi recevoir des recommandations. Ainsi, "on avance à tous les niveaux", a-t-il encore indiqué.

A la question de savoir quand les premiers fonds seront débloqués, Nick Jennett a expliqué que toutes les transactions devront au préalable être approuvées par le comité de la BEI. Le premier projet devrait être présenté à la BEI dès le mois d’avril, comme l’a indiqué Werner Hoyer lors du Conseil ECOFIN du 10 mars, a-t-il conclu.

"Une réaction pour créer de l’emploi en Europe" selon Claude Wiseler

Claude Wiseler, président de la fraction chrétienne-sociale à la Chambre des députés luxembourgeoise et ancien ministre du Développement durable et des Infrastructures a été interrogé sur ce que pourra signifier le plan Juncker pour le Grand-Duché.

Il a tout d’abord insisté sur le fait que le plan Juncker était d’abord une initiative politique qui ne résulte pas tant de la crise de la dette que de la crise sociale et de l’emploi et qu’il s’agit d’une "réaction pour créer de l’emploi en Europe". Il a d’ailleurs été le seul à avoir prononcé le mot "emploi" au cours de la table ronde et de la présentation, comme l’a fait savoir le secrétaire général de l’Union des Fédéralistes européens de Luxembourg, Alain Calmes, présent dans l’assemblée. Après avoir qualifié d’"exceptionnel, ce que la BEI et la Commission ont fait ensemble", il a indiqué qu’il était nécessaire de "tourner la page" et de "créer un nouveau programme pour continuer avec confiance dans l’avenir". Enfin, il a insisté sur le fait qu’il s’agissait d’un plan qui veut "rétablir la confiance avec des mécanismes économiques" et qu’il était important de faire passer ce message auprès des porteurs de projets, avant de terminer en disant que le plan ne pouvait que fonctionner "si les politiques et les systèmes bancaires y croient".

Quels secteurs ont le plus besoin d’investissement au Luxembourg ?

Interrogé sur les secteurs qui auraient le plus besoin d’investissement au Luxembourg, Claude Wiseler a répondu que si le pays n’avait pas eu l’habitude, par le passé, de recourir à des fonds externes pour financer ses projets d’infrastructures publiques et puisait dans son propre budget, ces temps étaient désormais révolus et qu’il était "tout à fait nécessaire de recourir à d’autres voies de financements à l’avenir". Il a cité les besoins en investissements pour les grands projets d’infrastructure ou en matière d’environnement et a rappelé qu’il était nécessaire de mettre en place des mécanismes de financement pour les PME qui avaient contribué, ces dernières années, à diversifier l’économie luxembourgeoise et à mettre en place une "nouvelle économie" , ce qu’il fallait continuer d’encourager dans les cinq ou dix années à venir. Par exemple, il souhaiterait que des entreprises de recherche et développement, notamment en biomédecine, environnement, énergie ou TIC, s’installent sur le site de Belval. Dans le secteur des infrastructures publiques, Claude Wiseler voudrait que soit réalisé le projet de hub logistique autour de l’aéroport, en lien avec Cargolux, pour lui un "besoin absolu". Yves Nosbusch a pour sa part indiqué qu’il faudrait faciliter l’accès au Luxembourg pour les frontaliers car les conditions actuelles conduisent à une "perte d’efficience" pour ces travailleurs.