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La décision de la Commission européenne d’avaliser les subventions britanniques pour la centrale nucléaire de Hinkley Point C va faire l’objet de plusieurs plaintes, notamment de la part du gouvernement autrichien et de Greenpeace Energy
05-03-2015


nuclear-plant (Soure: Parlement européen)En marge du Conseil Transports, télécommunications et énergie (TTE) du 5 mars 2015, et dans un communiqué ministériel diffusé le même jour, le ministre autrichien de la Science, la Recherche et l’Economie, Reinhold Mitterlehner, a déclaré que l’Autriche était en train de préparer une plainte à l’encontre la Commission européenne qui a accordé son feu vert aux aides d’Etat britanniques pour la construction de deux réacteurs EPR à la centrale de Hinkley Point. Le ministre a indiqué que l’Autriche ne souhaitait pas porter atteinte à l’indépendance d’un pays dans la production d’énergie mais qu’elle voyait dans les aides d’Etat accordées par le gouvernement britannique une "distorsion à la concurrence" dans l’UE. La décision de porter plainte contre la Commission avait déjà été annoncée par le ministre autrichien le 8 octobre 2014, le jour même où la Commission avait rendu public son jugement favorable envers le subventionnement du projet par le gouvernement britannique.

Pour mémoire, souhaitant renouveler 20% de son parc de réacteurs nucléaires dans les dix prochaines années, le gouvernement britannique s’était mis d’accord, en octobre 2013, avec le producteur français d'électricité EDF, allié à deux groupes chinois, pour la construction de deux réacteurs nucléaires à eau pressurisée (EPR) à la centrale nucléaire Hinkley Point dans la région du Somerset. Cette centrale pourrait ainsi assurer, à partir de 2023, 7 % des besoins en électricité du Royaume-Uni.

En décembre 2013, la Commission européenne avait décidé de lancer une enquête sur le projet britannique, au titre du régime des aides d’Etat. Dans des courriers séparés, la ministre luxembourgeoise de l’Environnement, Carole Dieschbourg, et l’eurodéputée CSV, Viviane Reding, avaient alors demandé à la Commission européenne, début octobre 2014, de renoncer à autoriser la construction des deux réacteurs à Hinkley Point, au regard du régime d’aides d’Etat.

Quelques jours plus tard, la Commission avait jugé le plan britannique de subventionnement du projet de construction des deux réacteurs compatible avec les règles européennes concernant les aides d’Etat. Dans un communiqué de presse publié le 8 octobre 2014, elle avait indiqué que l’aide étatique remédiait à une "défaillance du marché" et que sans elle, "les promoteurs du projet ne seraient pas en mesure d’obtenir le financement nécessaire à ce projet en raison de sa nature et de sa taille sans précédent”.

Greenpeace Energy demandera un recours en annulation auprès de la CJUE dès que la décision de la Commission sera parue au Journal officiel

Dans un communiqué de presse diffusé le 4 mars 2015, le fournisseur allemand d’électricité verte Greenpeace Energy, affilié à l’ONG Greenpeace, a fait savoir qu’il souhaitait déposer un recours en annulation auprès de la CJUE, "dès que la décision de la Commission sera parue au Journal officiel de l’Union".

Dans son communiqué, Sönke Tangermann, membre du Conseil d’administration de Greenpeace Energy, a indiqué que "l’électricité nucléaire hautement subventionnée" allait "entraver la concurrence de manière significative". Selon lui, la construction des nouveaux réacteurs n’est pas une "affaire purement britannique". En Allemagne aussi, "les prix de l'électricité à la bourse vont s'en ressentir", a-t-il indiqué, craignant une baisse qui va "tout particulièrement pénaliser" les fournisseurs qui, comme Greenpeace Energy, achètent de l’électricité verte à prix fixes directement auprès de l’opérateur.

Greenpeace Energy dénonce également la construction des réacteurs à Hinkley Point comme étant "la partie émergée de l’iceberg". La société redoute en effet que la construction des deux réacteurs grâce au régime des aides d’Etat ne conduise au lancement d’autres projets du même type, "qui entraîneront d’autres failles encore plus importantes sur le marché de l’énergie  européen". Elle appelle donc le gouvernement allemand à empêcher la concrétisation "d’autres projets nucléaires risqués et absurdement coûteux en Europe" et lui demande d’entamer des mesures juridiques contre les "aides financières injustes" accordées à la construction des réacteurs de Hinkley Point.

La société entend même, dans la mesure du possible, déposer une plainte collective avec d’autres acteurs du marché de l’énergie allemand. D’autres ont en effet déjà agi en ce sens, comme par exemple la société Elektrizitätswerke Schönau, située dans le Land de Bade-Wurtemberg, qui a déposé un "recours pour violation du droit européen sur les aides en raison de l'autorisation d'aides publiques faussant la concurrence au profit de la centrale nucléaire Hinkley Point C", le 28 novembre 2014. 

Les Verts allemands soutiennent la décision de Greenpeace Energy et en appellent au gouvernement

Le parti vert allemand Bündnis 90/Die Grünen a salué, dans un communiqué, la décision de Greenpeace Energy, évoquant le "danger d’une renaissance insensée de l’énergie atomique". Oliver Krischer, chef du groupe des Verts au Bundestag, et Sylvia Kotting-Uhl, porte-parole pour la politique nucléaire, indiquent qu’ils "encouragent les autres fournisseurs d’énergie à suivre l’exemple de Greenpeace Energy et à porter plainte auprès de la CJUE". Ils en appellent également au gouvernement pour qu’il soutienne les entreprises allemandes dans leur dépôt de plainte et qu’il "prenne enfin une position claire quant à la décision de la Commission".

Les deux députés font savoir qu’ils déposeront une nouvelle demande auprès du Bundestag dans laquelle ils "invitent le gouvernement à porter plainte contre les subventions pour la construction des réacteurs nucléaires à Hinkley Point". En automne 2014, les Verts allemands avaient déjà déposé, auprès du Bundestag, une demande de plainte contre la Commission, mais celle-ci avait échoué.

Selon une dépêche de l’AFP en date du 5 mars 2015, la coprésidente du groupe des Verts/Alliance libre européenne au Parlement européen, Rebecca Harms, aurait elle aussi indiqué que le gouvernement allemand devrait se joindre à la plainte qui sera déposée par l’Autriche.