Les ministres de l’Energie de l’UE se sont réunis le 5 mars 2015 pour un Conseil TTE consacré aux questions de politique énergétique.
A cette occasion, les ministres ont notamment officiellement confirmé sans débat l’accord trouvé en trilogue en novembre 2014 sur les émissions de CO2 des grands navires.
A peine un peu plus d’une semaine après que la Commission européenne a mis sur la table ses propositions en vue d’établir un cadre stratégique pour une Union de l’énergie, c’est ce texte qui a fait l’objet de l’essentiel des débats au Conseil.
Ce premier échange de vues sur le sujet doit servir de base aux discussions qui vont se poursuivre lors du Conseil européen de mars. Le message des ministres européens de l'Énergie sera transmis à leurs collègues à l'Environnement, qui devaient se réunir dès le lendemain pour discuter des aspects de la stratégie concernant la décarbonisation. La Présidence lettonne résumera les débats de ces deux formations du Conseil dans une lettre unique à l'attention du Conseil européen de printemps prévus les 19 et 20 mars 2015.
"Les ministres ont fait valoir leurs positions sur les paramètres clés et les objectifs de l'Union de l'énergie. Nous avons entendu un message extrêmement clair de leur part disant que ce projet doit trouver un juste équilibre entre les aspects sécurité énergétique, prix abordables et transition vers une économie à faible teneur en carbone. Les préoccupations des citoyens, les difficultés géopolitiques actuelles, l'emploi, la mobilité durable ou les factures énergétiques doivent être au centre de cette réponse politique", a résumé devant la presse la ministre lettone de l'Économie, Dana Reizniece-Ozola.
Le vice-Premier ministre et ministre de l’Economie, Étienne Schneider, qui représentait le Luxembourg, s’est associé à ceux qui considèrent que le moment est venu pour réaliser l’Union énergétique, indique un communiqué de presse diffusé par le gouvernement luxembourgeois. "J’estime que l’Union européenne doit se doter d’une Union énergétique autonome, solide et qui, à l’instar d’autres politiques de l’UE - comme l’agriculture, la gestion de la biodiversité ou le développement territorial -, doit contribuer à la lutte contre le changement climatique", a-t-il indiqué.
"Nous avons besoin d’une Union de l’énergie avec des règles claires qui soient respectées et vérifiées", avait-il indiqué au micro d’une journaliste allemande à son arrivée au Conseil. "L’important c’est de la mettre en œuvre !", insistait-il en annonçant que la Présidence luxembourgeoise du second semestre 2015 allait "essayer de faire avancer" ce dossier.
Les services de presse du Conseil indiquent que "certains ministres considèrent que le plein fonctionnement du marché intérieur doit constituer le cœur de l’Union de l’énergie". Le Bulletin quotidien de l'Agence Europe indique qu’il s’agit là de l'Allemagne, de l'Autriche, du Danemark, de l'Irlande, du Portugal et du Royaume-Uni.
D’autres ont souligné "la nécessité de lutter pour une plus grande sécurité énergétique au vu de la forte dépendance aux importations d’énergie et de l’exposition de certains Etats membres", indique encore le Conseil qui souligne que les appels à réduire la dépendance énergétique, notamment en ce qui concerne les livraisons de gaz, ont été "largement partagés". Sur ce point, le ministre luxembourgeois, qui estime qu’il faut mieux relier les réseaux au sein de l’UE, indiquait à son arrivée au Conseil que la Commission européenne cherchait des alternatives au gaz russe, alternatives qu’il juge nécessaires "pour ne pas nous laisser mettre sous pression par Moscou sur le plan énergétique".
"Beaucoup de ministres ont soutenu l’appel de la Commission à faire des efforts supplémentaires pour augmenter l’efficacité énergétique", indique encore le Conseil. D’après le Bulletin quotidien, "ce sont surtout les pays d'Europe occidentale, dont la France, l'Italie et le Luxembourg, qui ont mis l'accent sur l'efficacité énergétique". Le communiqué de presse diffusé par le gouvernement luxembourgeois confirme qu’Etienne Schneider a insisté sur l’efficacité énergétique. "Les analyses de la Commission montrent en effet que cette dimension permettrait à l’UE de réduire ses importations de gaz de 40 % d'ici 2030", y est-il souligné.
D’après ce communiqué de presse, Etienne Schneider s’est "félicité de la volonté ferme du président de la Commission européenne de faire de l’UE le leader mondial en matière d’énergies renouvelables". Un point sur lequel le l’Agence Europe indique que l'Allemagne, l'Italie, l'Autriche, le Danemark et la Suède ont insisté eux aussi.
Selon les services de presse du Conseil, les ministres jugent que les suggestions faites par la Commission pour augmenter la transparence sur les accords intergouvernementaux et les contrats commerciaux d’approvisionnement devaient être "considérées avec attention".
Le communiqué du Conseil souligne aussi que l’importance accordée par la Commission à la coopération régionale pour mettre en place un meilleur marché de l’énergie a été "largement soutenue". Ce que la ministre lettonne a notamment relevé devant la presse en expliquant que "les ministres sont tout à fait favorables à la mise en place de coopérations régionales pour améliorer le fonctionnement du marché intérieur, et la Commission est d'avis que la coopération régionale constitue un bon outil de gestion des mesures de politique énergétique européenne". Pour rappel, le Luxembourg s’est engagé dans une coopération de ce type avec la mise en place d’un marché gazier intégré avec la Belgique pour le 1er octobre 2015. Et Etienne Schneider s’est d’ailleurs dit convaincu que le passage d’une politique énergétique à une Union énergétique ne se fera que par le biais d’une nouvelle gouvernance qui donne la priorité notamment à la dimension régionale, ainsi que le mentionne le communiqué de presse diffusé par le gouvernement luxembourgeois.
"De nombreuses délégations ont insisté sur la nécessité de respecter les compétences nationales des Etats membres en ce qui concerne le bouquet énergétique", indiquent encore les services de presse du Conseil. Si personne ne semble remettre en cause cette compétence nationale, la question de la possibilité de subventionner la production d’énergie nucléaire a toutefois fait l’objet d’un vif débat.
Le vice-chancelier et ministre allemand de l’Economie, Sigmar Gabriel, a assuré en marge du Conseil qu’en aucun cas il ne donnerait son accord à ce que l’énergie nucléaire puisse être financée avec l’argent du contribuable en Europe. Or, certains pays, parmi lesquels la France, la Pologne ou le Royaume-Uni, plaident pour un renforcement du nucléaire et pour qu’il soit possible de financer cette énergie avec des fonds européens. Le ministre Étienne Schneider s’est rallié à son collègue allemand pour s’opposer aux tendances à financer l’énergie nucléaire par le biais de fonds publics nationaux et communautaires, est-il indiqué dans le communiqué de presse du gouvernement luxembourgeois.
Ces vives discussions s’inscrivent dans le contexte de la décision de la Commission d’autoriser, dans le contexte de l’analyse des aides d’Etat qu’elle mène dans le cadre de la politique de concurrence, des subventions accordées pour la construction et l’exploitation de deux réacteurs de la centrale nucléaire britannique de Hinley Point. Cette décision, dénoncée par le gouvernement luxembourgeois avant même son annonce, fait l’objet de plusieurs plaintes et recours en annulation. Le gouvernement autrichien et Greenpeace Energy viennent par exemple d’annoncer les procédures qu’ils sont sur le point d’engager.
Les discussions des ministres ont aussi porté sur les infrastructures énergétiques en tant que moyen d’achever un marché intérieur de l’énergie interconnecté. Dans ce contexte, les ministres ont salué la communication de la Commission sur l’interconnexion, qui vise à réaliser l’objectif de 10 % d’interconnexion dans le secteur de l’électricité d’ici 2020.
Là encore, la coopération régionale a été au cœur des discussions au cours desquelles les ministres ont appelé à des "mesures urgentes" pour achever un marché de l’énergie interconnecté afin d’assurer un approvisionnement en énergie sans interruption à travers l’Europe et d’augmenter l’interconnectivité en mettant fin à l’isolement de certains Etats membres des réseaux européens de gaz et d’électricité.
Les services de presse du Conseil indiquent que nombre de ministres ont insisté sur la nécessité de moderniser et élargir les infrastructures énergétiques et ont demandé des projets d’intérêt commun qui pourraient être menés rapidement. L’adoption et la mise en œuvre rapides des codes de réseaux pour le gaz et l’électricité devraient aussi être une priorité pour les ministres.
Une large majorité de ministres a mis l’accent sur le fait que plus d’investissements étaient nécessaires dans les infrastructures intelligentes et stratégiques, et plusieurs d’entre eux n’ont pas manqué d’évoquer à ce titre le projet de plan d’investissement proposé par la Commission Juncker.
Sur ce point, le ministre luxembourgeois a tenu "à souligner que la mise en place de l'Union de l’énergie nécessite des investissements importants". "J’invite dès lors la Commission européenne à faire le bilan sur l’ensemble des moyens financiers communautaires existants dans les perspectives financières pour le secteur énergétique", a-t-il déclaré. Etienne Schneider a dans ce contexte lancé un appel pour la mise en place rapide du Fonds européen pour les investissements stratégiques et a exprimé son souhait que le secteur énergétique y soit une des priorités absolues.