Le 24 avril 2015, l’eurodéputé Georges Bach (PPE) a dressé au cours d’une conférence de presse un état des lieux du dossier législatif relatif au droit des passagers aériens dont il est le rapporteur.
Pour mémoire, la Commission européenne a présenté le 13 mars 2013 un ensemble de mesures visant à renforcer et à étoffer les droits des passagers aériens. La Commission veut renforcer les droits des passagers qui sont bloqués à l'aéroport, notamment en ce qui concerne l'information, la prise en charge et le réacheminement. Afin que les passagers puissent réellement faire valoir leurs droits, la proposition de la Commission vise également à renforcer les procédures de traitement des réclamations et les mesures de contrôle de l'application.
La plénière du Parlement européen a adopté le 5 février 2014 le rapport de l’eurodéputé Georges Bach sur la proposition de règlement de la Commission établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, ainsi que le règlement relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en ce qui concerne le transport aérien de passagers et de leurs bagages.
"Le dossier est bloqué au Conseil, et ceci depuis 2014", a indiqué l’eurodéputé Georges Bach, qui regrette que le Parlement européen ne dispose actuellement pas d’un partenaire au Conseil pour négocier. "La présidence grecque nous avait promis qu’elle allait faire avancer le dossier, mais elle n’y est pas parvenue", a-t-il précisé. La présidence italienne n’aurait pas non plus réussi à faire avancer le dossier. Enfin, "la présidence lettone y a mis beaucoup d’énergie, mais elle n’a pas plus réussi à produire des avancées", a encore indiqué l’eurodéputé.
Ce blocage au Conseil est dû au volet politique des négociations en cours en matière de droits de passagers aériens lié aux désaccords entre l’Espagne et le Royaume-Uni sur la question de Gibraltar. L'Espagne veut en effet que les aéroports de Gibraltar soient exclus de la législation européenne sur l'aviation jusqu'à la résolution d’une dispute territoriale concernant la bande de terre reliant l'enclave britannique au continent.
En traitant le dossier des passagers aériens, "le Parlement a estimé qu’il doit l’appliquer à l’ensemble des citoyens européens", explique Georges Bach. "C’est pourquoi nous y avons également traité Gibraltar", indique-t-il. Cela est en accord avec une position du Conseil qui dit que l'Union européenne "n'a pas pris parti quant à l'application de cette proposition à l’aéroport de Gibraltar".
Georges Bach a expliqué que la "première convention sur Gibraltar", qui avait été signée entre le Royaume-Uni et l’Espagne en 1987, avait servi comme base de l’accord de Cordoue de 2006 signé entre Madrid et Londres. Peu après la signature de ce dernier, l’Espagne avait décidé de s’en distancier, "car elle craignait que cet accord ne serve comme base à la gouvernance de Gibraltar afin d’accéder à plus de souveraineté", relève l’eurodéputé. "Ceci explique pourquoi l’Espagne bloque tous les dossiers qui ont trait à l’aviation, y compris le projet ‘Ciel unique européen’" indique Georges Bach.
Dans ce contexte, le Parlement européen est selon lui impuissant, car "la question de Gibraltar doit être traitée à un haut niveau diplomatique, mais celle-ci n’est pas abordée, car l’Espagne et le Royaume-Uni sont à la veille d’élections", regrette l’eurodéputé. Ainsi, selon lui, les négociations seront reportées à 2016, car il estime que ni l’Espagne ni Royaume-Uni "ne voudront traiter la question" avant cette date, regrette Georges Bach. "Nous perdrions ainsi deux ans dans les négociations d’un dossier qui est dans l’intérêt du citoyen", déplore l’eurodéputé. Ceci impliquerait donc que la question ne pourrait pas être résolue au cours de la présidence luxembourgeoise du Conseil. "Le Luxembourg va évidemment tenter de poursuivre les discussions, mais nous ne nous faisons pas de grandes illusions quant au fait que nous puissions avancer sur la question", a dit Georges Bach.
Pour ce qui est du volet technique des négociations sur les droits des passagers aériens, l’eurodéputé explique que celui-ci est "moins problématique".
Une des difficultés était notamment liée au fait que le dossier tel que proposé par la Commission européenne était "déséquilibré" et "trop orienté en faveur du secteur de l’aviation". "Nous [le Parlement européen, ndlr] l’avons rééquilibré", afin de mieux tenir compte des "droits des passagers" et "de la protection des consommateurs", a-t-il indiqué. "Il ne s’agissait pas de créer de nouveaux droits", mais plutôt de "combler les lacunes de la directive en vigueur de 2004" afin "d’apporter plus de clarté" et "d’éviter les divergences d’interprétation", a-t-il précisé.
Il s’agirait par exemple de mieux informer les passagers lors d’une réservation de vol, ou de mieux les encadrer lorsqu’un incident se produit. A travers ses modifications, le Parlement européen exige en outre que les compagnies aériennes répondent aux questions des passagers "au plus tard dans les deux mois".
Le Parlement européen demande par ailleurs une définition plus précise des "circonstances exceptionnelles" et des "problèmes techniques", indique Georges Bach. L’eurodéputé rapporte également un désaccord entre le Parlement européen d’un côté, le Conseil et la Commission d’un autre, en ce qui concerne les compensations à payer aux passagers en cas de retards. "Les propositions du Conseil et de la Commission vont dans le sens d’une détérioration", a-t-il dit.
Une autre pierre d’achoppement est la "no-show-policy" : "si vous réservez un vol ‘aller-retour’, et vous ne prenez pas le ‘vol aller’, vous perdez le droit au ‘vol retour’", explique Georges Bach, tout en indiquant que le Parlement européen veut changer cela.
"Nous aimerions négocier tous ces points avec le Conseil, mais pour pouvoir négocier, il faut un interlocuteur", a conclu l’eurodéputé.
Aux yeux de Georges Bach, il est essentiel de conclure le dossier législatif relatif aux droits des passagers aériens. "Le monde avance, il y a de plus en plus de vols, et de plus en plus d’incidents", souligne l’eurodéputé. "Bien que les gens soient mieux informés, il y a de plus en plus de personnes qui ont affaire à des retards et des annulations", indique-t-il. Ces cas sont souvent tranchés devant les tribunaux nationaux et la Cour de Justice de l’UE, si bien qu’in fine, "ce sont les tribunaux qui tranchent des décisions politiques", a-t-il déploré. Or, à ses yeux, "c’est le législateur qui doit faire la politique, et les cours doivent se limiter à interpréter la législation".