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Economie, finances et monnaie - Fiscalité
Accord "historique" entre la Suisse et l'UE sur l'échange automatique d’informations en matière fiscale, en vue de lutter contre la fraude fiscale
27-05-2015


Drapeaux de la Suisse et de l'Union européenne (© DEA)Le 27 mai 2015, l’UE et la Suisse ont signé un nouvel accord sur la transparence fiscale, qui entend "améliorer considérablement" la lutte contre la fraude fiscale. L'accord avait déjà été paraphé le 19 mars 2015.

L'accord a été signé par Pierre Moscovici, commissaire européen pour les affaires économiques et financières, la fiscalité et les douanes, et Janis Reirs, ministre letton des finances au nom de la présidence lettone du Conseil de l'UE, ainsi que par Jacques de Watteville, secrétaire d'État suisse aux questions financières internationales.

Dans le cadre de cet accord, qualifié comme "historique" par la Commission européenne, les deux parties échangeront automatiquement des informations sur les comptes financiers de leurs résidents respectifs à compter de 2018. Cet accord marque la fin du secret bancaire suisse pour les résidents de l'Union et entend empêcher les fraudeurs du fisc de dissimuler des revenus non déclarés sur des comptes en Suisse.

"L'accord signé aujourd'hui marque le début d'une nouvelle ère en matière de transparence et de coopération dans le domaine fiscal entre l’UE et la Suisse", s’est félicité le commissaire Pierre Moscovici, selon ses propos repris dans le communiqué de la Commission datant du 27 mai. "Il s'agit d'un nouveau coup porté aux fraudeurs du fisc et d'un pas supplémentaire vers une fiscalité plus juste en Europe", a-t-il poursuivi. "L'Union a montré la voie à suivre pour l'échange automatique d'informations, dans l'espoir que ses partenaires internationaux lui emboîteraient le pas, et cet accord témoigne de ce qui peut être accompli grâce à l'ambition et à la détermination de l'Union", a-t-il conclu.

Le contexte

Pour mémoire, au cours des dernières années, les Européens ont renforcé leur arsenal pour mieux lutter contre la fraude et l'évasion fiscale. Ils ont notamment étendu le champ d'application de l'échange automatique d'informations entre les administrations fiscales concernant les particuliers, après avoir réussi à lever les réticences de l'Autriche et du Luxembourg. Aux yeux de la Commission, l'échange automatique d'informations est considéré comme l'un des instruments les plus efficaces pour lutter contre la fraude fiscale. "Il fournit aux autorités fiscales des informations essentielles sur les revenus étrangers des résidents, de sorte que celles-ci peuvent calculer et percevoir l'impôt qui leur est dû", explique-t-elle dans son communiqué de presse diffusé le 27 mai. Dans ce contexte, le 19 mars 2015, la Suisse et l’UE avaient déjà paraphé à Bruxelles l'accord visant à introduire la norme internationale d’échange automatique de renseignements en matière fiscale.

Pour la Commission, cette nouvelle transparence devrait renforcer la capacité des États membres d'identifier et de combattre les fraudeurs du fisc et avoir un effet dissuasif

Dans le cadre du nouvel accord UE-Suisse, les États membres recevront chaque année les noms, adresse, numéro d'identification fiscale et date de naissance de leurs résidents possédant des comptes en Suisse, ainsi que d'autres informations sur les actifs financiers et le solde des comptes. L'échange d'informations ne concerne ainsi pas seulement les revenus tels que les intérêts et les dividendes.

La Commission et le Conseil indiquent dans leur communiqué respectif que l'accord a deux objectifs spécifiques. Tout d'abord, il veille à ce que la Suisse applique des mesures renforcées qui soient équivalentes à la directive de l'UE telle que modernisée en mars 2014. Deuxièmement, il entend se conformer à la norme élaborée par l’OCDE et le G20 relative à l’échange automatique d’informations.

Le Conseil précise que des dispositions de l’accord visent à limiter les possibilités pour les contribuables d’éviter d'être signalés aux autorités fiscales en transférant des actifs ou en investissant dans des produits qui sont en dehors de la portée de l'accord.  Par ailleurs, les administrations fiscales dans les Etats membres et en Suisse seront en mesure de:

  • identifier "correctement et sans équivoque" les contribuables concernés;
  • administrer et faire appliquer leurs lois fiscales dans les situations transfrontalières;
  • évaluer la probabilité d'évasion fiscale perpétrée;
  • éviter de nouvelles enquêtes inutiles.

Pour la Commission, cette nouvelle transparence devrait non seulement renforcer la capacité des États membres d'identifier et de combattre les fraudeurs du fisc, mais elle aurait aussi un effet dissuasif sur la dissimulation de revenus et d'actifs à l'étranger en vue d'éluder l'impôt.

"Cet accord fait partie intégrante de la politique du Conseil fédéral à l'égard des marchés financiers, basée sur un système d'imposition conforme aux normes internationales", indique le gouvernement suisse

Dans un communiqué de presse diffusé le même jour, le gouvernement suisse indique qu’en appliquant la norme internationale d'échange automatique de renseignements, la Suisse et l'UE contribuent "de manière déterminante à la lutte contre la soustraction fiscale". "Cet accord fait partie intégrante de la politique du Conseil fédéral à l'égard des marchés financiers, politique qui est basée sur un système d'imposition conforme aux normes internationales", a-t-il poursuivi. "Il n'est cependant pas possible d'établir un lien formel entre l'introduction de la norme internationale et d'autres dossiers portant sur des questions fiscales et financières", précise le gouvernement suisse.

A noter qu’à la veille de la conclusion de cet accord, le Secrétaire d'Etat suisse aux questions financières internationales, Jacques de Watteville, avait souligné que Berne était en train de faire "un grand ménage" afin de régulariser la situation fiscale des avoirs étrangers déposés dans ses banques avant 2017, selon ses propos repris dans une dépêche diffusée le même jour par l’AFP.  Il avait cité à titre d'exemple la récente lettre envoyée par l'autorité de surveillance des banques suisses (FINMA), qui a sommé les banques genevoises de remettre la liste des comptes de leurs clients transfrontaliers, notamment français. "L'accord avec Bruxelles est très important pour la Suisse, car on règle d'un coup le cas avec 28 pays", avait dit Jacques de Watteville, en ajoutant qu'il allait contribuer "à aplanir les relations avec l'UE".

Dans son communiqué, le gouvernement suisse porte également l’attention sur le fait que des discussions exploratoires ont eu lieu avec l'UE sur la faisabilité et la mise en place possible d'un accord sectoriel sur les services financiers, en vue d’améliorer l’accès aux marchés. "La poursuite de ces discussions dépend du développement des relations globales avec l'UE, en particulier de celles qui portent sur la libre circulation des personnes", explique le gouvernement suisse.

La suite

L'UE et la Suisse doivent à présent ratifier l'accord pour qu'il puisse entrer en vigueur le 1er janvier 2017. En Suisse, le parlement doit ratifier cet accord qui peut aussi être soumis à référendum. Dans l'UE, le Parlement européen sera encore formellement consulté et l'accord devra ensuite être formellement adopté par le Conseil.

A noter que la Commission est en train de conclure des négociations relatives à des accords similaires avec l'Andorre, le Liechtenstein, Monaco et Saint-Marin, qui devraient être signés avant la fin de l'année.