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Emploi et politique sociale - Fiscalité
Semestre européen 2015 – La Chambre des salariés du Luxembourg estime que les recommandations formulées par la Commission sont "peu pertinentes" et qu’elles "n’attachent que peu d’importance aux questions sociales"
27-05-2015


Chambre des SalariésLe 27 mai 2015, la Chambre des salariés (CSL) du Luxembourg a réagi par voie de communiqué aux recommandations formulées par la Commission à l’attention du Luxembourg dans le cadre du semestre européen 2015, indiquant que celles-ci étaient "peu pertinentes", qu’elles faisaient "l’impasse sur l’essentiel" et qu’elles n’attachaient "que peu d’importance aux questions sociales".

Pour mémoire, le 13 mai 2015, la Commission a publié les projets de recommandations qui seront adressées au Etats membres dans le cadre du semestre européen 2015. Dans le cas du Luxembourg, trois recommandations ont été retenues.

Le Luxembourg est ainsi invité:

  1. à élargir la base d’imposition, en particulier sur la consommation, la taxation récurrente des biens immobiliers et la fiscalité environnementale ; 
  2. à combler l’écart entre l’âge légal et l’âge effectif de départ à la retraite, en limitant les départs anticipés et en liant l’âge légal de la retraite à l’évolution de l’espérance de vie ;
  3. et enfin  à réformer le système de formation des salaires en concertation avec les partenaires sociaux et conformément aux pratiques nationales, afin que les salaires évoluent en fonction de la productivité, en particulier au niveau sectoriel.

Dans la foulée de la publication de ces recommandations par la Commission, plusieurs réactions s’étaient déjà fait entendre au Luxembourg.

En ce qui concerne la suggestion de la Commission d’élargir la base d’imposition, le gouvernement s’était étonné qu’on lui recommande d’augmenter ses impôts, tandis que l’OGBL et la CSL s’opposaient à toute hausse des taxes indirectes. Pour ce qui est de la recommandation visant à combler l’écart entre l’âge légal et l’âge effectif de départ à la retraite, Jean-Claude Reding et l’OGBL dénonçaient une recommandation qui relève de l’idéologie. Enfin, en ce qui concerne l’invitation à réformer le système de formation des salaires, tant le président de la CSL que l’OGBL estimaient qu’il s’agit d’un sujet qui relève de la souveraineté nationale.

La réforme de la fiscalité

Pour ce qui est de la fiscalité, la CSL partage dans son communiqué l’avis du gouvernement  luxembourgeois et du Conseil concernant la nécessité d’une réforme fiscale au Luxembourg. Elle estime néanmoins qu’en amont de la réforme, il est indispensable de transmettre aux partenaires sociaux les résultats des études en cours et des informations plus détaillées sur le cadre fiscal en vigueur, notamment en ce qui concerne les principales caractéristiques des contribuables, le recours aux abattements, crédits d’impôts ou autres moyens de diminuer la charge fiscale comme par exemple les tax rulings.

En ce qui concerne la réforme fiscale proprement dite, la CSL est "catégoriquement opposée" à une nouvelle hausse des impôts sur la consommation, la hausse de deux points de pourcentage des taux de TVA ayant selon elle déjà suffisamment pesé sur les budgets des ménages, et notamment ceux des plus pauvres.

Pour la CSL, le système actuel entraîne avant tout une distorsion de la charge fiscale, les ménages payant environ 60 % des impôts collectés, la part des entreprises ne s’élèvant qu’à 40 % du total.

La CSL est en revanche favorable à une réforme de l’impôt foncier dès lors que celle-ci est "socialement juste", c’est-à-dire quand cet impôt est réévalué pour les ménages aisés et les propriétés secondaires ou non-occupées. "Une telle mesure aurait également pour effet d’augmenter l’offre de logements et de terrains constructibles si la charge fiscale de leurs propriétaires devient plus importante que le rendement attendu de la détention et non-utilisation de ces biens", lit-on dans le communiqué de la CSL.

Par ailleurs, la réforme fiscale serait l’occasion de réfléchir à la réintroduction de l’impôt sur la fortune pour les personnes physiques ainsi qu’à une imposition plus conséquente des revenus du capital, afin de contribuer à une réduction des inégalités entre ménages.

Finalement, "si l’on considère que la réforme est censée assurer une stricte neutralité au niveau du budget de l’État, il convient de garantir une répartition plus équitable de la charge fiscale entre personnes physiques et personnes morales, afin de pallier la distorsion en termes de contributions fiscales présente dans le cadre fiscal en vigueur", souligne la CSL. La réforme fiscale doit selon elle avoir comme objectif surtout d’alléger la charge fiscale des ménages à faible et moyen revenu.

La réforme du système de pensions

Pour ce qui est des recommandations de la Commission en matière de réforme du système de pensions, la CSL souligne que le principal argument avancé pour un allongement de la vie active des salariés est l’augmentation de l’espérance de vie.

Elle met en garde, estimant que les prévisions qui tablent sur une augmentation continue de l’espérance de vie ne seront pas nécessairement confirmées par la réalité. "En outre, celle-ci n’est pas la même pour toutes les catégories de salariés, ce qui engendre de fortes inégalités qui pénalisent les travailleurs qui ont des conditions de travail très pénibles", précise-t-elle.

Les propositions gouvernementales et européennes font selon elle l’impasse sur toute une série de questions, comme par exemple la garantie d’embauche ou de maintien effectif des salariés âgés dans l’emploi, l’amélioration concrète des conditions de travail des salariés âgés, etc.

La CSL estime par ailleurs que les idées de la Commission de vouloir limiter les départs anticipés et de lier l’âge légal à l’évolution de l’espérance de vie, "font fausse route". Elle renvoie aux alternatives qu’elle a déjà formulées portant sur le financement du régime, les conditions nécessaires à un allongement de la vie active ainsi que les carrières d’assurances interrompues ou débutées tardivement. "Concernant l’augmentation des recettes, des mesures alternatives de financement combinées dans certains cas à une augmentation des cotisations pourraient maintenir en équilibre le régime pendant des décennies, sans qu’il soit nécessaire de procéder à des réductions de prestations", souligne la CSL.

Afin de favoriser le prolongement de la vie active, la CSL a notamment plaidé pour l’instauration d’une retraite progressive sous forme de cumul d’un travail à temps partiel et d’une pension partielle dès 57 ans.

La réforme du système de formation des salaires

Enfin, pour ce qui est de la recommandation au Luxembourg de prendre des mesures en vue de supprimer tous les obstacles qui entravent la variation des salaires selon la productivité, la CSL indique que ce raisonnement de la Commission "n’est pas pertinent". D’une part, il se base sur une analyse des CSU nominaux comme étalon de la compétitivité du Luxembourg, un indicateur que la CSL juge "biaisé". "D’autre part, elle fait abstraction des mécanismes de fixation des salaires au Luxembourg qui prennent déjà en considération les évolutions de la productivité au sein de chaque secteur à l’occasion des négociations décentralisées", explique la CSL.

Elle ajoute que cette recommandation est "inappropriée" pour le Luxembourg car elle fait abstraction du fait qu’au Luxembourg les négociations collectives sont décentralisées, se concentrent sur la productivité et ont pour effet que les partenaires sociaux n’ont pas à se préoccuper de la récupération du pouvoir d’achat perdu à cause de l’inflation grâce à l’indexation automatique des salaires. "Dans ce contexte, il est important de rappeler ici que l’indexation automatique est aussi pour cette raison la pierre angulaire de la paix sociale au Luxembourg", souligne la CSL.

Conclusion : des recommandations "peu pertinentes" et qui "font l’impasse sur l’essentiel"

En guise de conclusion, la CSL estime que les institutions européennes attachent trop d’importance à certains types de réformes structurelles, comme par exemple en matière de pensions ou de formation de salaires, mais s’intéressent beaucoup moins à d’autres problèmes "pourtant bien présents" et "ayant potentiellement des effets délétères", comme cela est le cas par exemple pour l’aggravation du chômage ou les inégalités sociales.

"Pour ce qui est des recommandations émises à l’égard du Luxembourg, on note que celles-ci ne sont pas forcément pertinentes : ainsi, en matière de fiscalité, le Conseil prend, avec ses recommandations, les devants sur les instances nationales qui viennent à peine d’entamer la phase préparatoire des négociations au sujet de la réforme fiscale globale à mettre en œuvre en 2017", signale la CSL. 

Quant aux pensions, "le Conseil ne se fatigue pas de répéter annuellement les mêmes idées, alors même que des alternatives viables existent et semblent bien plus adaptées à assurer et l’équilibre et la viabilité à plus long terme du système de pensions actuel", explique le CSL. Le "son de cloche" serait le même en ce qui concerne la question de la formation des salaires.

Dans ce contexte, la CSL regrette qu’au-delà des recommandations répétées annuellement, le Conseil "semble n’attacher que peu d’importance aux questions sociales". A ses yeux, il existe des solutions autres que la remise en question de l’Etat social et des acquis des salariés.