Le ministre de l’Economie, et vice-Premier Ministre, Etienne Schneider, a souligné l’importance du débat sur la compétitivité pour le futur de Luxembourg. Il rappelle les temps de turbulence qu’a traversés l’économie luxembourgeoise pendant la crise, avec une chute du PIB en volume de 9 % en 2009. Néanmoins, à travers les mesures d’ajustements lancées par le gouvernement luxembourgeois, le pays a retrouvé la croissance. Il cite la croissance de 2,9 % du PIB luxembourgeois en 2014, et celle de 2,2 % prévue pour 2015. Selon lui, la situation économique dans l’UE est aussi entamée par la crise, tandis que "les grands moteurs comme l’Allemagne ne tirent plus comme avant". Ceci aurait également un impact sur la croissance du Luxembourg. "Sans être compétitifs, il n’y a pas de croissance, et sans croissance, on ne peut préserver l’Etat social", a signalé le ministre. L’objectif de la croissance serait donc fondamental.
Etienne Schneider indique qu’au Luxembourg, la croissance actuelle génère 2 % d’emplois supplémentaires chaque année. Cependant, le problème du chômage persiste. En 2015, il augmentera même de 7,2 % à 7,4 %. Ceci est principalement dû à des problèmes de qualifications. "Alors que l’économie devient de plus en plus ‘High Tech’, la moitié des inscrits à l’Adem (Agence pour le développement de l’emploi), n’ont pas de qualifications", explique Etienne Schneider. Dans ce contexte, il est important de mieux orienter les jeunes "pour aller étudier ce dont l’économie a besoin", par exemple les études d’ingénieur et les mathématiques, explique le ministre.
Selon le ministre, la stratégie de diversification qui mise sur les technologies de l’information et de la communication, les écotechnologies, la santé et les biotechnologies ainsi que la logistique porte ses fruits, car "2/3 de la croissance de 2,9 % de cette année ne viennent pas de la place financière, mais d’autres secteurs". Il prend l’exemple, Eurohub Sud, une zone d’activités économiques qui met la logistique en relation avec les flux ferroviaires. Grâce à ce projet, la CFL a annoncé qu’elle va pouvoir engager 400 personnes, explique le ministre. 750 firmes et plus de 13000 travaillent d’ores et déjà dans le secteur de la logistique qui offre par ailleurs souvent des opportunités d’emplois pour des personnes peu qualifiées.
Etienne Schneider explique que dans tous les rankings de compétitivité, le Luxembourg s’est amélioré et détient une bonne position, par exemple le World Economic Forum, qui situe le Luxembourg à la 19e position sur 144 pays analysés, ou le Bilan compétitivité 2014 de l’Observatoire de la Compétitivité (ODC), où le Luxembourg est 6e dans l’UE. Etienne Schneider indique que le Ministère de l’Economie a relevé plusieurs points dans les rankings dans lesquels le Luxembourg est moins performant, par exemple la création d’entreprises, où les requêtes sont trop importantes et les délais trop longs. Il a annoncé que le gouvernement œuvrera pour faciliter la création d’entreprises en mettant en avant le modèle "une entreprises en un jour avec un seul euro". Répondant aux critiques que le système actuel de gestion des faillites ne privilégie pas les investisseurs, Etienne Schneider a expliqué que la modification du système actuel qui prévoit que "c’est d’abord la masse salariée qui est servie, puis la sécurité sociale, ensuite les impôts et seulement à la fin, les investisseurs", n’est pas envisageable, car il y aurait en cas d’inversion de cet ordre le risque d’une "insolvabilité organisée", et la sécurité sociale et le fisc risqueraient de voir leur marge de manœuvre réduite en cas de difficultés passagères dans une entreprise. Le ministre a également abordé la simplification de l’accès au financement.
Pour ce qui est du commerce, le ministre a signalé que le gouvernement a réévalué les heures d’ouverture, ce qui a contribué à créer des emplois, mais que le cadre légal n’est pas utilisé par tout le monde. Il a dénoncé les difficultés d’approvisionnement auxquelles fait face le secteur de la distribution au Luxembourg. À cause des conditions contractuelles dictées par les intermédiaires et les producteurs, les commerces luxembourgeois ne sont pas libres de s'approvisionner auprès du fournisseur de leur choix au sein du marché intérieur. A l’occasion d’une réunion du Conseil compétitivité du 4 décembre 2014, le ministre avait déjà invité la nouvelle commissaire Elsbieta Bienkowska, en charge du Marché intérieur, de l’Industrie, de l’Entrepreneuriat et des PME, à agir en proposant des solutions concrètes, comme il l’avait déjà fait sans succès auprès du commissaire Michel Barnier, en charge du dossier jusqu’au 31 octobre 2014.
Nombreux sont les efforts qui ont été faits par le gouvernement actuel et celui précédent en matière d’infrastructures, d’accessibilité, de "connectivité de notre pays vers d’autres centres de décisions mondiaux", par exemple à travers les vols de ‘Turkish Airlines’ vers la Turquie, a indiqué Etienne Schneider. Selon le ministre, le gouvernement entend continuer sur ce chemin.
Le ministre des Finances Pierre Gramegna a lui aussi mis en avant la faible croissance actuelle de l‘UE, et ce "malgré que beaucoup a été fait". Par ailleurs, à travers le plan Juncker, la croissance européenne pourrait être relancée. Le gouvernement soutient pleinement les investissements que la Commission Juncker va entreprendre. Ce qui manque dans l’UE, ce sont selon le ministre des réformes structurelles axées sur la compétitivité. Le ministre souligne que les pays "qui ont fait ces réformes", par exemple l’Allemagne, les pays du Benelux, l’Irlande et les pays scandinaves, sont en train de "recueillir les fruits" de celles-ci. Pierre Gramegna s’est ensuite focalisé sur 4 points : le déséquilibre des comptes publics, la place financière, la fiscalité, et l’image de marque du pays.
"Ce gouvernement voit le rééquilibrage des finances publiques en tant que priorité", indique le ministre. Le ‘Zentralstaat’, c.à.d. l’administration centrale, n’y échappera pas. Le gouvernement désire maintenir la dette publique sous le seuil de 30 % du PIB. Selon lui, les petits pays comme le Luxembourg ont moins de marge de manœuvre que les grands pays lorsqu’ils sont endettés. "Il faut donc agir raisonnablement avec nos finances publiques", a souligné Pierre Gramegna. Le fait d’avoir un rating ‘AAA’ serait dans l’intérêt du pays, car celui-ci reflèterait une stabilité politique et sociale, et des finances publiques saines, ce qui aurait le mérite d’attirer les sociétés et les investisseurs.
2014 a été une bonne année pour la place financière, selon Pierre Gramegna. Un tiers de la croissance du pays en 2014 en est dérivée. Il indique que la place financière constitue un quart de l’économie du pays, avec 144 000 places de travail. Ces chiffres demeurent stables, malgré les plans sociaux dans certaines banques, indique le ministre. Par ailleurs, l’industrie des fonds a connu un "résultat remarquable" en 2014, avec "plus de 3 000 milliards d’euros" qui sont gérés au Luxembourg. Aussi, en 2014, le Luxembourg a enregistré et autorisé un nombre important de fonds alternatifs, indique Pierre Gramegna. "La place financière luxembourgeoise est 15e dans le monde, 1e dans la zone euro, avant Francfort, et 4e dans l’UE derrière Londres, Zurich et Genève", indique Pierre Gramegna. Ses atouts résident selon lui dans la diversité des acteurs qui y opèrent, et dans sa dimension "cross-border", internationale. "On a un réseau important, on connaît le droit dans les autres pays, et on propose des solutions dans les autres pays", explique Pierre Gramegna.
"Le monde a connu une accélération phénoménale, et ce qui était toléré hier ne l’est plus aujourd'hui", a signalé le ministre des Finances en guise d’introduction. "On ne peut ambitionner de faire une course où les entreprises seraient soumises à une taxation 0", a dit Pierre Gramegna, "On ne peut accepter qu’il y ait une course vers le haut, où les taxes seront augmentées tout le temps pour financer les dettes des pays", a-t-il ajouté. Le Luxembourg doit selon lui trouver "un juste milieu" tout en ayant "une fiscalité attractive. "La force du Luxembourg, c’est qu’il est sa stabilité juridique et sa prévisibilité" a souligné Pierre Gramegna. L’enjeu serait de réformer la fiscalité du pays "d’une manière telle qu’on retrouve confiance dans notre système". Pour lui, il faut que celle-ci soit équitablement répartie entre entreprises et personnes physiques pour que ces derniers l’acceptent. Le ministre a aussi indiqué que la Chambre des députés et les partenaires sociaux seront impliqués dans l’élaboration de la réforme fiscale annoncée en 2017, "car c’est un sujet d’intérêt national".
Pierre Gramegna rappelle que le secret bancaire a été levé au Luxembourg, non seulement à cause de la pression internationale, "mais aussi parce que cela ouvre de nouvelles opportunités pour le Luxembourg". "Le BEPS, qui est en train de faire une radiographie de toute la fiscalité dans le monde, amènera des changements inévitables, et le Luxembourg y participera", a ajouté le ministre.
Selon lui, la fiscalité luxembourgeoise doit s’appuyer sur 3 piliers qu’il nomme "les 3 c" :
Pierre Gramegna indique que le Luxembourg "a toujours eu une bonne image de marque". L’affaire Luxleaks l’aurait certainement entamée, mais dans "la deuxième vague" de publications, "de plus en plus, on dit que c’est un problème international". "Notre raisonnement a donc été entendu, aussi parce qu’il est exact", a souligné le ministre. Selon lui le pays doit être plus actif sur son image de marque. A court terme, le pays devrait veiller à réagir aux attaques liées à ‘Luxleaks’ d’une manière proactive, mais à long-terme, le ‘nation-branding’ du pays ne doit pas être axé uniquement sur la place financière.
Le député Laurent Mosar (CSV) a salué une réaction "correcte" du gouvernement face aux nouvelles révélations de Luxleaks, l’encourageant de poursuivre dans cette voie. Il a appelé le gouvernement à œuvrer pour un équilibre budgétaire en 2018, en mettant en garde contre une baisse des recettes fiscales en raison de la taxe sur le commerce électronique (à partir de 2015) et l’échange informatique d’informations (EAI). Il a estimé qu’il "ne faut pas se faire d’illusion" sur "l’impact économique significatif" négatif de l’EAI sur la place financière luxembourgeoise et sur le PIB, tout en craignant la suppression d’emplois. "Des finances publiques saines sont la base pour le développement économique qui nous garantit le triple A, essentiel pour la place financière", a-t-il soutenu.
Concernant le bilan sur la compétitivité dressé par l’Observatoire de la compétitivité, Laurent Mosar a considéré qu’il ne faut pas le percevoir comme une "bible infaillible". Il a proposé plusieurs mesures pour améliorer la compétitivité du Luxembourg, dont l’accélération de la procédure de création d’entreprises qui dure trop longtemps. Il a insisté sur le fait que le Luxembourg détient une très mauvaise place en matière de coûts de licenciement et a appelé le gouvernement à modifier le droit de licenciement, "non pas dans le sens d’une flexibilisation", mais en réduisant les coûts et le temps d’un licenciement. Il a souligné l’importance d’un "registre sur la situation des débiteurs de crédit" afin de faciliter l’octroi de crédits au PME, en citant une étude sur l’importance des registres de la Banque mondiale selon laquelle Luxembourg arrive seulement à la 165e place dans la catégorie "Recevoir un crédit" (Getting credit) de l’étude "Doing business".
Il a appelé le gouvernement à œuvrer au plus vite pour une réforme du taux d’imposition des entreprises, en soulignant "que l’on ne peut pas se permettre de perdre encore deux ans". Il a plaidé pour une baisse du taux d’affichage (actuellement de 29 %) et d’un élargissement de la base imposable. "Notre but n’est pas de baisser la charge fiscale des entreprises, car la situation ne le permet pas, mais de rendre le système plus clair" pour mieux le vendre à l’étranger, a-t-il dit. Vu que la Commission européenne favorise également une harmonisation de l’assiette commune d’imposition, il faudrait avancer au plus vite, a-t-il jugé. Il a plaidé pour plus de transparence dans la fiscalité, "tout en restant concurrentiel" au niveau international, et invité le gouvernement à jouer "un rôle proactif" dans les discussions sur l’initiative de l’OCDE pour lutter contre l'érosion des bases d'imposition et le transfert des profits (dit "BEPS").
Il s’est par ailleurs dit "interpellé" par l’importance de la charge fiscale au Luxembourg, en se référant à une étude de l’OCDE, dans laquelle le Luxembourg atteint la neuvième place sur les 34 pays de l’OCDE concernant la part de la charge fiscale dans le PIB (avec un taux de 38,5 % en 2012 et de 39,3 % en 2013). Il a critiqué les débats sur l’introduction d’un impôt de fortune ou d’un impôt de succession, estimant que ces discussions "créent plus d’agitation que les rulings" alors que le Luxembourg "doit être prévisible".
Le député socialiste (LSAP) Claude Hagen a mis en avant l’importance de tenir compte de critères d’équité sociale, de la cohésion sociale et de la protection des ressources naturelles dans la mise en place des politiques de compétitivité. Tout comme Etienne Schneider, il a aussi mis en avant la nécessité de parfaire la formation des jeunes pour mieux les préparer au marché du travail. Les infrastructures, l’accessibilité et la connectivité internationale du pays doivent aussi améliorées selon lui. Aussi, le pays devrait continuer à investir dans le secteur spatial. D’une manière générale, le Luxembourg devrait poursuivre sa "politique de niche", car "en tant que petit pays, dans un contexte de mondialisation, on ne peut que faire de la politique de niche", a souligné le député-maire socialiste. Claude Hagen a par ailleurs étendu le champ de compétitivité au secteur de la culture. Selon lui, celle-ci est fortement compétitive, notamment grâce à son multilinguisme. En ce qui concerne l’affaire ‘Luxleaks’, selon Claude Hagen, il faut "privilégier la discussion européenne", sachant que le tax ruling n’est pas uniquement pratiqué au Luxembourg.
La porte-parole des libéraux du DP, Joëlle Elvinger, a évoqué une croissance encore insuffisante, quelques soient les prévisions, dans une économie ouverte dépendante de l’économie globale en partie en panne. Pour la députée, le pays doit "sortir du cercle vicieux de l’endettement", même si elle a dû admettre que le Luxembourg "remplit tous les critères de stabilité, ce qui nous permet de garder le triple A". Elle a plaidé pour une réforme fiscale qui ménage les classes moyennes. Elle a insisté sur le fait que dans l’UE, au sein de laquelle il est beaucoup question d’harmonisation fiscale, ce sont toujours les Etats membres qui ont le dernier mot et que cela ne changera pas de sitôt, ce qui permettra de disposer de marges pour une "concurrence fiscale saine".
L’indexation des salaires fait pour Joëlle Elvinger "partie du modèle luxembourgeois, et cela, il faut l’accepter", mais si inflation devait être moins favorable, "on devrait pouvoir en parler", a-t-elle proposé, tout en admettant que "ce n’est pas un sujet dont on aime parler". Pour la députée, c’est une évidence qu’un salaire social minimal ne permet guère à un salarié "de joindre les deux bouts", mais le coût salarial unitaire reste néanmoins trop élevé au Luxembourg. La députée, qui a plaidé pour une maîtrise de la charge salariale et une réforme du secteur public, a dénoncé la concurrence salariale entre le secteur public et le secteur privé. Selon elle, les salaires initiaux du secteur public, plus élevés que ceux du privé, ont induit un manque d’ingénieurs dans les entreprises du privé. Pour contrecarrer ces impasses de recrutement, elle a appelé le gouvernement à s’engager pour une carte bleue européenne qui permette de recruter plus aisément des experts de pays tiers.
Gérard Anzia des Verts a commencé son discours en se demandant ce que vaudrait une position du Luxembourg en tête des pays les compétitifs s’il n’avait plus de paix sociale. L’orateur s’est dressé contre une baisse des salaires, la suppression de l’indexation des salaires et la flexibilisation du marché du travail, ne voulant "pas sacrifier ces atouts à une croissance purement quantitative". Le député vert s’est dit être un partisan d’un "Green New Deal" qui est basé dans le programme des Verts pour les élections européennes de 2014 sur trois axes : un durcissement des règles encadrant l’industrie financière afin de la mettre au service de l’économie réelle, une transformation verte de l’économie basée sur l’innovation et la lutte contre le chômage, la pauvreté et toute autre sorte d’injustice social. Gérard Anzia a déploré le faible taux d’emploi des femmes par rapport aux hommes (64 % pour les femmes contre 79 % pour les hommes et suggéré que l’organisation familiale soit ciblée par des services adéquats afin de permettre à plus de femmes de travailler et de n’être pas dépendantes d’un partenaire. Il a aussi plaidé pour un quota de femmes dans les instances dirigeantes des entreprises. Un autre grand facteur de compétitivité est selon lui la responsabilité sociale des entreprises, une bonne labellisation et le réseautage régional. Son appel : "Le Luxembourg doit sortir de sa zone de confort."
Gast Gibéryen (ADR) a dressé le constat qu’il n’y avait "pas trop de grands désaccords à la Chambre sur ce qui a été discuté". La question de la compétitivité pose d’abord la question "dans quelle direction le pays doit aller", de sorte qu’il ne faut pas seulement parler de manière abstraite de croissance. Combien d’habitants devrait compter le Luxembourg, quelles infrastructures faudra-t-il planifier, comment garantir la cohésion sociale, quel système de pensions, l’actuel système exigeant 4 % de croissance, alors que la croissance tourne depuis la crise autour de 2 % au grand maximum. Pour Gast Gibéryen, il faudra aller vers un nouveau système, les 4 % de croissance étant un facteur que personne ne saurait contrôler. Le député a mis en avant le fait que le Luxembourg va vers les 400 000 emplois, un nombre qui a doublé en 18 ans à travers le recrutement de salariés frontaliers et une forte immigration. Au cours de la même période, le nombre des entreprises a augmenté de 50 %, mais 54 % de ces nouvelles entreprises fonctionnent sans salariés. Comme ce sont les salariés qui paient plus d’impôts que les entreprises, les bonnes entreprises sont pour le député souverainiste celles qui paient des impôts et créent des emplois, et il se demande s’il faut investir dans d’autres entreprise.
Serge Urbany de Déi Lénk s’en est pris aux députés qui ont plaidé pour un Luxembourg misant sur un cadre fiscal attractif pour les personnes très fortunées à travers entre autres le régime des fondations patrimoniales, et qui écartent l’idée d’une réintroduction de l’impôt sur la fortune (ISF), qualifiant leur démarche de "plaidoyer pour le clientélisme". Pour lui, il y a une fracture entre les citoyens qui travaillent et paient des impôts et les High Net Value Individuals ou HNVI que le Luxembourg veut attirer. "Le Luxembourg est l’avant-garde de l’optimisation fiscale", a estimé le député, pour qui "il n’est pas possible d’être encore plus compétitif" à moins d’aller contre les intérêts des citoyens et des entreprises au Luxembourg. S’en prenant aux appels à la modération salariale, Serge Urbany a estimé que "les critères de la compétitivité ne sont pas neutres mais joueront un rôle politique dans le futur". L’attractivité du système fiscal est basée pour lui sur le dumping fiscal, et preuve en est que les entreprises ne paient en fait que 4,1 % d’impôts alors que le taux affiché est de 29 %, et cet argent va manquer au financement de l’Etat et des systèmes de protection sociale.
En conclusion des débats, le ministre des Finances, Pierre Gramegna, est notamment revenu sur la réforme globale de la fiscalité annoncée pour début 2017. Il a plaidé pour qu’elle ne contienne pas seulement des éléments quantitatifs, mais qu’elle soit également qualitative, "ce qui nous permettra de rester attractifs à l’étranger car nous voulons rester attractifs". "Nombre d’entre vous ont dit que le Luxembourg devait pouvoir attirer des investisseurs et que nous devons mener une politique active pour attirer les centres de décisions et les sièges des entreprises, nous allons dans cette direction et nous y restons, il y a ici une continuité, mais la manière dont nous le ferons à l’avenir et l’attractivité de notre fiscalité vont changer", a ainsi expliqué Pierre Gramegna.
Sur la question du taux nominal d’imposition des entreprises, que le CSV notamment suggère de diminuer, le ministre a jugé "l’idée bonne de prime abord", tout en préférant ne pas faire d’annonce "dans la précipitation" et promettant d’examiner la question en détail.
Le ministre a par ailleurs tenu à souligner que des taux "trop attractifs" généraient d’autres handicaps, à savoir une image négative auprès d’autres Etats et de nombreuses attaques, Pierre Gramegna citant en exemple le taux irlandais de 12,5 % comme "une limite que nous ne dépasserons pas". Par ailleurs, certains pays, comme l’Italie, considèrent qu’un tel taux n’est significatif que lorsqu’il dépasse les 15 %. Dans le cas contraire, l’imposition n’y est pas considérée effective, ce qui empêche en conséquence de profiter des conventions de non-double imposition.
Selon le ministre des Finances, quatre éléments sont fondamentaux en vue de mener une réforme fiscale avec l’objectif de rester compétitif, à savoir le respect de la cohésion sociale, la conformité avec les règles internationales, la conscience de l’existence d’une compétition fiscale mondiale, et enfin le courage politique de remettre en question différents éléments "dont nous disposions jusqu’à présent".
Pierre Gramegna est également revenu sur la nécessité que l’image du pays repose sur une base "la plus large possible", au risque sinon de n’être perçu que par rapport à "un ou deux éléments seulement". Dans ce contexte et dans le cadre des révélations "Luxleaks", le ministre des Finances a mis en avant plusieurs éléments positifs "qui ont beaucoup aidé", à savoir l’abandon du secret bancaire ainsi que la mise en conformité du Grand-Duché par rapport au Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales. Pierre Gramegna aussi noté que les attaques contre le Luxembourg ont été concentrées dans les médias et ont été moins le fait d’autres Etats.
"C’est encourageant et c’est parce que nous avons bougé, mais c’est aussi parce que nous avons annoncé être favorable à l’échange automatique des rulings fiscaux. Nos partenaires voient donc que le Luxembourg est prêt à avancer", a-t-il dit, sans sous-estimer pour autant la portée négative de cette affaire. "Nous savons que cela va encore continuer un temps, combien, nous ne le savons pas, mais si les initiatives européennes, dans les rulings ou d’autres domaines, devaient avancer relativement vite, le débat devrait s’apaiser".
Enfin, une motion introduite par le député déi Lénk Justin Turpel n’a finalement pas été soumise au vote. La motion du parti de gauche, intitulée "Intervention au Conseil de l’UE de sorte à réintroduire une classification distincte pour les carburants dérivés en fonction de leur teneur en CO2", visait à dénoncer l’abandon, dans la proposition de révision de la directive sur la qualité des carburants, de la catégorie distincte pour les carburants dérivés des sables bitumineux. La motion sera finalement discutée lors d’une réunion des commissions parlementaires compétentes (Environnement et Economie) en présence du ministre de l’Economie, Etienne Schneider.