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Emploi et politique sociale - Fiscalité
Semestre européen 2015 – Les recommandations formulées par la Commission à l’attention du Luxembourg sont accueillies fraîchement au Grand-Duché
20-05-2015


Le 13 mai 2015, la Commission européenne a publié les projets de recommandations qui seront adressées au Etats membres dans le cadre du semestre européen 2015. Dans le cas du Luxembourg, trois recommandations ont été retenues.semestre-europeen-2015

Le Luxembourg est ainsi invité:

  1. à élargir la base d’imposition, en particulier sur la consommation, la taxation récurrente des biens immobiliers et la fiscalité environnementale ; 
  2. à combler l’écart entre l’âge légal et l’âge effectif de départ à la retraite, en limitant les départs anticipés et en liant l’âge légal de la retraite à l’évolution de l’espérance de vie ;
  3. et enfin  à réformer le système de formation des salaires en concertation avec les partenaires sociaux et conformément aux pratiques nationales, afin que les salaires évoluent en fonction de la productivité, en particulier au niveau sectoriel.

Trois recommandations qui n’ont pas manqué de susciter quelques réactions recueillies par la rédaction de la radio 100,7 auprès du ministre des Finances, du leader du principal parti d’opposition, Claude Wiseler, et du président de la CSL, Jean-Claude Reding, tandis que l’OGBL a réagi spontanément par voie de communiqué.

Elargir la base d’imposition : le gouvernement s’étonne qu’on lui recommande d’augmenter ses impôts, tandis que l’OGBL et la CSL s’opposent à toute hausse des taxes indirectes

Le 15 mai 2015, le ministre des finances, Pierre Gramegna, venait présenter à la Chambre les chiffres du budget 2014. L’occasion pour la rédaction de la radio 100,7 de l’interroger sur les recommandations formulées par la Commission. "Je trouve étonnant que la Commission recommande d’augmenter ses impôts à un pays noté triple A et qui maîtrise ses finances publiques", a réagi le ministre au micro de Michel Delage avant de rappeler que "le Luxembourg doit rester compétitif sur le plan fiscal" et entend veiller à "attirer des investisseurs et des entreprises".

"Nous sommes d’avis que l’impôt foncier doit être évalué et augmenté dans les prochaines années", a pour sa part expliqué au micro du journaliste le député Claude Wiseler (CSV). En ce qui concerne la fiscalité environnementale mentionnée par la Commission, Claude Wiseler juge nécessaire de savoir plus précisément de quoi il est question avant de se prononcer, car la formulation actuelle est "générale et peut vouloir dire tout ou rien".

Le président de la Chambre des salariés (CSL), Jean-Claude Reding, interrogé le 18 mai 2015 par la même rédaction, déplore que la Commission mette systématiquement l’accent sur les taxes indirectes. Il attend pour sa part beaucoup de la réforme fiscale prévue en 2017, puisque l’enjeu est pour lui d’introduire une plus grande justice fiscale. Actuellement, "les revenus des actions et des dividendes sont privilégiés par rapport aux revenus du travail", dénonce-t-il en effet de façon récurrente.

L’OGBL, qui a diffusé un communiqué de presse commentant les recommandations de la Commission le 20 mai 2015, après que son comité exécutif a pris le temps de les analyser en détail le 18 mai, "s’oppose clairement à une nouvelle augmentation de la fiscalité indirecte, qui s’ajouterait à l’augmentation de la TVA qui a déjà eu lieu". "La taxation sur la consommation pèse sur-proportionnellement sur les petits et moyens revenus et elle est de ce fait socialement régressive", commente en effet le syndicat qui revendique, en vue de la réforme fiscale à venir, "une baisse de la pression fiscale sur les petits et moyens revenus, en prévoyant en parallèle, pour assurer la `neutralité budgétaire´ visée par le gouvernement, une augmentation de la fiscalité sur d’autres types de revenu, notamment les revenus du capital, sans perdre de vue l’imposition des entreprises".

Le système de pensions : Jean-Claude Reding et l’OGBL dénoncent une recommandation qui relève de l’idéologie

En ce qui concerne la question du système de pensions, Jean-Claude Reding a insisté au micro de 100,7 sur le fait que la CSL devrait dans tous les cas être impliquée dans les discussions. Il estime pour sa part essentiel de régler le problème du chômage, - un sujet thématisé dans le Panorama social 2015 publié par la CSL -, en arguant que les gens qui peuvent et veulent travailler devraient pouvoir le faire. Jean-Claude Reding observe que la Commission, qui vient de publier son Rapport 2015 sur le vieillissement (un rapport qui a fait l'objet d'une première analyse en Conseil Ecofin dès sa publication) a amélioré ses prévisions en ce qui concerne la soutenabilité financière du système de pensions luxembourgeois, qui devrait être viable jusqu’en 2050. Pour Jean-Claude Reding, cela montre "combien les discussions sur ce sujet sont bancales" et combien il s’agit "plus d’idéologie que d’un problème réel".

Comme un écho à Jean-Claude Reding, ancien président du syndicat, l’OGBL note dans son communiqué de presse, qui fait aussi le point sur le Plan national de réforme (PNR) et le Programme de stabilité et de croissance (PSC) publiés le 30 avril 2015 par le gouvernement, "l’impressionnante évolution en matière des projections de la santé du régime public des pensions de vieillesse". "Alors qu’en 2012, il était estimé – en prenant en compte les impacts estimés de la réforme des pensions – que les recettes en cotisations de l’assurance pension seront insuffisantes pour couvrir les prestations dès 2031, le gouvernement part désormais de l’hypothèse que, sans augmentations de cotisation et avec un rendement moyen de 5 % de la réserve (largement inférieur au taux de rendement actuel), ce seuil ne sera atteint qu’en… 2054!", explique l’OGBL qui se voit confirmé dans "son constat que la réforme des pensions de 2012 et les dégradations des prestations y ayant trait ont été faites sans réelle nécessité".

Cela explique par conséquent l’étonnement du comité exécutif de l’OGBL devant le fait que, "dans ses recommandations, la Commission européenne ignore tout simplement l’analyse du PSC présentée par le gouvernement luxembourgeois, et ne fait que répéter sa demande sempiternelle de limiter les départs anticipés à la retraite et d’augmenter l’âge légal de la retraite, en le liant à l’évolution de l’espérance de vie". Pour l’OGBL, "cette recommandation ne confirme que les présuppositions idéologiques de la Commission et n’est nullement liée à l’état réel du régime public de pension luxembourgeois".

La formation des salaires : un sujet qui relève de la souveraineté nationale, observent tant le président de la CSL que l’OGBL

Pour ce qui est de la formation des salaires, Jean-Claude Reding relevait au micro de la radio socioculturelle que s’il fallait adapter les salaires à la productivité, il faudrait alors en augmenter beaucoup, car la productivité a augmenté dans de nombreux secteurs. Le président de la CSL a toutefois souligné que la productivité n’était pas que question de salaires, mais aussi de R&D ou d’infrastructures. Dans tous les cas, la rédaction de 100,7 rapporte qu’il estime que la Commission commet là "une ingérence qui n’est pas autorisée par les traités".

Là encore, l’analyse livrée par l’OGBL n’est pas sans lien avec ce commentaire du président de la CSL. Certes, l’OGBL note que la recommandation de la Commission n’inclut désormais plus la demande de dégrader, voire d’abolir le système d’indexation et salue le fait que le gouvernement indique lui-même dans le Plan national de réforme (PNR) que "la présence d’indexation institutionnalisée ne modifie pas significativement le processus de formation des salaires horaires" et que "si des différences de rigidité salariale existent, leurs causes seraient à trouver ailleurs que dans les mécanismes d’indexation automatique". Mais l’OGBL s’oppose à cette nouvelle atteinte de la Commission européenne au système de formation des salaires, qui relève de la souveraineté nationale.

Le Comité exécutif de l’OGBL s’étonne enfin que la Commission ne donne – contrairement à 2014 – plus de recommandation en matière de lutte contre le chômage, alors que les prévisions du gouvernement par rapport à l’évolution du chômage sont "particulièrement alarmantes".  Pour l’OGBL, la lutte contre le chômage et le renforcement de la protection des emplois existants, notamment ceux des salariés âgés, doivent être une priorité absolue.