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Economie, finances et monnaie
Dans une résolution adoptée avec une faible majorité, le Parlement européen présente ses recommandations sur la gouvernance de la zone euro
24-06-2015


L'eurodéputée et rapporteure Pervenche Berès (S&D) lors du vote de la résolution sur la gouvernance de la zone euro lors de la séance plénière du Parlemennt européen le 24 juin 2015 © European Union 2015 - Source : EPDans une résolution adoptée le 24 juin 2015 par 317 voix pour, 254 voix contre et 9 abstentions, les eurodéputés ont estimé que les règles actuelles sur la gouvernance de la zone euro étaient "trop complexes", "manqu[ai]ent d'appropriation" et n’étaient "pas systématiquement mises en œuvre".

Le texte voté présente la contribution du Parlement aux débats sur l'avenir du cadre de gouvernance économique, dont ceux du sommet européen du 25 juin 2015 sur le rapport dit "des cinq présidents" sur l'achèvement de l'Union économique et monétaire (UEM) présenté le 22 juin 2015, indique le Parlement dans un communiqué.

Pervenche Berès (S&D), rapporteure du dossier, a indiqué que "pour réformer la gouvernance économique dans la zone euro, il faut la même volonté politique que celle dont on a fait preuve pour réussir l'Union bancaire", tout en avouant douter du fait que les pas faits après la crise ne l’aient été dans la bonne direction. "Ils ont permis à court terme de résoudre les problèmes qui étaient là, mais ils ne constituent pas un parachèvement de l’Union économique et monétaire"", a-t-elle affirmé.

Les recommandations des eurodéputés

Dans leur résolution, les députés européens se sont concentrés sur quatre grands points :

La flexibilité et les investissements

Les députés indiquent soutenir la stratégie des trois piliers de la Commission européenne, basée sur les investissements, la consolidation budgétaire et les réformes structurelles. Cependant, ils encouragent la Commission à l'appliquer de manière plus précise lorsqu'elle évalue les projets de budgets nationaux et décide de recommandations spécifiques par pays.

Les eurodéputés saluent également l'interprétation de la Commission à propos de la flexibilité budgétaire, y compris la possibilité d'écarts temporaires des voies d'ajustement de déficit budgétaire dans le cas de certains investissements. Ils acceptent le fait que dans le cas où les contributions des États membres au Fonds européen pour les investissements stratégiques (l’EFSI mis en place dans le cadre du Plan Juncker) ramènent leur déficit au-dessus de la limite de 3 %, cette situation ne déclenche pas automatiquement une procédure de déficit excessif, à condition que les contributions ne remplacent pas les investissements qui étaient déjà prévus.

Les circonstances nationales, les répercussions et les conséquences pour la zone euro dans son ensemble

La résolution des eurodéputés indique que la Commission devrait accorder plus d'attention aux circonstances nationales particulières au moment de décider des recommandations spécifiques par pays dans le cadre du semestre européen. Pour rappel, les recommandations dans le cadre du semestre européen 2015 devront être approuvées lors du sommet européen des dirigeants de l'UE des 25 et 26 juin 2015 et formellement adoptées par les ministres de l'Economie et des Finances lors d’un Conseil ECOFIN le 14 juillet 2015.

En outre, la Commission devrait être plus attentive aux répercussions dans les autres États membres, tenir compte de la zone euro dans son ensemble et mieux coordonner ses recommandations avec la procédure des déficits excessifs, ajoute le Parlement.

L’appropriation nationale et le contrôle démocratique

Les plans de réformes structurelles devraient être approuvés par les parlements nationaux et impliquer les partenaires sociaux à tous les stades, afin d'accroître leur efficacité et de renforcer le sentiment d'appropriation national, notent les eurodéputés.

Pour augmenter leur légitimité au niveau européen, les lignes directrices de convergence (qui contiennent des priorités ciblées pour les années à venir) devraient être approuvées par le Parlement et le Conseil selon une procédure de co-décision, affirme le texte, précisant qu'une disposition en ce sens devrait être incluse lors de la prochaine modification du traité.

Les futurs programmes d'aide au sein du cadre communautaire

Les eurodéputés exigent également que le Mécanisme européen de stabilité (MES) et le pacte budgétaire soient pleinement intégrés au cadre communautaire et soient, par conséquent, tenus par une obligation de rendre des comptes devant le Parlement.

La résolution rappelle en outre la demande du Parlement d'élaborer des options pour un nouveau cadre juridique pour les futurs programmes d'ajustement macroéconomique, remplaçant la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international). Cette mesure devrait accroître la transparence et l'appropriation de ces programmes et veiller à ce que toutes les décisions de l'UE soient, si possible, prises en vertu de la méthode communautaire. De plus, le processus de prise de décision de l'Eurogroupe devrait faire l'objet d'une réévaluation afin de déterminer si la responsabilité démocratique peut être augmentée, précise le texte.

Les réactions des eurodéputés des groupes qui ont voté contre la résolution

Dans un communiqué de presse, le groupe ADLE estime que le rapport beaucoup plus ambitieux des cinq présidents rend obsolète le rapport du Parlement sur la gouvernance économique et propose donc de le renvoyer en commission afin de modifier le texte entièrement. Guy Verhofstadt, le président de l’ADLE, a déclaré que "le Parlement n'a pas été en mesure de se hisser au niveau d’ambition du rapport des cinq présidents". Selon lui, "le compromis édulcoré entre le PPE et les S&D manque d'une analyse appropriée et est dépourvu de propositions concrètes et de solutions pour une gouvernance économique européenne efficace". Par ailleurs, il n'est "pas à la hauteur des propositions précédentes du Parlement", a –il encore souligné. Ainsi, si les autres groupes insistent pour voter le texte, l’ADLE s’abstiendra afin d’exprimer son désaccord avec ce rapport.

S’exprimant pour le groupe GUE/NGL, l’eurodéputée Rina Kari a déploré le fait que le rapport ne présente rien de nouveau. "L’Europe dit que nous devons dépenser moins et prendre l’argent des plus pauvres", a-t-elle déclaré dans un communiqué de presse, tout en plaidant pour une "approche alternative" qui mettrait fin à l’austérité. L’eurodéputée Marisa Matias a, elle, dénoncé le fait que le rapport des cinq président ait rendu le rôle de parlement "obsolète". "C’est une honte et ce rapport est une perte de temps".

Ernest Urtasun, shadow rapporteur des Verts-ALE, a indiqué dans un communiqué que le Parlement européen, dans sa résolution, a "privilégié un cocktail explosif de politiques destructrices ne permettant pas  d'opérer le saut qualitatif nécessaire à la viabilité à long terme de l'UEM". Les Verts-ALE dénoncent "des propositions rétrogrades sur l'avenir de l'UEM". De surcroît, le texte est "encore plus faible que le rapport des 5 Présidents qui n'est pas à la hauteur quand il s'agit de proposer des mesures permettant de rendre l'UEM fonctionnelle", a indiqué Ernest Urtasun, qui regrette également que "la rapporteure socialiste a[it] cédé sur la plupart de leurs demandes (de la droite, ndlr) avec pour résultat un texte qui valide ouvertement la politique actuelle d'austérité combinée aux réformes structurelles socialement nuisibles".