L’objet du litige est la perte par le Luxembourg d’un des six sièges qu’il détenait au Comité des Régions (CoR) et la perte probable du sixième siège au Conseil économique et social européen (CESE).
Le CESE est la plateforme institutionnelle consultative grâce à laquelle les représentants des milieux socio-économiques européens expriment leurs points de vue de manière formelle sur les politiques communautaires. Le Luxembourg y est représenté actuellement par six membres :
Le 11 juin 2014, la Commission européenne avait proposé, contre l’avis de Viviane Reding qui en était une des vice-présidents, de réduire le nombre de sièges de Chypre, de l’Estonie et du Luxembourg au CoR et au CESE. Les réactions avaient été vives au Luxembourg à ce moment. Le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois, Jean Asselborn, avait annoncé qu’il opposerait son véto à la proposition. "Ce n’est pas acceptable, ni logique de prendre des sièges aux petits pays alors que le Luxembourg en a en ce moment six membres aux comités, le nombre équivalent de députés au Parlement européen", avait dit Jean Asselborn le 12 juin 2014 aux micros de RTL. Marianne Nati-Stoffel, la secrétaire générale du CES luxembourgeois avait déploré que la réduction d’un siège pour le Luxembourg "perturbe l’équilibre entre le patronat, le salariat et la société civile". "C’est scandaleux que l’on essaie toujours de taper sur les petits pays", avait-elle lancé, soulignant que selon les principes de l’UE chaque pays devrait être "équivalent".
Or, pour le CoR, la proposition a été adoptée le 16 décembre 2014 par le Conseil "Affaires générales" à l’unanimité. Le Conseil a parlé d’une mise en conformité avec le Traité qui stipule un seuil maximum de 350 sièges alors que la composition actuelle du CdR était de 353 membres après l’adhésion de la Croatie à l’UE le 1er juillet 2013. Le ministre des Affaires étrangères avait expliqué la veille à la commission des Affaires étrangères et européennes de la Chambre que le Luxembourg ne pouvait plus refuser cette décision pour éviter que le CdR ne puisse plus siéger, le nombre de ses membres n’étant plus conforme avec le Traité. Par ailleurs, avec de grands Etats comme la France représentés par 26 membres, "il est difficile d’insister sur les six sièges du Luxembourg". Pour le CESE, la décision n’a pas encore été prise.
Pour Viviane Reding et Laurent Mosar, le Luxembourg est en train de perdre de l’influence dans les deux comités. Ils estiment que si le Luxembourg continue à faire des concessions de ce genre, sans contrepartie, sans négocier un engagement juridiquement contraignant pour avoir la garantie que de telles exigences d’abandon de sièges ne se répètent pas à l’avenir, les choses ne peuvent qu’empirer pour les intérêts du Luxembourg, car "un précédent dangereux" a été créé.
Ce sont les petits Etats membres qui ont été privés de siège, pas les Etats membres moyens ou grands, ont constaté Laurent Mosar et Viviane Reding. Ils ont regretté que le gouvernement n’ait pas expliqué ex post à la Chambre la décision de décembre 2014 qui a entériné la perte d’un siège du Luxembourg au CoR. Il s’agit pour eux d’un abandon sans contrepartie, et ils craignent que ne soient qu’une première étape avant une remise en question du nombre de députés luxembourgeois au Parlement européen ou du siège du Parquet européen à Luxembourg. Cette question avait déjà été évoquée en décembre 2014 à la commission parlementaire. Le ministre avait alors déclaré que "cette mesure (concernant le CoR et le CESE, ndlr) ne peut avoir d’incidence sur la composition du Parlement européen".
Pour les deux politiciens du CSV, "les intérêts du Luxembourg ont été bradés", "le gouvernement n’a agi que mollement" et il "accepte implicitement la perte du sixième siège au CESE". Or, insistent-ils, il s’agit avec le CESE de l’organe par excellence du dialogue social dans l’UE. Procédé peu habituel, ils citent, pour corroborer leur position face au gouvernement, un échange de courrier daté du 11 juin 2015 entre le cabinet du Premier ministre Xavier Bettel et celui de l’eurodéputée Viviane Reding suite à une lettre de celle-ci au chef du gouvernement qui date du 7 juin. Il ressort de cet échange que le Premier ministre ne se souvient pas d’avoir pris, au nom du gouvernement, un engagement sur la composition du CESE, tout en regrettant qu’une "autre position, plus équitable, voire une nouvelle proposition de la Commission" allant dans le sens du maintien des six sièges du Luxembourg "aurait été souhaitable". Or "elle n’est pas venue", explique un membre de son cabinet.
D’où une nouvelle lettre adressée le 22 juin 2015 par Viviane Reding à Xavier Bettel, dans laquelle elle demande au Premier ministre de faire plus que de "partager les soucis exprimés par les députés" et de marquer de manière indispensable "une opposition ferme et publique du gouvernement face, une nouvelle fois, à toute tentative de diminution de notre représentation, notamment au CESE". Laurent Mosar lui a entériné le pas en adressant au Premier ministre une question parlementaire, par laquelle il veut savoir "si le gouvernement est effectivement prêt à renoncer à un siège luxembourgeois" au CESE, et demandant que le gouvernement lui explique "dans l’affirmative", pourquoi il "accepte à nouveau un affaiblissement du Luxembourg en Europe et au sein du CESE en particulier", suggérant qu’une "opposition ferme et non-fataliste serait une réponse plus adéquate à un tel danger pour notre pays".
Le ministre des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn, a réagi dans la foulée sur les ondes de RTL. Il a expliqué qu'il verrait mal comment le Luxembourg pourrait bloquer les activités du CoR et du CESE, qui sont, en termes institutionnels, logés à la même enseigne. Il a assuré que lors d'un prochain élargissement de l'UE, les trois pays qui ont renoncé à des sièges, dont le Luxembourg, ne seraient plus concernés par une nouvelle réduction de sièges. En revanche, le Luxembourg bénéficierait d'un siège supplémentaire au Comité pour les mutations industrielles. Il a estimé que la démarche de Viviane Reding et Laurent Mosar était, vu le contexte institutionnel et vu leur connaissance des mécanismes de l'UE, "farfelue".