Les ministres européens en charge de l’emploi se sont réunis le 18 juin 2015 à Luxembourg pour le volet "Emploi et politique sociale" du Conseil "Emploi, politique sociale, santé et consommateurs" (EPSCO). Les mesures en matière d'emploi et de politique sociale dans le cadre du Semestre européen 2015 ainsi que l’emploi des jeunes et l’égalité hommes-femmes dans les conseils de sociétés cotées en bourse ont été au centre des débats.
Le ministre letton du Bien-être social Uldis Augulis, qui présidait la séance pour la dernière fois avant de passer le flambeau au Luxembourg, a souligné la réussite de ce Conseil qui a marqué l’adoption de plusieurs documents importants.
Les ministres ont eu un débat d'orientation et sont parvenus à un accord sur les mesures en matière d'emploi et de politique sociale contenues dans les recommandations par pays adressées par la Commission européenne aux Etats membres dans le cadre du semestre européen 2015, un "élément clé de la politique en matière d’emploi de l’Union européenne (UE)", comme l’a souligné le vice-président de la Commission et commissaire en charge de l’Euro et du Dialogue social, Valdis Dombrovskis. Les recommandations par pays pour 2015 se concentrent notamment sur l’employabilité et le marché du travail, le développement des compétences, les retraites (durabilité et adéquation) et le coût des soins de santé.
La Commission avait cette année entamé une procédure de renforcement et de rationalisation du semestre européen qui consistait à accroître le dialogue avec les partenaires sociaux d’une part, et à opter pour des recommandations par pays plus allégées, concises et ciblées, d’autre part. Lors du débat, la plupart des ministres ont salué cette nouvelle approche et ont indiqué avoir accueilli avec satisfaction les recommandations qui leur avaient été adressées. Certains ont néanmoins souligné la nécessité de prendre plus encore en compte les spécificités nationales, de laisser les outils pour la mise en œuvre de ces recommandations à la discrétion des Etats membres ou ont mis en garde contre le fait qu’elles ne deviennent trop "prescriptives" ou "contraignantes".
Dans ce contexte, Romain Schneider, le ministre luxembourgeois en charge notamment de la Sécurité sociale, a indiqué que la recommandation portant sur les retraites qu’a reçue le Grand-Duché, "qui fait systématiquement partie des recommandations reçues depuis la mise en place du Semestre européen", ne tenait pas compte de la situation spécifique du pays à court et moyen terme. Le Luxembourg a en effet "réagi aux requêtes du Conseil par l’implémentation de la réforme du système de pension en 2013 incitant les assurés à prolonger leur carrière professionnelle de quelque trois années", a rappelé le ministre. "Ainsi le Luxembourg a proposé de se focaliser sur l’âge effectif de départ à la retraite pour réduire la différence entre l’âge légal de retraite de 65 ans et l’âge effectif constaté de 59 ans. En effet, une augmentation de l’âge légal ne donne pas satisfaction à court et moyen terme, a expliqué le ministre. Par ailleurs, "le Gouvernement est sur le point de finaliser avec les partenaires sociaux un avant-projet de loi portant réforme des systèmes de pré-retraite", a-t-il encore ajouté.
Le commissaire Dombrovskis a pour sa part indiqué que si la reprise économique s’amorçait actuellement dans l’UE, avec plus de 650 000 personnes en plus sur le marché du travail dans l’UE en 2015, "nous devons redoubler d’efforts pour que cela s’inscrive dans la durée". La commissaire à l’Emploi et aux Affaires sociales, Marianne Thyssen, a quant à elle plaidé pour "apporter de nouvelles améliorations au semestre européen, notamment en matière de lutte contre le chômage des jeunes, la pauvreté ou encore le renforcement des inégalités", tout en saluant le fait que les "efforts de réformes réalisés dans la plupart des pays commencent à s’avérer payants". De nombreux ministres ont également souligné qu’il fallait persévérer dans la voie d’une "Europe plus sociale".
Les recommandations par pays 2015 devront maintenant être approuvées par les chefs d’Etat ou de gouvernement lors du Conseil européen des 25 et 26 juin.
Le Conseil a par ailleurs approuvé les avis du Comité de l'emploi (EMCO) et du Comité de la protection sociale (CPS) concernant l'examen des programmes nationaux de réforme pour 2015 et la mise en œuvre des recommandations par pays pour 2014, comme le notent les conclusions du Conseil.
Le Conseil est par ailleurs parvenu à un accord politique sur les lignes directrices pour les politiques de l'emploi des États membres, à savoir : stimuler la demande d'emplois ; améliorer l'offre d'emplois, les qualifications et les compétences ; améliorer le fonctionnement des marchés du travail ; et favoriser l'inclusion sociale, combattre la pauvreté et promouvoir l'égalité des chances. La commissaire Thyssen a néanmoins indiqué que "de grands défis nous attentent encore, notamment en matière de chômage à long terme, une tendance très inquiétante, ou encore de montée de la pauvreté".
Les ministres ont adopté des conclusions sur le rapport spécial de la Cour des comptes européenne intitulé "La Garantie pour la jeunesse de l'UE : les premières mesures ont été prises, mais des risques pour la mise en œuvre s'annoncent". La Cour avait en effet identifié trois risques potentiels pour la mise en œuvre effective, à savoir la disponibilité d'un financement total suffisant, l'absence de définition d'une offre de qualité, ainsi que l'absence d'un système de suivi exhaustif.
Lors de la conférence de presse, la commissaire Thyssen a indiqué que la mise en œuvre de la Garantie pour la jeunesse était "déséquilibrée" selon les Etats membres et que l’existence de cette possibilité était encore trop faible chez les populations cibles. Par ailleurs, elle a indiqué qu’un milliard d’euros de ressources supplémentaires avaient été alloués fin mai 2015 aux régions éligibles, et fait savoir que la Commission proposerait bientôt des mesures pour lutter contre le chômage de longue durée chez les jeunes.
Pour Nicolas Schmit, le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire du Luxembourg, la Garantie pour la jeunesse devrait être "renforcée et améliorée". A ses yeux, la Garantie pour la jeunesse "telle qu’elle est constituée actuellement, ne suffit pas" pour parvenir à diminuer le chômage des jeunes. Il faudrait selon le ministre, davantage œuvrer pour la formation professionnelle, a fortiori à l’ère de la "révolution numérique", et pour la création d’emplois, en trouvant de nouveaux instruments en vue de soutenir les petites et moyennes entreprises et les travailleurs indépendants.
Les ministres ont examiné un rapport de la présidence sur l'état d'avancement des travaux concernant une proposition de directive visant à améliorer l’équilibre hommes-femmes parmi les administrateurs des sociétés, proposition qui avait été mise sur la table par la Commission en novembre 2012, non sans susciter de polémique.
La proposition vise à porter d'ici 2020 à 40 % la part des femmes occupant des postes non exécutifs dans les sociétés cotées en bourse (2018 dans le cas des entreprises publiques). Les discussions intervenues au sein du groupe de travail compétent du Conseil ont confirmé qu'il existait un large consensus, parmi les États membres, en faveur de mesures visant à améliorer l'équilibre hommes-femmes dans les conseils d'administration. Mais, si de nombreux États membres sont favorables à une législation à l'échelle de l'UE, d'autres continuent de préférer des mesures nationales (ou des mesures non contraignantes au niveau de l'UE). Il faudra donc poursuivre les travaux et la réflexion politique avant de pouvoir parvenir à un compromis.
A noter que le Parlement européen soutient résolument une action législative dans ce domaine et plaide pour des quotas contraignants en vue d'améliorer l'équilibre hommes-femmes dans les conseils d'administration. Il avait d’ailleurs adopté sa position en première lecture le 20 novembre 2013, approuvant dans les grandes lignes la proposition de la Commission.
Le Conseil a par ailleurs pris note de l'état d'avancement d'une proposition de directive relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle, qui figure à l’ordre du jour du Conseil depuis 2008. Comme l'adoption de cette directive requiert l'unanimité du Conseil, les travaux se poursuivront.
Les ministres ont également adopté des conclusions sur le thème "Égalité des chances pour les femmes et les hommes en ce qui concerne les revenus : combler l'écart en matière de pensions de retraite entre les hommes et les femmes". Selon les derniers chiffres publiés par la Commission, l'écart moyen en matière de pensions de retraite entre les femmes et les hommes dans l'UE est de 38,5 %, c'est-à-dire sensiblement plus que l'écart salarial entre hommes et femmes (16,5 %).
Lors d’un déjeuner de travail, les ministres ont eu un échange sur les orientations stratégiques à l’horizon 2020 en matière d’égalité hommes-femmes, notamment en matière de salaires. Dans ce contexte, le ministre Schmit a souligné le fait que le Traité de Rome prévoyait déjà une disposition en matière d’égalité des salaires. Mais ceci n’a pas empêché qu’encore aujourd’hui, les écarts de salaires entre hommes et femmes soient importants "dans pratiquement tous les Etats de l’UE", a-t-il signalé, avant d’indiquer que la Présidence luxembourgeoise consacrera une réunion informelle au thème "égalité hommes-femmes et marché de l’emploi". "Nous pensons que l’égalité constitue un élément extrêmement important en vue de mener une politique de l’emploi plus active et pour promouvoir la participation des femmes au marché de l’emploi", a-t-il encore dit.
Au cours de son briefing national, le ministre Schmit a également détaillé l’agenda de la réunion informelle des ministres européens de l’Emploi et des Affaires sociales qui se tiendra les 16 et 17 juillet 2015 à Luxembourg dans le cadre de la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE. Trois sujets seront à l’ordre du jour : la place du social dans la gouvernance économique de l’UE, l’emploi et les questions d’égalité des genres sur le marché du travail.
Nicolas Schmit a émis l’espoir que le rapport des quatre présidents (du Parlement européen, de la Commission, du Conseil européen et de la Banque centrale européenne) sera disponible à ce moment-là pour servir de base à une discussion sur le rôle, la place et les instruments du social dans la gouvernance économique de l’Union et de la zone euro. Le ministre a mis en avant le fait que le Conseil EPSCO s’occupe de questions comme la sécurité sociale, les droits sociaux et de l’égalité des genres qui touchent directement à la vie quotidienne des citoyens. Par ailleurs, la dimension sociale ne peut pas être déconnectée des politiques économique, monétaire et budgétaire, a-t-il encore indiqué. Pour lui, l’exemple de la Grèce montre ce que cela signifie, puisque les politiques imposées à la Grèce pour sortir de la crise de la dette font mourir son économie et détruisent des emplois et des entreprises. Il faut donc arriver à formuler des propositions qui donnent au social sa place dans la gouvernance, dans un contexte où les membres de la Commission ne considèrent le social "que comme une variable d’ajustement".
Pour le volet "Emploi", les ministres réfléchiront ensemble sur de nouveaux moyens de lutter contre le chômage, notamment des jeunes qui sont très fortement touchés dans certains Etats membres. Nicolas Schmit a par ailleurs invité ses homologues algérien, marocain et tunisien, un chômage de masse, considéré comme "socialement explosif", touchant les jeunes de ces pays. Or, a dit Nicolas Schmit, dans le contexte des grandes pressions migratoires en Méditerranée qui s’aggravent de jour en jour, ces pays sont "notre ceinture de sécurité".
La ministre de l’Egalité des chances, Lydia Mutsch, prendra part le 17 juillet au volet "Egalité des genres" sur le marché de l’emploi. Ce volet abordera les questions relatives au taux d’emploi des hommes et des femmes, aux emplois de qualité et à la conciliation de la vie de famille et de la vie professionnelle, pour les femmes comme pour les hommes.