La Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE sera réussie si une sortie de la Grèce de la zone euro ("Grexit") et une sortie du Royaume-Uni de l’UE ("Brexit") peuvent être évitées, a déclaré le ministre des Affaires étrangères et européennes luxembourgeois, Jean Asselborn, dans un entretien avec le Quotidien paru le 29 juin 2015, deux jours avant le début de la Présidence. Dans cette interview du lundi, le ministre a qualifié ces deux dossiers comme "étoiles menaçantes" qui "scintillent au-dessus de notre présidence". Quant aux attentes envers la Présidence, Jean Asselborn tempère que "ce n'est pas nous qui avons le sort de I'UE entre nos mains", tout en faisant part de la détermination du Luxembourg à "tout faire pour faire avancer les choses" et "à placer nos accents là où on le pourra".
Le ministre estime que la situation de la Grèce est "trop opaque" pour en parler, tout en appelant à "éviter des décisions irréversibles". En revanche, le ministre est clair sur le danger que représente un Brexit : "sans le Royaume-Uni, I'UE ne jouerait plus dans la Ligue des champions d'un point de vue stratégique", notamment concernant les relations avec les Etats-Unis. Si le ministre juge qu’une "amélioration du fonctionnement de I'UE est tout à fait envisageable", il met en garde contre un changement des traités qui "équivaudrait à ouvrir une boîte de Pandore" et menacerait l’unité, car "d'autres États viendraient avec d'autres revendications et I'UE serait morte".
Interrogée sur "l’état de santé" de l’Europe et l’image négative de l’UE, Jean Asselborn a affirmé que "l'image de I'UE ne doit pas être marquée par la théâtralité des politiciens". Pour le ministre, la crédibilité de l’UE et de ses valeurs "est en jeu". Il constate : "Il faut sortir du cercle vicieux dans lequel Bruxelles est toujours le bouc émissaire pour tout et où les positions nationales sont toujours les bonnes. La méthode communautaire doit continuer de primer. Les réformes émanant de I'UE ne doivent plus être perçues comme des sanctions, comme une dérégularisation ou comme un démantèlement social." Une raison pour laquelle la Présidence luxembourgeoise sera placée sous le thème "Une Union pour les citoyens". Pour le ministre, il est clair que "les égoïsmes nationaux ou même l'autoritarisme ne doivent pas prendre le dessus" et que "l'Union européenne est une carcasse politique qui ne peut tenir que si ses piliers, qui sont la solidarité et le sentiment d'unité, continuent de primer".
Le ministre s’engage encore à soutenir activement l'initiative de la Commission européenne pour établir un "triple A social" et d’œuvrer en faveur d’un développement durable. Le plan Juncker, la politique industrielle, la recherche et l'innovation ainsi que la construction d'un grand marché digital européen et l’accord interinstitutionnel seront d'autres priorités, tout comme la crise migratoire, a indiqué Jean Asselborn.
Quant à la crise migratoire, le ministre appelle à une meilleure politique de coopération, à l’instar du Luxembourg qui consacre 1,07 % de son PIB à l’aide publique au développement (APD). Cet exemple devrait être "plus largement suivi", a souligné le ministre, alors que la majorité des Etats membres de l’UE n’atteint pas l’objectif de 0,7 %. Le ministre estime qu’il faut "s’attaquer au problème de base tout en offrant une réponse positive aux migrants". Il s’est dit prêt à "tout faire" pendant le mois de juillet pour trouver une "solution positive", suite au rejet par les Etats membres d’une répartition obligatoire de réfugiés proposée par la Commission européenne lors du dernier Conseil européen. "On va dresser un inventaire des solutions qui sont possibles sur la base volontaire décidée par le Conseil européen. Mais cela ne sera possible que si tout le monde est prêt à s'engager", a-t-il précisé.
Interrogé sur la position du Luxembourg sur la transparence fiscale, Jean Asselborn a jugé que "les mêmes règles doivent valoir pour chaque pays" de l’OCDE avec laquelle le Luxembourg "coopère intensément" en matière de transparence des rulings ainsi que dans la lutte contre l'érosion de la base d'imposition et les transferts de bénéfices (BEPS). "Notre place financière ne se caractérise plus par son opacité mais par sa compétence, sa transparence et la confiance qu'elle insuffle", a déclaré le ministre, en citant une phrase du ministre des Finances Pierre Gramegna. Si Jean Asselborn concède que le Luxembourg possède "une place financière surdimensionnée", il estime que "cela ne peut pas nous être reproché, car d'autres pays ont, par exemple, un secteur automobile surdimensionné".
Quant au ministre du Travail, Nicolas Schmit, qui représentera la Présidence luxembourgeoise au Parlement européen, Jean Asselborn a salué son expérience et son travail qui est "reconnu". Pour rappel, Nicolas Schmit a été ambassadeur représentant permanent du Luxembourg auprès de l’Union européenne à Bruxelles de 1998 à 2004. Il a également représenté le Luxembourg pendant la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE de 2005 en tant que ministre délégué des Affaires étrangères et de l’Immigration.