Le 3 juin 2015, lors de la cérémonie d’ouverture de la neuvième édition des Journées européennes du développement (JED) à Bruxelles, le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, le Président du Parlement européen, Martin Schulz, et le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel ont tenu un discours dans lesquels ils ont souligné la nécessité de faire preuve de solidarité envers les pays en développement
Ce forum européen sur la coopération internationale et le développement est organisé par la Commission européenne et réunit environ 7 000 professionnels du développement de 140 pays chaque année. Les JED sont un des événements phares de l’Année européenne pour le développement (AED) 2015.
Les trois orateurs ont mis en garde contre la tentation d'un repli sur soi qui pourrait être fatal aux populations les plus pauvres si tout n'est pas fait pour garantir la réussite conjointe des trois rendez-vous capitaux pour l'avenir de la planète et le bien-être des générations futures qui auront lieu pendant la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE, savoir: la conférence de l'ONU sur le financement du développement à Addis-Abeba (en juillet 2015), le Sommet spécial sur le développement durable à New York en septembre 2015, où doit être adopté le programme mondial pour l'éradication de la pauvreté et le développement durable post-2015, et la conférence de Paris (COP 21), durant laquelle doit être conclu un accord climatique mondial juridiquement contraignant (novembre – décembre 2015).
Pour Jean-Claude Juncker, cette réunion des JED qu’il surnomme "Davos du développement" tombe "à point nommé", puisque "nous sommes à peu près au milieu de l'Année européenne pour le développement, une année de vérité pour revisiter les efforts déployés au cours des années précédentes et faire le bilan des résultats". "Mais c’est aussi une année d'un nouveau début et d'une ambition renouvelée", a poursuivi Jean-Claude Juncker en soulignant que les processus d'Addis-Abeba, de New York et Paris sont "indissociables". "La réussite de l'un n’entraîne pas nécessairement la réussite de l’autre, mais l'échec de l'un inaugure l'échec des autres", a-t-il averti, en rappelant que le processus doit être "inclusif", incluant les gouvernements, la société civile, le secteur privé, les citoyens à titre individuel, et que "le nord et le sud de la planète doivent emprunter une même avenue".
"Nous avons à l’égard du monde des devoirs à accomplir et des obligations à affronter", a encore dit le Président de la Commission. "Notre engagement dans le monde ne relève pas d’un exercice de charité bienpensante, mais il s’agit d’éviter un nombrilisme malsain", a-t-il souligné.
Jean-Claude Juncker a appelé l'UE à faire preuve de sens du devoir pour établir "un véritable partenariat entre les différentes parties prenantes pour leur bénéfice mutuel", un partenariat qui ne devrait pas être une relation donateurs/récipiendaires, mais "à dignité égale".
Si des progrès "tangibles" ont été faits pour mettre en œuvre des OMD, Jean-Claude Juncker pointe néanmoins le fait qu’un milliard d’hommes, de femmes et d’enfants vivent encore avec moins de un dollar par jour, "un être humain sur huit se couche le soir en ayant le ventre vide", un tiers de la population mondiale n'a pas accès à des médicaments vitaux et un milliard de personnes vivent dans les bidonvilles. "Derrière ces chiffres, il y a des hommes, des femmes, des enfants", a-t-il souligné. A ses yeux, il faut "tout faire" pour remédier à cette situation "inacceptable" qui n'est "pas une fatalité", mais "un facteur d'instabilité" représentant "une menace" pour les pays directement concernés par la pauvreté et pour "nous qui vivons au soleil de l’histoire". "Il n'existe pas d'étanchéité entre les problèmes des uns et ceux des autres", indique Jean-Claude Juncker, soulignant que "nous sommes tous assis dans le même bateau".
Déplorant que beaucoup de pays aient réduit leur niveau d'aide publique au développement, - "ce qui n'est pas le cas du pays que je connais le mieux" (le Luxembourg dépasse 1 % de son RNB: ndlr), Jean-Claude Juncker estime que les pays européens doivent "recorriger leur APD vers le haut. "Pour la Commission, cet objectif d’atteindre 0,7 % reste un objectif permanent et nous engage pour la période post-2015", a-t-il souligné. "Ce n’est pas un objectif noble, mais un objectif nécessaire pour faire en sorte que ce monde bipolaire ne continue pas é se perpétuer", a déclaré le Président de la Commission. Même si l'UE représente 20 % du PIB mondial mais assure 50 % de l'effort mondial de coopération, Jean-Claude Juncker "pense que la partie la plus riche du monde peut faire plus", y compris "les économies émergentes".
La dimension des 'droits de l'homme' du partenariat sera essentielle car "tous les efforts seront vains, si les droits de l'homme ne sont pas respectés. C'est pourquoi la Commission a proposé un agenda européen sur la migration", a déclaré Jean Claude Juncker, en notant avec regret que cet agenda n’ait pas été reçu avec un "enthousiasme époustouflant". "Celui qui quitte son pays a droit au respect de sa dignité propre", a-t-il souligné. "La Commission ne changera pas d’avis en dépit de la résistance et de l'opposition de certains États membres - le mot d'ordre en matière de développement doit être celui de la solidarité partagée", a signalé le Président de la Commission.
Exprimant la colère du Parlement face à la réduction du financement de l'aide internationale dans les négociations du budget de l'UE 2014-2020, des coupes budgétaires qui "coûtent des vies", Martin Schulz a plaidé pour "qu'on revienne à un financement crédible dans le cadre du budget" et a assuré que le Parlement continuera à "pousser les gouvernements à atteindre l'objectif de 0,7 % du RNB pour l'APD".
Martin Schulz a en outre mis en garde contre "le risque de perdre la lutte contre le changement climatique", ce qui serait une "tragédie" pour toute l'humanité, mais surtout pour les gens pauvres et les pays pauvres, plus vulnérables à l'impact du changement climatique comme l'élévation du niveau de la mer, les conditions météorologiques extrêmes, les récoltes décroissantes et la rareté croissante de l'eau. Dans ce contexte, il appelle à "un accord ambitieux à Paris" et à la promotion, au niveau mondial, de modèles de développement faibles en carbone. Et de plaider aussi pour que soit reconnu "le lien entre lutte contre la pauvreté et lutte contre la corruption et les flux financiers illicites". "Le Parlement européen plaide fermement pour des systèmes fiscaux justes et efficaces et pour une coopération fiscale internationale en vue de permettre aux pays de mobiliser les ressources domestiques", a-t-il indiqué.
Martin Schulz a encore souligné que plus de 50 millions de personnes dans le monde sont victimes de guerres, de terrorisme, de violences qui entravent le développement et que 86 % des réfugiés sont accueillis par des pays en développement - une "charge disproportionnée".
L'éducation pour tous est également prioritaire, a-t-il souligné.
Enfin, le Président du Parlement européen "espère" que l’année 2015, décisive pour définir les objectifs post-2015, soit l'année de la réussite dans la résolution des défis les plus urgents que sont la lutte contre la pauvreté et la faim.
Au nom de la future Présidence luxembourgeoise du Conseil de l'UE, Xavier Bettel a assuré que son pays "travaillera à des solutions courageuses et novatrices". "Spécialement cette année, nous devons faire passer le message selon lequel le développement est une responsabilité partagée", et que "ce n’est pas un luxe", a-t-il poursuivi. "Nous avons tous une responsabilité pour veiller à ce que les résultats des discussions internationales à Adis Abeba, New York et Paris assurent que personne ne soit abandonné", a-t-il précisé.
"En temps de crise, certains populistes auront le réflexe de dire qu’il faut couper le budget de la coopération. Je demanderai à ces personnes de voir à quel niveau elles se plaignent", a signalé le Premier ministre luxembourgeois. "Il s’agit de donner une dignité à des gens qui, dès plus leur plus jeune âge, n’ont pas la chance de pouvoir choisir, alors que nos choix au quotidien sont souvent des choix de luxe", a-t-il encore dit.
Xavier Bettel regrette que certains pays "disent qu'ils ne veulent pas de quotas". "Ce n'est pas un luxe que de prendre ses responsabilités, et il ne faut pas oublier que la roue peut tourner", a-t-il expliqué. "J'aimerais que certains propos aussi dans nos pays développés retrouvent la dignité nécessaire", a-t-il dit.
L'inclusion des jeunes dans le développement et un commerce équitable sont, à son avis, des composantes essentielles. Xavier Bettel a en outre insisté sur les liens étroits entre migration et développement et sur le droit de tous à vivre dans la dignité, rappelant le slogan de l’année européenne pour le développement "Notre monde, notre dignité, notre avenir".