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Migration et asile - Justice, liberté, sécurité et immigration - Politique étrangère et de défense
La proposition de la Commission de relocaliser 40 000 réfugiés syriens et érythréens divise les Etats membres de l’UE
27-05-2015


frontex-eurosur-source-frontexTandis que les groupes politiques au Parlement européen ont en grande partie salué les propositions détaillées de la Commission européenne sur son agenda en matière de migration, plusieurs Etats membres ont exprimé leurs réserves. La Commission a présenté la veille les détails de cet agenda, dont le mécanisme de relocalisation. Elle a demandé aux Etats membres de l’UE de prendre en charge sous deux ans 40 000 candidats à l'asile syriens et érythréens arrivés en Grèce et Italie, selon une clé de répartition spécifique pour chaque pays. Les Etats membres sont également invités à accueillir 20 000 réfugiés provenant de pays tiers dans le cadre du programme de réinstallation.

Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a commenté sur les ondes de radio RTL la clé de répartition selon laquelle le Luxembourg doit accueillir 368 réfugiés dans le cadre de la relocalisation et 147 dans le cadre de la réinstallation, soit 515 au total : "Cela veut dire le Luxembourg doit prendre proportionnellement parlant trois fois plus de personnes que les Belges, 18 fois plus que les Français et huit fois plus que les Espagnols". Selon le ministre, les critères sur lesquels la Commission européenne a basé sa clé de répartition des réfugiés (population, PIB, chômage et demandes d’asile) doivent être "clarifiés" lors du Conseil des ministres de l’Intérieur de l’UE (JAI) le 16 juin 2015 et le sujet sera vraisemblablement aussi à l’ordre du Conseil informel JAI le 9 juillet 2015 sous Présidence luxembourgeoise qui débute le 1er juillet. Pour Jean Asselborn, il est clair que les programmes de relocalisation et réinstallation vont seulement fonctionner "si tous les Etats y participent". "Il y aura certainement des discussions, et cela ne concerne pas seulement le Luxembourg, sur la capacité des pays à accueillir des réfugiés", a-t-il conclu.

"La proposition n'est pas parfaite, mais elle constitue un énorme pas en avant, car elle introduit le principe de la solidarité", a commenté la Haute Représentante de l’Union pour les Affaires étrangères, Federica Mogherini. "Il va falloir construire un consensus" sur cette proposition "afin que les ministres de l'Intérieur puissent l'approuver à la majorité qualifiée lors de leur réunion le 16 juin" à Luxembourg, a-t-elle toutefois averti.

Des réserves dans une dizaine de pays

Selon une source citée par l’agence de presse AFP, une douzaine de pays auraient exprimé de très sérieuses réserves lors d'une première discussion entre les ambassadeurs auprès de l'UE, dont le Royaume-Uni, l’Espagne, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et les pays baltes qui s’étaient déjà dits opposés avant la présentation de l’agenda.

La France, qui s’était également exprimée contre une instauration de quotas, un terme rejeté par la Commission, a énoncé pour sa part un certain nombre de conditions. "La clé de répartition devra mieux prendre en compte les efforts déjà effectués par les Etats membres dans le cadre de la protection internationale", a notamment indiqué le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve dans un communiqué.

La Slovaquie qui s’est vue attribuer 1 104 réfugiés, va s'opposer aux propositions de la Commission européenne concernant la répartition des migrants entre les pays membres de l'UE, en raison d'une hausse de la menace "terroriste", a indiqué à Bratislava le Premier ministre slovaque, Robert Fico. Le chef du gouvernement social-démocrate a fait état aussi de "différences culturelles et religieuses" entre les immigrés et les habitants de la Slovaquie, en ajoutant que son pays ne voulait "pas éluder sa responsabilité" et ne mettait "pas en cause le principe de la solidarité européenne".

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon se montre réticent à une opération militaire contre les trafiquants en Méditerranée

"Certains Etats sont réticents", a déploré le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker lors d’une conférence de presse avec le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon qui était en visite officielle au Parlement européen. "Ils doivent accepter", a-t-il affirmé insistant : "Il ne s'agit pas de paroles, mais d'actes". Ban Ki-moon lui a apporté son soutien: "j'encourage les Etats membres à montrer de la compassion et prendre en considération la proposition de la Commission". Le secrétaire général a en revanche répété ses réserves envers le projet européen d'opération navale contre les navires utilisés par les trafiquants en Méditerranée pour laquelle l’UE cherche le soutien de l’ONU via une résolution. "Il y a peut-être d'autres façons" de régler la crise des migrants, a estimé Ban Ki-moon, rappelant sa "préoccupation quant à l'idée de détruire les bateaux" utilisés par les passeurs. Ces bateaux servent aussi souvent à la pêche. "Quand on envisage de détruire des bateaux, cela pourrait conduire in fine à priver des gens de moyens de subsistance qui sont déjà très limités", a jugé Ban Ki-moon. "Il revient aux membres du Conseil de sécurité de décider, mais je crois que des opérations militaires n'ont qu'une efficacité limitée", a-t-il ajouté.

L’ONG allemande Pro Asyl a critiqué dans un communiqué le fait que les réfugiés seraient "relocalisés contre leur gré" et ainsi traités comme des "marchandises", et demandé un libre choix pour les réfugiés de faire leur demande d’asile dans l’Etat qu’ils souhaitent.

Les groupes politiques au Parlement européen

Le groupe des conservateurs (PPE) a appelé dans un communiqué les Etats membres à prendre une décision rapide. La députée allemande Monika Hohlmeier a salué la proposition de la Commission, tout en critiquant que le critère des demandes d’asile pour la clé de répartition est seulement pris en compte avec un facteur de 10 % ce qu’elle juge "inacceptable" et "trop bas" pour des Etats comme la Suède et l’Allemagne – les deux premiers Etats à accorder l’asile dans l’UE. "Tous les jours, une centaine de réfugiés part de l’Italie vers l’Allemagne", a-t-elle ajouté. La députée maltaise Roberta Metsola a qualifié les propositions de la Commission d’une "réponse d’urgence à une situation d’urgence en Italie et en Grèce".

Pour le groupe socialiste S&D, il s’agit d’un "bon premier pas vers la solidarité". La députée allemande Birgit Sippel a salué le courage de la Commission, tout en appelant à un mécanisme obligatoire permanent de relocalisation au-delà des deux ans proposés. Elle soutient une répartition équitable des réfugiés à travers l’UE et se demande pourquoi le mécanisme s’applique seulement à l’Italie et la Grèce.

L’eurodéputé britannique Timothy Kirkhope (ECR) a reproché à la Commission de "traiter les symptômes au lieu de s’attaquer aux sources", en soulignant que l’Italie a connu en 2014 une hausse des entrées de migrants irréguliers de 277 %. Il a appelé la Commission à chercher des solutions à long terme, tout en jugeant que les 40 000 places de relocalisation "ne vont pas résoudre la crise des migrants".

L’eurodéputé allemand Alexander Graf Lambsdorff (ALDE), qui est aussi vice-président du Parlement européen, a plaidé pour un système de quotas "informel" si les Etats membres n’arrivaient pas à s’accorder sur les propositions de la Commission, lors d’une interview avec la radio publique allemande Deutschlandfunk. Il a encore reproché aux Etats membres de se comporter de manière égoïste et les a appelé d’agir, vu que ce sont eux qui "contrôlent le territoire".

Les Verts ont salué une "étape importante pour une répartition équitable des réfugiés" dans l’UE. "Il s'agit là d'une proposition résolument européenne, une proposition qui va dans la bonne direction", a déclaré la Française Eva Joly qui appelle à instituer cette proposition comme un "principe permanent". Elle a appelé les gouvernements à assumer leurs responsabilités et demandé d’abolir le système Dublin pour que "les demandes de droit d'asile n'incombent pas exclusivement aux pays par lesquels les réfugiés entrent sur le territoire de l’UE".