A une très faible majorité (277 voix pour, 315 contre et 111 abstentions), le Parlement européen réuni en séance plénière le 10 juin 2015 à Strasbourg, a rejeté le rapport d'Algirdas Saudargas (PPE, lituanien) relatif à la stratégie pour la sécurité énergétique de l'UE, qui avait été mise sur la table par la Commission européenne en mai 2014.
Le 28 mai 2014, la Commission avait présenté sa stratégie pour la sécurité énergétique de l'UE qui visait à répondre à la dépendance de l'UE vis-à-vis des importations, notamment russes et compte tenu des incertitudes suscitées par la crise ukrainienne. Détaillée dans une communication, cette stratégie est axée sur la diversification des sources d'approvisionnement extérieures en énergie, la modernisation de l'infrastructure énergétique, l'achèvement du marché intérieur de l'énergie de l'UE et les économies d'énergie. Elle a par ailleurs été saluée par les chefs d’Etat et de gouvernement réunis en Conseil européen le 27 juin 2014.
Au Parlement européen, la commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie (ITRE) avait de son côté adopté le projet de résolution préparé par le rapporteur Algirdas Saudargas le 7 mai 2015 à une large majorité (42 voix pour, 13 contre et 4 abstentions).
Lors du vote serré du 10 juin, la plénière du Parlement européen n’aura donc pas suivi l’avis de sa commission compétente au fond. "Nous ne pouvons que regretter qu'il n'y ait pas suffisamment de volonté politique d'avoir une stratégie pour la sécurité énergétique de l'UE. Cela montre aussi que la route pour créer l'Union de l'énergie sera longue et difficile", a déploré le rapporteur Saudargas à l’issue du vote, selon des propos que rapporte l’Agence Europe dans son bulletin quotidien daté du 11 juin 2015.
Cet échec serait dû principalement à une absence d’entente entre les principaux partis du Parlement qui forment la grande coalition (PPE, S&D, ALDE). En effet, si les groupes ALDE et S&D ont voté en faveur de la résolution, le rapporteur PPE n’a été soutenu que par 42 députés de son groupe, puisque 166 parmi les 208 députés du PPE votants ont voté contre (73) son rapport ou se sont abstenus (93), le groupe n’ayant pas réussi à définir une position commune pour le vote final. Les groupes de l’ECR, de la GUE/NGL, des Verts/ALE, de l’EFDD, et les non-inscrits ont voté contre la résolution.
L’Agence Europe, qui cite "une source proche du dossier", indique que l'adoption d’un amendement déposé par les groupes S&D, Verts/ALE et EFDD qui demandait un moratoire sur l'exploitation du gaz de schiste en Europe serait une des raisons pour lesquelles la majeure partie du PPE a voté contre le rapport. Par ailleurs, poursuit l’Agence, une grande partie des députés du groupe PPE n'aurait pas soutenu la réaffirmation, dans un amendement adopté par 354 voix pour, 337 contre et 8 abstentions grâce aux voix des S&D, de l’ALDE, des Verts/ALE et de la GUE/NGL et rejeté massivement par le PPE, de la position du Parlement en faveur d'objectifs contraignants à l'horizon 2030 pour la réduction des émissions de CO2, la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique de l'UE et l'amélioration de l'efficacité énergétique.
Pour ce qui est du groupe des Verts/ALE, le choix de voter contre le rapport serait dû au refus d’un amendement porté par les écologistes en vue d’éliminer progressivement les subventions publiques accordées à la production nucléaire. Soutenu par la GUE/NGL, une petite majorité du groupe socialiste et une minorité du groupe libéral, l’amendement a en effet été rejeté en n’obtenant que 248 votes en sa faveur contre 419 votes à son encontre. Autre raison du rejet : les Verts/ALE et l’EFDD jugeaient le rapport trop concentré sur les combustibles fossiles.
Les eurodéputés luxembourgeois n’ont pas tous voté conformément à la position de leurs groupes politiques respectifs. Ainsi, alors que Mady Delvaux (S&D) et Charles Georens (ALDE) se sont bien prononcés en faveurs du rapport d'Algirdas Saudargas et que Claude Turmes (Verts/ALE) s’y est au contraire opposé, Frank Engel (PPE) et Georges Bach (PPE) ont de leur côté soutenu le rapport tandis que Viviane Reding n’a pas participé au vote.
Dans un communiqué diffusé à l’issue du vote, l’ALDE s’est dit "extrêmement déçu par ce résultat". "Le résultat du vote est extrêmement décevant. Il est très préoccupant que le Parlement ait rejeté un rapport de cette importance et ceci jette le doute sur notre capacité à progresser avec ambition sur les grandes questions qui préoccupent les citoyens européens", a ainsi affirmé Morten Helveg Petersen, vice-président de la commission parlementaire de l'énergie, cité dans le communiqué.