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Conseil européen – Les dirigeants des 28 définissent les orientations de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, adoptent les conclusions relatives au semestre européen et réaffirment le besoin de sécurité énergétique dans l’UE
27-06-2014


conseil-europeen-26-27-juinRéunis pendant deux jours, d’abord à Ypres pour les commémorations de la Première Guerre-Mondiale, puis à Bruxelles le lendemain, les chefs d’Etat et de gouvernement des 28 Etats membres de l’Union européenne ont abordé un agenda chargé, outre la désignation de Jean-Claude Juncker comme candidat officiel pour le poste de président de la Commission européenne, la définition des cinq grandes priorités des travaux de l'UE pour 2014-2019, ainsi que la politique européenne de voisinage et l’évolution de la situation ukrainienne.

Orientations stratégiques pour l'espace de liberté, de sécurité et de justice

Lors du sommet des 26 et 27 juin 2014, le Conseil européen a notamment défini les orientations stratégiques pour la planification législative et opérationnelle des prochaines années au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice. Dans leurs conclusions, les chefs d’Etat et de gouvernement des 28 rappellent ainsi que l’un "des objectifs essentiels de l'Union" est la mise en place d'un tel espace "sans frontières intérieures [et] garantissant le plein respect des droits fondamentaux".

À cette fin, le Conseil européen estime dès lors qu’il convient "de prendre des mesures cohérentes en matière d'asile, d'immigration, de frontières et de coopération policière et judiciaire", conformément aux traités et à leurs protocoles pertinents.

Selon les dirigeants européens, la priorité générale est désormais d'assurer la transposition cohérente, la mise en œuvre effective et la consolidation des instruments juridiques et des mesures existants. Dans ce contexte, il sera primordial "d'intensifier la coopération opérationnelle", dit le Conseil européen dans ses conclusions.

Rappelant que "toutes les dimensions d'une Europe qui protège ses citoyens et offre des droits effectifs aux personnes à l'intérieur et à l'extérieur de l'Union sont étroitement liées" et que la réponse à un grand nombre de défis en la matière "se trouve dans les relations avec les pays tiers", le Conseil européen affirme qu’il y a lieu "d'améliorer l'articulation entre les politiques intérieure et extérieure de l'UE".

Migrations et asile

Selon le Conseil européen, l'instabilité dans de nombreuses parties du monde et les tendances démographiques au niveau mondial et européen constituent des défis auxquels l'Union ne pourra faire face "que si elle dispose d'une politique en matière de migration, d'asile et de frontières efficace et bien gérée, inspirée des principes de solidarité et de partage équitable de responsabilités". Il juge dès lors qu’il est nécessaire de mettre en place une "approche globale", qui utilise au mieux les avantages de la migration légale et offre une protection à ceux qui en ont besoin, tout en luttant résolument contre la migration irrégulière et en gérant les frontières extérieures de l'UE avec efficacité.

Afin de tirer parti des avantages de la migration légale et notamment "attirer les talents et les compétences", l'Europe devrait ainsi élaborer des stratégies basées sur des règles cohérentes et efficaces, en s'appuyant sur un dialogue mené avec le monde des entreprises et les partenaires sociaux, poursuit le Conseil européen. Rappelant "l'attachement de l'Union à la protection internationale" qui "appelle une politique d'asile européenne forte fondée sur la solidarité et la responsabilité", il juge que la transposition intégrale et la mise en œuvre effective du régime d'asile européen commun (RAEC) "constituent une priorité absolue". "Ce processus devrait aboutir à la mise en place de normes communes élevées et à une coopération plus poussée, créant des conditions uniformes" dans toute l’UE, dit le Conseil européen.

Parallèlement, la mise en place de mesures destinées "à s'attaquer aux causes profondes" de la migration irrégulière constitue "un volet essentiel de la politique migratoire de l'UE", selon les dirigeants européens. Pour le Conseil européen, il ne sera en effet possible de parvenir à une solution durable "qu'en intensifiant la coopération avec les pays d'origine et de transit, y compris en les aidant à renforcer leurs capacités en matière de migration et de gestion des frontières". Et de juger qu’il "faudra que les politiques migratoires deviennent une composante bien plus importante des politiques extérieures et de développement de l'Union, par l'application du principe consistant à "donner plus pour recevoir plus" et la prise en compte de l'approche globale de la question des migrations et de la mobilité".

Concrètement, il s’agit selon le Conseil européen de renforcer et d’étendre les programmes de protection régionaux, en particulier à proximité des régions d'origine, en collaboration étroite avec le HCR ainsi que d’accroître les contributions aux efforts de réinstallation déployés au niveau mondial. Les chefs d’Etat et de gouvernement européens appellent aussi à lutter de manière plus énergique contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains, en se concentrant sur les pays et les itinéraires prioritaires et à mettre en place une politique commune efficace en matière de retour.

Dans ce contexte, le Conseil européen rappelle que l'espace Schengen, qui permet de voyager sans avoir à se soumettre à des contrôles aux frontières intérieures, et le nombre croissant de personnes se rendant dans l'UE "imposent de gérer efficacement les frontières extérieures communes de l'UE pour assurer un niveau élevé de protection". Parallèlement, il convient de moderniser la politique commune en matière de visas en facilitant les déplacements légitimes et en renforçant la coopération consulaire Schengen au niveau local.

La gestion intégrée des frontières extérieures devrait en conséquence "être modernisée d'une manière efficace au regard des coûts afin d'assurer une gestion intelligente des frontières". Cette modernisation passerait notamment par "un système d'enregistrement des entrées et des sorties ainsi qu'à un programme d'enregistrement des voyageurs", poursuivent les conclusions.

En outre, l'agence Frontex, en tant "qu'instrument de solidarité européenne", devrait renforcer son assistance opérationnelle, en particulier pour soutenir les États membres confrontés à de fortes pressions aux frontières extérieures, juge le Conseil européen. Frontex devrait aussi accroître sa réactivité "face aux évolutions rapides que connaissent les flux migratoires", cela en tirant "pleinement parti" du nouveau système européen de surveillance des frontières (EUROSUR). Par ailleurs, les dirigeants de l’UE estiment qu’il "conviendrait d'étudier la possibilité de mettre en place un système européen de gardes-frontières".

Coopération judiciaire

Pour ce qui est de l’espace de sécurité pour les citoyens européens, le Conseil européen estime qu’il doit être garanti au moyen d'une coopération policière au niveau opérationnel et de mesures de prévention et de lutte contre la grande criminalité organisée, y compris la traite des êtres humains et le trafic de migrants, ainsi que contre la corruption. "Parallèlement, une politique européenne efficace en matière de lutte contre le terrorisme est nécessaire".

Le Conseil européen appelle ainsi à l'amélioration des échanges d'informations transfrontières, y compris en ce qui concerne les casiers judiciaires; à la poursuite des travaux relatifs à la mise en place d'une approche globale pour la cybersécurité et la lutte contre la cybercriminalité; et enfin à la prévention de la radicalisation et de l'extrémisme, ainsi que des mesures visant à s'attaquer au phénomène des "combattants étrangers".

Les chefs d’Etat et de gouvernement rappellent enfin que si le bon fonctionnement d'un véritable espace européen de justice, respectant la diversité des systèmes et traditions juridiques des États membres, est de la plus haute importance pour l'UE, il faut à cet égard "renforcer encore la confiance mutuelle des États membres dans leurs systèmes judiciaires respectifs".

En conséquence, de nouvelles mesures sont jugées nécessaires pour renforcer la cohérence et la clarté de la législation de l'UE pour les citoyens et les entreprises; simplifier l'accès à la justice et favoriser la mise en place de recours effectifs et l'utilisation des innovations technologiques, notamment en matière de justice en ligne; poursuivre les efforts pour renforcer les droits des personnes soupçonnées ou poursuivies dans le cadre de procédures pénales; examiner la question du renforcement des droits de la personne, notamment pour les enfants, dans les procédures; renforcer la protection des victimes; renforcer la reconnaissance mutuelle des décisions et des jugements en matière civile et pénale; accroître les échanges d'informations entre les autorités des États membres; lutter contre les agissements frauduleux et les infractions portant atteinte au budget de l'UE; et pour faciliter les actions transfrontières et la coopération opérationnelle notamment.

Finalement, le Conseil européen rappelle que le droit des citoyens de l'Union de circuler librement dans les autres États membres, d'y résider et d'y travailler, "qui constitue l'une des libertés fondamentales de l'Union européenne, doit être protégé, y compris contre d'éventuelles utilisations abusives ou frauduleuses".

Le semestre européen

Le Conseil européen a consacré une partie de ses conclusions au semestre européen. Reprenant les analyses de la Commission, il fait état du retour de la croissance et de la légère hausse du niveau de l’emploi, mais aussi du "niveau record inacceptable" du chômage, notamment des jeunes, de "la pauvreté et l'exclusion sociale" qui "restent des sujets de préoccupation majeurs" et de la fragilité et de l’inégalité de la reprise. S’il y a des améliorations dans les Etats membres, c’est selon le Conseil européen "grâce aux efforts déployés par les États membres" dans la correction des déséquilibres macroéconomiques et du redressement  des finances publiques.

Le Conseil européen estime, dans une optique de la continuation des réformes, que le cadre budgétaire actuel de l'UE permet de "concilier la discipline budgétaire et la nécessité de soutenir la croissance" si les Etats utilisent "au mieux la flexibilité qu'offrent les règles actuelles du Pacte de stabilité et de croissance." Pour mieux savoir ce que cette formule sur la flexibilité veut dire concrètement, la Commission présentera avant 14 décembre 2014, donc avant le Conseil européen qui est prévu pour les 18 et 19 décembre, un rapport sur l'application du cadre de gouvernance de l'UE, comme prévu dans la législation de l'UE (paquet législatif relatif à la gouvernance économique et paquet législatif relatif à la surveillance budgétaire).

Entretemps, les Etats membres sont appelés à agir, donc "d’alléger la pression fiscale sur le travail, de réformer les marchés de produits et de services et les administrations publiques, d'améliorer l'environnement des entreprises et de la RDI, de faciliter l'accès au financement, d'améliorer le fonctionnement des entreprises de réseau et de réformer les systèmes éducatifs."

Les Etats membres sont donc appelés à mettre en œuvre les recommandations pays par pays "si l'on veut accélérer la croissance", quand ils prendront leurs décisions "sur les budgets, les réformes structurelles et les politiques sociales et de l'emploi."

Adéquation de la réglementation

Le Conseil européen aborde aussi dans ses conclusions le programme REFIT qui a pour objectif la simplification de la réglementation et l’allègement de la charge réglementaire, et appelle les Etats membres à procéder de même. Le programme va donc continuer, mais compte tenu des critiques qu’il a suscitées dans le cadre du dialogue social, il est précisé qu’il doit tenir compte "de la protection des consommateurs et des travailleurs ainsi que des préoccupations touchant à la santé et à l'environnement".

Climat et énergie

Le paquet climat et énergie à l’horizon 2030, qui avait déjà fait l’objet de conclusions du Conseil européen des 20 et 21 mars 2014, et qui doit bientôt faire l’objet d’une décision finale, a été un autre point important du sommet.

La Commission doit encore présenter d'ici juillet 2014 un réexamen de la directive relative à l'efficacité énergétique qui exposera en quoi l'efficacité énergétique peut contribuer au cadre en matière de climat et d'énergie à l'horizon 2030. L’UE n’avance pas encore d’objectifs chiffrés, mais "confirme que l'objectif spécifique de l'UE en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030 sera pleinement conforme à l'objectif ambitieux qu'elle s'est fixé à l'horizon 2050."

En attendant, la Commission a présenté fin mai 2014 une communication consacrée à une stratégie européenne relative à la sécurité énergétique - dotée entretemps de l’acronyme SESE - qui a été saluée par le Conseil européen et qui a été discutée.

La crise ukrainienne ayant révélé les problèmes que peut causer "la forte dépendance énergétique de l'Europe", le Conseil européen appuie la mise en œuvre immédiate d'une série de mesures "qu'il est extrêmement urgent de prendre pour renforcer la résilience de l'Europe et améliorer sa sécurité énergétique à brève échéance, avant l'hiver 2014-2015."

Car entretemps, il y a eu des évaluations du risque de rupture de l'approvisionnement à court terme, et cela veut dire que "les mécanismes d'urgence et de solidarité existants, tels que les stocks de gaz, les infrastructures d'urgence et les flux inversés, seront renforcés", et ce notamment en faveur des États membres les plus vulnérables.

Suit un passage qui est une allusion indirecte au projet South Stream de gazoduc entre la Russie, la Bulgarie, la Grèce, la Serbie et l’Italie : "En vue de renforcer la sécurité énergétique de l'UE, il y a lieu de poursuivre les investissements pertinents dans les infrastructures énergétiques, y compris ceux associant des pays tiers, dans le plein respect de toutes les règles de l'UE relatives au marché intérieur et à la concurrence, qui doivent être appliquées de manière cohérente". En effet, la Commission, a demandé à la Bulgarie de surseoir à l’adjudication de marchés publics à des firmes russes, ces adjudications ne s’étant pas faites selon les règles du marché intérieur.

Et si l’on lit ensuite que "l'UE coopérera avec ses partenaires internationaux en vue de réduire le risque de rupture de l'approvisionnement énergétique", c’est suite au sommet UE-USA de mars 2014 où la crise ukrainienne et les sanctions contre la Russie suite à l’annexion par celle-ci de la Crimée et la diversification de l’approvisionnement de l’UE en énergie.

L’UE veut aller plus loin quand elle écrit : "la Communauté de l'énergie, qui vise à étendre l'acquis de l'UE dans le domaine de l'énergie aux pays concernés par l'élargissement et aux pays voisins, devrait être renforcée pour faire en sorte que l'acquis soit appliqué dans ces pays." Il s’agit donc d’inclure les pays des Balkans occidentaux, mais aussi l’Ukraine, la Géorgie et la Moldavie dans cette démarche qui marque, sans jamais la nommer dans ce contexte, des relations difficiles avec la Russie.  

D'autres mesures à moyen et à long terme pour renforcer la sécurité énergétique de l'UE, en se fondant sur la stratégie européenne en la matière présentée par la Commission, doivent encore être explorées en vue du Conseil européen d’octobre 2014. L'efficacité énergétique, le renforcement de la production intérieure, une intégration plus poussées du marché européen de l'énergie, le développement d’infrastructures manquantes, en vue de mettre fin, d'ici 2015, à toute situation d'isolement d'un État membre par rapport aux réseaux européens de gaz et d'électricité sont cités sous le sigle de l’interconnexion.

Prochain cycle institutionnel

Outre la désignation officielle de Jean-Claude Juncker comme candidat à la fonction de président de la Commission européenne ainsi que la définition des priorités stratégiques de l’UE pour les cinq années à venir, le cycle institutionnel a également fait l’objet d’un point des conclusions du Conseil européens. Les chefs d’Etat et de gouvernement y reconnaissent "des préoccupations liées à l'évolution future de l'UE" exprimées par le Royaume-Uni et "auxquelles il faudra répondre".

"Dans ce contexte, le Conseil européen a noté que la notion d'union sans cesse plus étroite permet aux différents pays d'emprunter différentes voies d'intégration, en laissant aller de l'avant ceux qui souhaitent approfondir l'intégration, tout en respectant la volonté de ceux qui ne souhaitent pas poursuivre l'approfondissement", lit-on dans ses conclusions.

Par ailleurs, une fois que la nouvelle Commission européenne aura été effectivement mise en place, le Conseil européen "examinera le processus futur de nomination du président de la Commission européenne, dans le respect des traités européens", précisent encore les conclusions. Le Conseil européen devrait ainsi évaluer le principe des "candidats têtes de listes" promu par le Parlement européen et qui a mené à la désignation de Jean-Claude Juncker, non sans l’opposition affirmée du Royaume-Uni.