L'annexion illégale de la Crimée par la Russie a changé la situation stratégique du bassin de la mer Noire, insistent les députés dans une résolution adoptée le 11 juin 2015 au Parlement européen en séance plénière par une courte majorité. L’UE devrait durcir ses sanctions et aider l’Ukraine à renforcer ses capacités de défense, si la Russie n'applique pas les accords de Minsk, si elle continue de déstabiliser l'est de l'Ukraine et poursuit l'annexion illégale de la Crimée, note encore le texte. Les députés soutiennent "résolument la non-reconnaissance" par l'UE de l'annexion de la Crimée et de Sébastopol par la Russie, et demandent une fois de plus aux États membres de parler d'une seule voix en ce qui concerne les relations UE-Russie.
La résolution a été adoptée avec un peu plus de la moitié des voix des députés : 356 ont voté pour, un tiers (183) a voté contre et 96 députés se sont abstenus. Le soutien provenait du camp des conservateurs (PPE et ECR) et des libéraux (ALDE). Les socialistes étaient plutôt divisés (88 ont voté pour, 54 se sont abstenus et 24 ont voté contre). La gauche radicale (GUE/NGL), les Verts et l’extrême-droite (EFDD et non-inscrits) ont voté contre. Parmi les six eurodéputés luxembourgeois, trois ont voté pour (Georges Bach, Frank Engel et Viviane Reding, tous PPE). Claude Turmes (Verts/ALE) a voté contre, Mady Delvaux (S&D) s’est abstenue et Charles Goerens (ALDE) n’a pas participé au vote.
"Ce rapport vise à sensibiliser davantage l'Union européenne à l'importance de la mer Noire, au moment où nous sommes en train de réviser à la fois nos stratégies de défense et de sécurité", a déclaré l’ancien ministre de la Défense roumain, Ioan Mircea Paşcu (S&D), rapporteur et vice-président du Parlement européen dans un communiqué. "Les déploiements et la modernisation agressive de la flotte mise en place par la Russie sont un défi sécuritaire qui ne peut pas être ignoré ou uniquement confié aux mains de l'OTAN", a-t-il ajouté.
Pour rappel, cette résolution sur la "situation militaro-stratégique dans le bassin de la mer Noire à la suite de l'annexion illégale de la Crimée par la Russie" a été votée le 5 mai 2015 par la commission des Affaires étrangères au Parlement européen. Il s’agit de la deuxième résolution sur la Russie du Parlement européen qui vient de voter le 11 juin 2015 un rapport sur "l’état des lieux des relations entre l'Union européenne et la Russie" qui constate que la Russie n’est plus un "partenaire stratégique" de l’UE et qui appelle les Etats membres à ne pas conclure des accords bilatéraux avec la Russie et la Commission à allouer des fonds pour contrecarrer la propagande russe.
Dans la résolution sur la mer Noire, les députés font état d’une "nouvelle donne géostratégique" et jugent que l'évolution de la situation militaire dans le bassin de la mer Noire et "l'annexion musclée de la Crimée par la Russie montrent que l'architecture de la sécurité européenne, fondée sur des normes issues de l'après-guerre froide, est confrontée à des enjeux systémiques et plus vastes". Ils appellent l’UE et les Etats membres à "reconsidérer leur politique étrangère et de sécurité" et demandent une révision de la stratégie européenne de sécurité.
Néanmoins, les députés estiment que les relations avec la Russie devraient, à long terme "reposer sur la coopération et non sur la confrontation", mais sous condition que la Russie applique les accords de Minsk et rend la Crimée à l’Ukraine.
Les députés appellent les Etats membres à faire preuve d’unité et à "rester fermes et unis dans l'application des sanctions", notamment en gelant toute coopération militaire et de défense et en annulant des contrats, comme la livraison des navires d’assaut dits Mistral.
L’UE et ses Etats membres sont encore appelés à réduire leur dépendance énergétique et à diversifier des ressources énergétiques provenant de la mer Noire, les députés s’inquiétant fortement de la sécurité de l'exploitation et du transport de pétrole et de gaz dans la région. Ils estiment que l’UE "pourrait avoir besoin de mobiliser les forces navales et aériennes européennes en mer Noire".
Quant à la guerre dans l’est de l’Ukraine, les députés se disent préoccupés par "l'extrême gravité de la situation" et condamnent le soutien direct et indirect apporté par la Russie aux opérations séparatistes en Ukraine. Ils dénoncent la "menace de création d'un couloir terrestre entre la Russie et la Crimée", qui "priverait l'Ukraine de tout débouché maritime".
Les députés s’inquiètent du "risque majeur" que représente "l'intensification de la pression russe exercée sur la frontière orientale de l'Union, notamment sur la Roumanie, la Pologne et les États baltes". Ils dénoncent des "actes d'agression" de la Russie qui montrent que "celle-ci s'inscrit à nouveau dans une démarche hostile de type ‘bloc contre bloc’". Les députés mettent en garde contre le fait que la Russie "possède désormais un puissant pas de tir dirigé vers l'ouest (Balkans, Transnistrie et l'embouchure du Danube) et le sud (l'est de la Méditerranée), où elle a stationné une force navale permanente" et que la Crimée "offre à la Russie le pendant méridional de Kaliningrad, à savoir un poste avancé directement situé aux frontières de l'OTAN".
Ils se disent très préoccupés par le projet d'expansion et de modernisation de la flotte russe en mer Noire ainsi que le "renforcement considérable" du dispositif de défense aérienne et navale de la Russie dans le bassin de la mer Noire. Ils estiment que le fait que la Russie renforce ses moyens militaires dans les régions occupées d'Abkhazie et de Tskhinvali/d'Ossétie du Sud en Géorgie représente "une grave menace pour toute la région de la mer Noire". Ils notent par ailleurs un "regain d'agressivité de la part de la Russie dans le bassin de la mer Noire", en évoquant des récents survols rapprochés de bâtiments de guerre de l'OTAN.
Les députés dénoncent encore les "déclarations menaçantes de représentants russes de haut niveau, selon lesquelles la Russie a le droit de déployer et de stationner des armes nucléaires en Crimée, mesures qui auraient des conséquences mondiales".