La Russie ne peut plus être traitée comme un partenaire stratégique de l’UE en raison de l’annexion illégale de la Crimée, affirment les députés du Parlement européen dans une résolution votée le 10 juin 2015 en séance plénière.
Le texte a été adopté par 494 voix pour, 135 contre, avec 69 abstentions, indique un communiqué du Parlement européen. La résolution a été soutenue par les groupes conservateurs (PPE, ECR), les socialistes (S&D), les libéraux (ALDE) et les Verts, tandis que l’extrême droite (EFDD et non-inscrits) et la gauche radicale (GUE/NGL) ont voté contre. Au sein du PPE, 2 députés ont voté contre et 16 se sont abstenus, alors qu’au S&D, 5 ont voté contre et 18 se sont abstenus. Parmi les six députés luxembourgeois, quatre ont voté pour, un s’est abstenu (Claude Turmes, Verts/ALE), et une n’a pas participé au vote (Viviane Reding, PPE).
Concrètement, la résolution explique que "à ce stade, la Russie, compte tenu de ses actes en Crimée et dans l'est de l'Ukraine, ne peut plus être traitée ou considérée comme un ‘partenaire stratégique’". Les députés reprochent à la Russie qu’elle "se positionne et agit ouvertement au mépris de la communauté démocratique internationale et de son ordre juridique, notamment en cherchant à redessiner les frontières européennes par la force". Ils disent encore s’inquiéter du "climat de haine croissant dirigé contre les militants de l'opposition, les défenseurs des droits de l'homme, les minorités et les nations voisines, et de la détérioration de la situation des droits de l'homme et de l'état de droit en Russie".
Pour rappel, cette résolution sur "l’etat des lieux des relations entre l'Union européenne et la Russie" a été votée le 11 mai 2015 par la commission des Affaires étrangères au Parlement européen. Mais le ton du Parlement européen s’était déjà durci avant. Le 5 mai 2015, la même commission avait adopté une résolution sur "la situation militaire stratégique dans le bassin de la mer Noire après l'annexion illégale de la Crimée par la Russie" sur laquelle les députés voteront le 11 juin 2015 et dans laquelle les députés appellent l'UE à durcir ses sanctions et envisager la possibilité de fournir des armes de défense à l'Ukraine, si la Russie n'applique pas pleinement les accords de Minsk et ne rend pas la Crimée à l'Ukraine.
L’unité affichées par les États membres dans le contexte de l’annexion de la Crimée et de la "participation directe" de la Russie à la guerre en Ukraine doit être la "priorité absolue" des Etats membres, insistent les députés qui les appellent à "éviter les relations et accords bilatéraux susceptibles de nuire à cette unité".
"Avec leur agression contre l'Ukraine et l'annexion de la Crimée, les dirigeants russes ont mis nos relations à un carrefour. Il revient au Kremlin de décider maintenant quelle direction elles prendront – la coopération ou l'approfondissement de l'aliénation", a déclaré le rapporteur du PE, le Lituanien Gabrielius Landsbergis (PPE).
Par ailleurs, les députés demandent à la Commission "d'allouer sans délai des fonds suffisants à des projets concrets visant à contrecarrer la propagande russe au sein et en dehors de l'Union" et de "programmer une aide financière plus ambitieuse à la société civile russe".
Dans ce contexte, les députés se disent fortement préoccupés "par la tendance, qui se fait jour depuis quelque temps dans les médias russes contrôlés par l’État, à réécrire et à réinterpréter des événements historiques du vingtième siècle".
Ils mettent par ailleurs en garde encore "l'intensification des contacts et des collaborations entre des partis européens populistes, fascistes et d'extrême-droite et des forces nationalistes en Russie" et contre le "soutien et du financement par la Russie de partis radicaux et extrémistes dans les États membres de l'Union européenne". Ils appellent à créer un "mécanisme de transparence, de collecte, de suivi et de communication de l'information concernant l'assistance financière, politique ou technique fournie par la Russie à des partis politiques ou d'autres organisations au sein de l'Union".
Quant à la liste de 89 politiciens européens interdits d’entrée en Russie, les députés jugent qu’il s’agit d’une mesure "arbitraire" et "contreproductive" qui fragilise davantage encore la communication entre l'Union et la Russie. Ils reprochent aux dirigeants russes de ne pas cesser d'enfreindre le droit international et de bafouer les normes internationales.
Les députés concluent qu’une coopération avec la Russie pourrait seulement reprendre si cette dernière respecte l'intégrité territoriale et la souveraineté de l'Ukraine. Ils estiment qu'à long terme, des relations constructives et prévisibles entre l'Union et la Russie sont possibles et souhaitables pour le bien des deux parties.
Hans van Baalen (ALDE) a appelé Vladimir Poutine à "stopper son implication militaire dans l'Est de l'Ukraine" et à rendre la Crimée à l'Ukraine. "La détermination occidentale et le mauvais état de l'économie soviétique ont provoqué l'effondrement de l'Union soviétique. Il en sera de même avec la Russie de Vladimir Poutine", a-t-il jugé. Le Lituanien Petras Austrevicius a déclaré que "les vieilles méthodes bolchéviques sont à nouveau utilisées dans le cadre d'agression extérieure, de répression intérieure et d'isolement de la société russe de l'Occident et envers les 'ennemis étrangers'".
La gauche GUE/NGL a appelé à miser sur le dialogue et la solidarité au lieu de se fixer sur la discorde et les sanctions qui "nuisent aux relations". Helmut Scholz critique que la résolution n’envisage aucune "stratégie de sortie" de ce conflit et manque de "vision stratégique" en général. Miloslav Ransdorf estime que ce sont les Etats-Unis qui forcent l’UE à adopter des sanctions contre la Russie qui sont "stupides et contreproductives", en ajoutant que le commerce extérieur entre Etats-Unis et Russie a augmenté de 6 %, tandis que celui entre l’UE et la Russie a reculé.
Les Verts ont pour leur part jugé que le maintien des sanctions contre la Russie est "crucial". L’UE doit arrêter de tergiverser en permanence sur leur révision ou non des sanctions si elle veut réellement mettre fin au conflit", a estimé Michèle Rivasi. "Seul le respect par la Russie du droit international devrait permettre de renouer notre coopération avec le gouvernement russe", a-t-elle dit. Rebecca Harms a appelé à la mise en place une Union européenne de l'énergie pour accroître l’indépendance et la sécurité énergétique.