Les ministres des Finances de l’UE se sont réunis le 12 février 2016 pour un Conseil Ecofin présidé par le ministre néerlandais Jeroen Dijsselbloem. Le Luxembourg y était représenté par son ministre des Finances, Pierre Gramegna.
Au cours d’un premier échange de vues sur le paquet de mesures en matière de lutte contre l'évasion fiscale des entreprises, un certain nombre de pays, parmi lesquels le Luxembourg, ont plaidé pour le scinder de façon à adopter dans un premier temps ce qui s’inscrit dans la ligne de l’accord BEPS, et à prendre plus de temps pour discuter de ce qui irait au-delà des normes établies au niveau de l’OCDE.
Les ministres ont ensuite eu une discussion sur le plan d’action présenté par la Commission le 2 février 2016 qui prévoit une intensification des efforts en vue de lutter contre le financement du terrorisme. Les ministres ont adopté des conclusions dans lesquelles ils établissent les priorités du Conseil sur la question. Ils appellent ainsi à avancer particulièrement rapidement sur la question des monnaies virtuelles, le renforcement de l'accès à l'information par les cellules de renseignement financier (CRF), tel que l'accès aux informations sur les comptes bancaires et les comptes de paiement, des mesures appropriées concernant les instruments de paiement prépayés et enfin des mesures visant à lutter contre les mouvements d'argent liquide illicites. Sur ce dernier point, qui pourrait aboutir à l’établissement de plafonds de paiement en espèces, voire à une suppression des billets de 500 euros, la Commission va présenter un rapport pour le 1er mai 2016.
Les ministres ont eu un premier échange de vues sur les propositions présentées le 28 janvier dernier par la Commission européenne afin de renforcer la lutte contre l’évasion fiscale des entreprises.
Ce paquet de mesures se présente comme une réponse coordonnée de l'UE aux pratiques fiscales agressives mises en œuvre par les grandes entreprises. Il se donne pour but de faire en sorte que les sociétés soient effectivement soumises à l'impôt là où elles réalisent leurs bénéfices, d'améliorer l'échange d'informations entre les États membres et d'assurer une concurrence plus équitable pour toutes les entreprises.
Il vise également à mettre en œuvre les normes approuvées par l'OCDE à l'automne 2015, notamment en vue de lutter contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (BEPS).
Les Pays-Bas ont fait de la réalisation de progrès substantiels sur ce dossier une priorité de leur présidence, notamment en ce qui concerne deux propositions législatives. Il s’agit d’une part de la proposition concernant l'échange obligatoire et automatique d'informations entre administrations fiscales, qui vise à mettre en œuvre une norme de l'OCDE sur l'échange entre autorités nationales, pays par pays, de données fiscales sur les activités des sociétés multinationales, projet pour lequel la présidence néerlandaise a pour ambition de parvenir à un accord dès le mois de mars 2016. Et d’autre part de la proposition de directive établissant des règles pour s'attaquer à certaines pratiques d'évasion fiscale parmi les plus répandues et mettant en œuvre les mesures de lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices élaborées par l'OCDE.
La mise en œuvre rapide de ces textes permettrait à l'UE d'être parmi les premiers à appliquer les conclusions de l'OCDE.
Il est ressorti du premier échange de vues entre ministres, qui était public, qu’un certain nombre d’Etats membres, parmi lesquels le Luxembourg, ont toutefois pris parti pour une scission du paquet, de façon à avancer dans un premier temps sur les mesures s’inscrivant dans la ligne des normes établies dans le cadre de l’accord BEPS. Comme l’a expliqué Pierre Gramegna à ses collègues, "il faut faire la distinction entre ce qui est en ligne avec l’accord BEPS et ce qui va au-delà". Car, si pour ce qui découle de cet accord, il ne s’attend à aucune difficulté majeure au sein du Conseil, il juge en revanche indispensable de faire une étude d’impact des conséquences sur la compétitivité de l’UE de tout ce qui irait au-delà des mesures prévues au niveau de l’OCDE. Son cheval de bataille reste celui de règles du jeu équitables au niveau international, le fameux "level playing field". Pour Pierre Gramegna, il conviendrait ainsi de voir ce qui pourrait être détaché de ce paquet et intégré aux discussions sur les futures propositions de la Commission sur l'assiette commune consolidée sur l'impôt des sociétés (ACCIS).
Les ministres ont ensuite eu un premier échange de vues sur le plan d’action présenté par la Commission le 2 février 2016 qui prévoit une intensification des efforts en vue de lutter contre le financement du terrorisme.
Ce plan d'action est conçu comme une réponse forte et rapide aux défis actuels liés aux récents attentats terroristes. Il s'appuie sur la réglementation et les pratiques en vigueur dans l'UE, en les adaptant aux nouvelles menaces, dans le respect des normes internationales. Ce plan vient s'ajouter au "programme européen en matière de sécurité" élaboré par la Commission et rendu public en avril 2015, ainsi qu'à d'autres mesures récentes. Parmi celles-ci figure une proposition de directive de décembre 2015 sur le terrorisme, qui prévoit des sanctions pénales à l'encontre du financement du terrorisme. En novembre et décembre 2015, le Conseil "Justice et affaires intérieures, le Conseil "Affaires économiques et financières" et le Conseil européen ont insisté sur la nécessité de prendre rapidement de nouvelles mesures afin de lutter contre le financement du terrorisme.
Les ministres ont adopté des conclusions dans lesquelles ils établissent les priorités du Conseil sur la question. Ils appellent ainsi à avancer particulièrement rapidement sur :
Les conclusions énumèrent en détail plusieurs autres initiatives, tant législatives que non législatives, qu'il convient de prendre et fixent des dates-limites pour leur mise en œuvre. La question sera à nouveau à l’ordre du jour des ministres lors de leur réunion du 17 juin 2016.
A l’issue de la réunion, le commissaire en charge de l’Euro, Valdis Dombrovskis, s’est engagé à présenter au plus vite des modifications à la 4e directive anti-blanchiment. Il s’agit notamment d’harmoniser les définitions et les sanctions liées au blanchiment du terrorisme. En juin au plus tard, il entend aussi proposer des mesures visant à avoir un meilleur contrôle des paiements par monnaies virtuelles et cartes prépayées anonymes. Il entend aussi proposer de mettre en place des registres centraux ou des systèmes de récupération des données pour les comptes bancaires et les comptes de paiement et s’est engagé à assurer un meilleur accès des cellules de renseignement financier à l’information au sein de l’UE et à un échange d’informations plus efficace entre elles. Le commissaire veut encore présenter une liste noire des pays pour lesquels les transactions financières comportent un risque de financement du terrorisme.
En ce qui concerne les mouvements d’argent liquide illicites, les ministres ont invité la Commission à explorer la nécessité et la pertinence de mettre en place des plafonds pour les paiements en espèces, ainsi que l’ont rapporté à la fois Jeroen Dijsselbloem et Valdis Dombrovskis. L’idée de demander à la BCE de réfléchir à des mesures appropriées concernant les grosses coupures, et notamment les billets de 500 euros, a notamment été évoquée.
La question fait l’objet d’un intérêt croissant ces derniers jours, et elle n’est pas sans importance pour le Grand-Duché, où le député Franz Fayot vient d’adresser au ministre des Finances une question parlementaire pour connaître sa position sur la question.
En effet, dans un entretien accordé au Parisien le 11 février 2016, Benoît Coeuré, membre du directoire de la BCE, avait déclaré à la rédaction du quotidien que la BCE envisageait de prendre une décision "prochainement" sur une éventuelle suppression de ces billets dans la mesure où "les autorités compétentes soupçonnent de plus en plus qu'ils soient utilisés à des fins illicites, un argument que nous ne pouvons plus ignorer compte tenu de l'importance de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme".
Le lendemain, la rédaction d’Euractiv publiait, dans la foulée du Financial Times, un article soulignant la prolifération des billets de 500 euros, qui représentent jusqu’à un tiers de l’argent liquide dans la zone euro, et ce notamment au Luxembourg. L’article faisait notamment référence à un rapport publié par Europol en juillet 2015, dans lequel les auteurs du rapport relevaient que la Banque centrale du Luxembourg avait émis en 2013 des billets représentant l’équivalent de deux fois le PIB du Luxembourg. Ils constataient aussi qu’une proportion importante de ces billets était de grosses coupures.
La Commission va donc remettre un rapport sur la question pour le 1er mai 2016.
En matière budgétaire, les ministres ont adopté des conclusions fixant les priorités du Conseil en ce qui concerne le budget général de l'UE pour 2017.
Ces conclusions serviront de base à la présidence pour les négociations budgétaires avec le Parlement européen. Elles seront également transmises au Parlement et à la Commission ainsi qu'aux autres institutions de l'UE.
Le Conseil y invite à l'élaboration d'un budget de l'UE "réaliste" en 2017, dans lequel le niveau des crédits d'engagement et des crédits de paiement soit rigoureusement maîtrisé. Il convient de laisser des marges suffisantes sous les plafonds du cadre financier pluriannuel (CFP) 2014-2020 pour lui permettre de faire face à des situations imprévues, est-il noté dans ces conclusions.
Dans ses conclusions, le Conseil :
Le Conseil appelle donc à ce que soit trouvé le juste équilibre entre assainissement fiscal et investissements destinés à stimuler la croissance. "Cela pourrait s'obtenir en particulier par la hiérarchisation des objectifs", indiquent les ministres.
Le Conseil note également que l'arriéré des factures impayées se réduit plus rapidement que prévu. Le niveau des demandes de paiement non honorées s'élevait à 24,7 milliards d'euros à la fin 2014. D'après la Commission, l'arriéré des demandes de paiement non honorées s'élevait à 8,2 milliards d'euros à la fin de l'année 2015, par rapport aux 20 milliards estimés dans les prévisions.
Le Conseil préconise de "poursuivre la rationalisation des dépenses administratives de l'UE". Il demande avec insistance à l'ensemble des institutions, organes et agences de réduire ou de geler autant que faire se pourra leurs dépenses administratives.
Les ministres ont aussi adopté une recommandation au Parlement européen concernant la décharge à donner à la Commission pour l'exécution du budget général de l'UE pour l'exercice 2014. Par ailleurs, les ministres ont eu un échange de vues sur les travaux du groupe de haut niveau chargé de réexaminer les ressources propres budgétaires de l'UE, en présence du président de ce groupe, Mario Monti.
La Commission a dressé un état des lieux de la mise en œuvre de l'union bancaire européenne, un dossier que suit régulièrement le Conseil depuis la mi-2015 car les États membres ont accumulé des retards dans la mise en œuvre des règles communes.
Le niveau de mise en œuvre s'est amélioré, a noté la Commission, ce qui a permis au mécanisme de résolution unique (MRU) des banques de l'UE de devenir opérationnel le 1er janvier 2016. Le Fonds de résolution bancaire unique (FRU), auquel les fonds de résolution nationaux des pays participants apporteront progressivement une partie de leurs fonds, est entré en vigueur à la même date.
Au 11 février 2016, vingt États membres, dont les dix-neuf membres actuels de l'union bancaire, avaient déposé leurs instruments de ratification de l'accord intergouvernemental sur le FRU et trois des dix-neuf États membres de l'union bancaire avaient signé une convention de prêt concernant le financement-relais pour le Fonds de résolution unique.
Les ministres ont discuté des préparatifs de la réunion des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales du G20, qui se tiendra à Shanghai du 25 au 27 février 2016 et ils ont adopté le mandat de l’UE pour cette réunion.
Les ministres ont par ailleurs adopté sans débat la signature d'un accord avec Andorre visant à améliorer le respect des obligations fiscales par les épargnants privés. Aux termes de cet accord, les États membres de l'UE et Andorre seront tenus de procéder à l'échange automatique d'informations sur les comptes financiers détenus par leurs ressortissants.