Le 8 mars 2016, le Conseil Affaires économiques et financières (ECOFIN) avait pour principal point à l'ordre du jour l'adoption du projet de directive relative à l'échange d'informations dans le domaine fiscal concernant les activités des entreprises multinationales.
Premier élément d'un ensemble de propositions présentées par la Commission le 28 janvier 2016 afin de renforcer la réglementation de l'UE destinée à prévenir l'évasion fiscale des entreprises, cette directive est la transposition du plan d'action pour la lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices présenté par l'OCDE lors du G20 de novembre 2015.
Afin de permettre aux États membres de détecter les risques d'évasion fiscale et de mieux cibler les contrôles fiscaux, la recommandation de l'OCDE implique la communication obligatoire, par les multinationales aux autorités nationales, pays par pays, d'informations dans le domaine fiscal (chiffre d'affaires, bénéfice, impôts payés, immobilisations corporelles, nombre d'employés), ainsi que l'échange automatique de ces informations entre autorités nationales. Cela concernerait dès l'année fiscale 2016, les multinationales dont le chiffre d'affaires total, au niveau du groupe, est d'au moins 750 millions d'euros, seraient concernées, soit 10 à 15 % des groupes d'entreprises multinationales, cumulant 90 % du chiffre d'affaires des sociétés.
Le Conseil avait eu une première entrevue sur le sujet le 12 février 2016. Un certain nombre d'Etats membres, parmi lesquels le Luxembourg, avaient demandé une scission du paquet. Le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna, avait jugé indispensable de faire une étude d'impact des conséquences sur la compétitivité de l'UE de tout ce qui irait au-delà des mesures prévues au niveau de l'OCDE. Il avait évoqué la nécessité de maintenir des conditions équitables de concurrence ("level playing field") au niveau international.
A la sortie de l'ECOFIN du 8 mars 2016, Pierre Gramegna a de nouveau évoqué les exigences du level playing field, concernant le refus, de l'Allemagne et du Luxembourg notamment, de rendre publiques les informations transmises par les multinationales. "Là aussi on doit regarder ce que font les autres pays. Si l'Europe est le seul endroit dans le monde où les entreprises doivent rendre publiques des informations, et que ce n'est pas le cas ailleurs, on se tire une balle dans le pied. C'est une question de timing." Or, il y aurait de grandes réticences dans des pays partenaires de l'UE pour rendre publiques ces informations.
"C'était la condition préalable à tout accord: les informations ne seront pas publiées, mais juste utilisées par les administrations fiscales", a déclaré pour sa part, lors de la délibération publique, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble.
Ainsi, le Conseil ECOFIN a ajouté un considérant pour exclure toute "divulgation d'informations confidentielles, commerciales, industrielles ou professionnelles, ni de procédés commerciaux ou d'informations dont la divulgation pourrait être contraire à d'autres objectifs de politique publique", rapporte l'Agence Europe.
Toutefois, avant un éventuel accord que la Présidence espère obtenir le 25 mai 2016, la Commission européenne pourrait faire une nouvelle proposition recommandant la publication des données à laquelle elle est favorable. La Présidence du Conseil, par la voix du ministre néerlandais, Jeroen Dijsselbloem, a expliqué qu'elle saluerait une telle proposition. L'Agence Europe rapporte de source diplomatique que la proposition serait examinée en Conseil Compétitivité, qu'elle prendrait donc la forme d'amendements à la directive sur les normes comptables et serait une proposition discutée à la majorité qualifiée, en codécision, alors que les discussions au sujet d'informations fiscales se déroulent en général dans le cadre de l'unanimité.
Le maintien du caractère confidentiel des informations ne plaît pas aux ONG revendiquant la transparence fiscale. "Garder ces déclarations confidentielles rendra quasiment impossible pour les gouvernements des pays en développement, les journalistes ou le public de surveiller les opérations des entreprises multinationales", a déclaré Koen Roovers, de la Financial Transparency Coalition dans un communiqué de presse commun avec l'ONG Oxfam. Pour cette dernière, Aurore Chardonnet fait savoir qu'elle attend la proposition de la Commission en avril 2016 et voudrait qu'elle couvre une large majorité de multinationales. Que seules 10 à 15% des multinationales seront couvertes, serait, selon elle, "le signe clair que les gouvernements n'écoutent pas la demande croissante pour la transparence fiscale".
"Nous sommes loin d'une publication transparente des informations pays-par-pays telle que le demande le Parlement Européen depuis des mois", se désole le groupe Verts-ALE, unique groupe politique à avoir réagi. "Si cela devrait faciliter le travail des administrations fiscales, les Gouvernements, en refusant de rendre publiques ces informations, empêchent les citoyens, les ONG et les journalistes d'exercer leur pouvoir de vigilance sur les grandes entreprises et les administrations fiscales qui seraient trop complaisantes. Pire, en limitant cette obligation de déclaration aux seules plus grandes entreprises, moins d'un tiers des multinationales en Europe seront couvertes", a déclaré le président du groupe Verts-ALE, Philippe Lamberts.
Adoptant un compromis proposé par l'Allemagne, le Conseil a aussi repoussé à 2017 le reporting secondaire obligatoire, qui restera optionnel en 2016. Ce reporting secondaire vise à contraindre les filiales à déposer la déclaration pays par pays dans l'État dans lequel elle a son siège, dans le cas où la société mère en dernier ressort d'un groupe n'est pas tenue de le faire. Dans la proposition de l'OCDE, le mécanisme de reporting secondaire n'était qu'une option, mais il est devenu obligatoire dans le texte de la directive, empêchant, selon le ministre allemand qui en a fait l'observation, des conditions similaires de concurrence avec les pays tiers. La République tchèque, Malte, la France, la Finlande et le Luxembourg ont soutenu la proposition allemande. "Nous ne devons pas systématiquement essayer d'aller plus loin en Europe que ce que recommandent l'OCDE ou le G20", a expliqué le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna à ce sujet. "Nous avons des préoccupations pas seulement dans l'intérêt du Luxembourg mais aussi de l'Europe, nous voulons protéger notre compétitivité. Et si en Europe, on fait cavalier seul, qu'on est loin devant les autres, on risque d'aboutir à des distorsions de concurrence, que des grandes entreprises d'Europe veuillent se retirer, parce que dans d'autres pays, la règle sera adoptée plus tard."
Le Conseil a adopté ses conclusions sur le renforcement du code de conduite visant à éliminer les mesures qui créent des situations de concurrence fiscale déloyale. Elles prévoient une amélioration de la gouvernance, de la transparence et des méthodes de travail du groupe. L'efficacité du processus décisionnel sera renforcée grâce à une évaluation plus rapide d'un régime potentiellement dommageable et à une intervention plus précoce et plus fréquente du Conseil. Le public serait mieux informé des travaux en cours et passés du groupe. La présidence escompte qu'une décision sera prise avant la fin juin 2016 sur la révision du mandat du groupe.
"Les ministres des Finances ont décidé de maintenir à l'abri des regards les délibérations des gouvernements européens concernant la fiscalité des entreprises. Les modifications à la marge des règles encadrant le fameux groupe de travail "Code de conduite" sur la fiscalité des entreprises, ne permettront pas de répondre aux très graves défaillances observées ces quinze dernières années. Les ministres ont ainsi écarté l'idée que le groupe "Code de conduite" puisse rendre compte régulièrement de ses activités au Parlement Européen", a jugé l'eurodéputée du groupe Verts-ALE et vice-présidente de la Commission spéciale TAXE, Eva Joly.
Alors que le 1er janvier 2016, le Mécanisme unique de résolution (MRU) est devenu opérationnel et le Fonds de résolution unique (FRU) est entré en vigueur, le Conseil ECOFIN a discuté du renforcement de l'Union bancaire de l'UE, qui fait l'objet d'une communication de la Commission. Sur proposition des Pays-Bas, un groupe de travail ad hoc a donc été mis sur pied au Conseil pour travailler sur le partage des risques financiers par l'instauration d'un troisième pilier, à savoir un système européen de garantie des dépôts bancaires (EDIS), et la communication de la Commission sur la réduction des risques financiers. La Présidence néerlandaise du Conseil de l'UE veut faire adopter une feuille de route d'ici le mois de juin.
La directive relative aux systèmes de garantie des dépôts bancaires prévoit des exigences en matière de surveillance et de les soumettre à des tests de résistance à intervalles réguliers. Toutes les banques sont tenues d'adhérer à un SGD, de manière à ce que les dépôts allant jusqu'à 100 000 euros soient protégés.
Le Conseil a adopté des conclusions sur la viabilité des finances publiques, élaborées en réponse à un rapport de la Commission présenté le 25 janvier 2016. Le Conseil a invité les États membres, et plus particulièrement ces pays à concentrer leur attention sur des stratégies budgétaires privilégiant la viabilité et la croissance. Il appelle également à continuer d'analyser les évolutions démographiques, et notamment l'effet de flux migratoires importants sur les conditions économiques et les finances publiques. Le Conseil a prôné l'adoption d'une stratégie en trois volets consistant à réduire la dette publique, à renforcer la productivité et l'emploi et à réformer les régimes de retraite, de soins de santé et de soins de longue durée.
La Commission européenne a publié le 26 février 2016 son analyse annuelle des défis économiques et sociaux auxquels font face les États membres de l'UE, à savoir les "rapports par pays", rédigés dans le cadre du semestre européen 2016. Ils s'intéressent notamment à la mise en œuvre des recommandations faites lors du semestre européen précédent. Les ministres étaient d'accord pour constater la faiblesse des résultats et y remédier. Des progrès substantiels sont visibles pour seulement 7 % des recommandations spécifiques adressés aux différents Etats membres. Plus de la moitié, sont mises en œuvre d'une manière limitée ou pas du tout.
La veille, le 7 mars 2016, les dix ministres des Finances des États participant à la coopération renforcée sur la taxe sur les transactions financières (TTF) ont discuté sans réussir à se mettre d'accord. La situation politique instable en Slovaquie et en Espagne, qui attendent toutes deux la formation d'un nouveau gouvernement les empêchent de prendre une décision. Néanmoins, le ministre autrichien des Finances, Hans-Jörg Schelling, dont le pays pilote les discussions sur la TTF, a déclaré qu'une décision serait prise en juin 2016, à la date butoir que s'étaient donné en décembre 2015 les États participants pour aboutir à un accord.
Enfin, le Conseil a également adopté des conclusions concernant la structure et les taux d'accises applicables au tabac manufacturé. Il a appelé à des efforts pour simplifier et clarifier la structure des droits d'accise sur les tabacs manufacturés.