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Migration et asile - Justice, liberté, sécurité et immigration
Réforme du régime d'asile européen commun – La proposition de la Commission européenne rencontre une forte opposition dans la majorité des Etats membres d'Europe centrale et orientale
06-05-2016


Un groupe de réfugiés syriens arrivent sur l'île de Lesbos près de Skala Sykaminias, en Grèce, après avoir effectué la traversée à bord d'un canot pneumatique depuis la Turquie.  Photo HCRLa proposition de réforme du régime d'asile commun, présentée par la Commission européenne le 4 mai 2016, a fait l'objet de vives critiques dans la plupart des "nouveaux" Etats membres d'Europe de l'Est. L'extension au système de Dublin du mécanisme de répartition des réfugiés en fonction de quotas nationaux, qui ne serait déclenché que dans des situations de crise, et l'idée d'introduire une amende de 250 000 euros par réfugié, pour les pays récalcitrants à ce nouveau système, attisent leurs critiques.

Le groupe de Višegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie) reste hostile aux quotas

Le groupe de Višegrad, rejoint alors par la Roumanie, avait déjà rejeté le principe des quotas obligatoires de réfugiés, en septembre 2015 dans le cadre des discussions sur la proposition de la Commission européenne de relocalisation d'urgence de 120 000 personnes. Huit mois plus tard, leur opposition aux quotas est toujours d'actualité.

A l'issue d'une réunion à Prague du groupe de Višegrad avec leurs homologues des pays du Partenariat oriental, le chef de la diplomatie hongroise Peter Szijjarto a qualifié de "chantage" la proposition de la Commission. "Le concept des quotas est une impasse", a-t-il fait savoir, selon des propos rapportés par l'AFP. "C'est contraire au bon sens, c'est inapplicable et c'est contre les régulations européennes." Son Premier ministre, Viktor Orbán, a comparé la proposition de la Commission à "un coup de poing dans l'estomac", rapporte l'agence dpa. Pour le montant de la sanction financière envisagée, "un Hongrois au salaire moyen doit travailler 39 ans", a-t-il ajouté, condamnant un "mépris pour les pays plus pauvres".

La Slovaquie qui, en octobre 2015, avec la Hongrie, a déposé plainte auprès de la Cour de justice de l'Union européenne contre les quotas de répartition obligatoires, a manifesté son opposition au nouveau projet par le biais de son ministre de l'Intérieur, Robert Kaliňák : "Je vous dis très directement que la Slovaquie ne soutiendra pas la proposition, mais nous aspirons toujours à avoir le plus large nombre de pays à la recherche de solutions raisonnables", a-t-il déclaré selon des propos rapportés par la magazine en ligne, Transitions online.

Pour la Pologne, le ministre des Affaires étrangères, Witold Waszczykowski a déclaré qu'il "se demandait encore si cette proposition est sérieuse, car elle ressemble à un poisson d'avril", selon l'agence dpa. "C'est un mauvais système… Il n'a aucun sens et viole les droits des Etats membres de l'UE”, a déclaré le ministre de l'Intérieur, Mariusz Blaszczak, d'après Transitions online.

"Le principe de la répartition obligatoire de migrants revient, mais c'est quelque chose sur quoi il n'y a pas d'accord.  (…) Mettre sur la table quelque chose qui nous sépare, n'aide personne", a déclaré, selon la dpa, le chef de la diplomatie tchèque Lubomir Zaoralek. "Depuis longtemps, la République tchèque a souligné que des quotas obligatoires n'ont pas de sens et ne contribuent pas à résoudre la crise des réfugiés. L'année passée a démontré que nous avions raison", a déclaré son Premier ministre, Bohuslav Sobotka.

Des Etats baltes hostiles, au contraire de la Bulgarie qui appelle à la solidarité des pays d'Europe de l'Est

La Lettonie et l'Estonie refusent également les propositions de la Commission européenne, a fait savoir là aussi l'agence dpa. La répartition de réfugiés devrait reposer sur le principe du volontariat, pour le chef de gouvernement letton, Maris Kucinskis, tandis que le ministre estonien de l'Intérieur, s'oppose à tout paiement compensatoire.

Toujours selon la dpa, la présidente lituanienne, Dalia Grybauskaite, a dénoncé les "mesures coercitives" de la Commission qui ne contribuent ni à l'unité de l'UE, ni à la résolution de la crise. "Ni des quotas coercitifs, ni des sanctions financières n'arrêteront les afflux de réfugiés", a-t-elle jugé. "Un mécanisme automatique de répartition des réfugiés sera une invitation aux migrants à venir en Europe, sans restriction. Cela n'aidera pas à protéger les frontières extérieures de l'UE", pense-t-elle au contraire, faisant savoir que la Lituanie continuera à démontrer sa solidarité sur une base volontaire.

Ainsi, au moins sept Etats membres de l'UE ont manifesté ouvertement leur opposition à la proposition de la Commission. Ils cumulent ensemble 73 voix au Conseil de l'UE.

De son côté, la Bulgarie se distingue en appelant les autres pays d'Europe de l'Est à plus de  "solidarité". Pour le Premier ministre bulgare Boïko Borissov, selon des propos rapportés cette fois par l'AFP, la solidarité ne peut pas s'effectuer à sens unique pour "les pays qui, comme nous, comptent sur la solidarité européenne" en matière de fonds structurels. Quand les pays les plus riches "ont un problème parce que le flux migratoire se dirige chez eux, nous aussi devons faire preuve de solidarité et d'entraide", a-t-il dit, en rappelant sa volonté de respecter le quota d'accueil de 1 200 migrants attribué à son pays. Néanmoins, sur l'amende envisagée, Boïko Borissov, s'est montré plus sceptique : "Au lieu de lancer des anathèmes pour dire qu'il y aura des amendes ou autre chose pour ceux qui n'acceptent pas de migrants, il est grand temps que nous trouvions des mécanismes pratiques de travail".

A l'issue du Conseil JAI du 22 avril 2016 où de semblables oppositions s'étaient déjà exprimées, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, avait jugé sévèrement "ces pays qui ne veulent rien savoir d'une réforme de Dublin ni accueillir des réfugiés". "C'est à se demander si certains pays savent encore ce que c'est d'être membre de ce club, je ne veux même pas parler d'union, car ils ne font preuve d'aucun sentiment d'appartenance à une communauté", avait-il déploré.