Le 18 mai 2016, la Commission européenne a publié ses recommandations par pays. Présentées dans le cadre du semestre européen, ces recommandations se concentrent sur les objectifs qui peuvent raisonnablement être atteints dans les 12 à 18 mois qui suivent leur publication pour rendre la croissance plus vigoureuse, plus durable et plus inclusive, conformément à la stratégie à long terme de l'UE pour la croissance et l'emploi, Europe 2020. Elles devront être examinées par le Conseil et approuvées par les dirigeants de l'UE au Conseil européen, puis adoptées formellement par les ministres des Finances de l'UE.
Dans son examen annuel de la croissance présenté le 26 novembre 2015, la Commission avait déjà fait connaître ses priorités en la matière en reconduisant les trois piliers déjà identifiés dans le cadre de l'Examen annuel de la croissance de l'année précédente, à savoir : la relance des investissements, la poursuite des réformes structurelles et la mise en place de politiques budgétaires responsables. En complément des efforts à réaliser au niveau européen, il y a encore ceux identifiés dans la recommandation pour la politique économique de la zone euro présentée le 26 novembre également.
Les recommandations reflètent la volonté de la Commission de rendre plus efficace et pertinent le Semestre européen, telle qu'annoncée le 28 novembre 2014, mise en œuvre au début de 2015 et confirmée dans la communication de la Commission d'octobre 2015 relative aux mesures à prendre pour compléter l'Union économique et monétaire.
La Commission signale qu'elle présente moins de recommandations en se concentrant sur les priorités sociales et économiques identifiées dans l'Examen annuel de la Croissance. "Afin de renforcer l'adhésion nationale, elle a prévu plus de temps et aménagé davantage d'occasions pour travailler et communiquer avec les États membres et les parties prenantes à tous les niveaux. Elle a aussi porté une plus grande attention aux difficultés de la zone euro et à l'interdépendance entre les économies, conformément à la recommandation pour la politique économique de la zone euro", fait-elle savoir dans son communiqué de presse.
Dans son communiqué de presse, la Commission européenne souligne que les facteurs externes qui sous-tendent la légère reprise en Europe identifiée lors des prévisions de printemps "s'amenuisent". De ce fait, les sources de croissance internes sont d'autant plus importantes. Si les investissements restent faibles par rapport aux niveaux d'avant la crise, ils sont en augmentation, notamment grâce au plan Juncker. Parallèlement, "les réformes structurelles doivent progresser plus rapidement afin de stimuler la relance et de renforcer le potentiel de croissance à long terme des économies de l'Union", prévient-elle. Ainsi, tous les États membres devraient mener des politiques budgétaires responsables et veiller à ce que leurs budgets favorisent la croissance.
Or, "les Etats membres font des progrès dans leurs réformes et dans la correction des déséquilibres macroéconomiques, mais des efforts sont encore nécessaires pour consolider la reprise européenne", constate-t-elle. Depuis les recommandations de 2015, les progrès les plus importants furent enregistrés dans les services financiers et les politiques actives du marché du travail. Toutefois, "on aurait pu s'attendre à des progrès plus nets dans les réformes visant à établir un cadre réglementaire plus favorable aux entreprises et à l'emploi, à accroître la participation des femmes au marché du travail et à réduire les entraves dans le secteur des services".
La mise en œuvre a davantage progressé dans les États membres présentant des déséquilibres que dans les autres. La Commission pense que c'est "probablement parce que les réformes y sont plus urgentes, que le dialogue politique est plus intense et, dans certains cas, que les marchés exercent une pression plus forte". Dans les pays présentant un niveau élevé de passifs extérieurs, les déficits importants des comptes courants d'avant la crise ont été fortement réduits, certains pays affichant même des excédents. Dans certains États membres, les excédents persistent à un niveau très important. La compétitivité des coûts s'est globalement améliorée et on constate un ajustement structurel dont témoigne un transfert des ressources vers le secteur marchand.
La Commission note également que l'assainissement des bilans est en cours. Dans la plupart des pays, ce désendettement est principalement lié à une réduction des dépenses. Dans certains pays, c'est une croissance soutenue qui a fait baisser le niveau relatif d'endettement.
Par ailleurs, la Commission signale dans son langage particulièrement euphémique que le service d'appui à la réforme structurelle, mis en place en 2015, "facilite déjà la mise en œuvre efficace des réformes", grâce à son expérience à Chypre et en Grèce. Une proposition législative visant à étendre ce service à l'ensemble des États membres en tant qu'instrument de l'UE fait actuellement l'objet de discussions avec les colégislateurs.
Les recommandations devront être examinées et approuvées par les dirigeants de l'UE en juin, puis adoptées formellement par les ministres des Finances de l'UE. En se basant sur son rapport sur le Luxembourg du 26 février 2016, le programme de stabilité et de croissance et le programme national de réformes de fin avril 2016, la Commission a adressé deux recommandations au Luxembourg.
La première est que le Luxembourg devrait assurer la viabilité à long terme de son système de pensions public en limitant davantage les retraites précoces, en liant l'âge légal de départ à la retraite à l'espérance de vie et en prenant des mesures incitant les travailleurs âgés à travailler plus longtemps.
La deuxième recommandation est de lever des obstacles à l'investissement, à l'innovation et au développement des entreprises dans le secteur des services, mais aussi de traiter la question des goulots d'étranglement qui entravent l'investissement dans la construction de logements.
La première recommandation est basée sur l'analyse suivante : La Commission est d'avis que "les engagements liées à l'âge constituent un risque à long terme, notamment en ce qui concerne le coût des pensions". Le Luxembourg n'a selon elle fait que des "progrès limités en ce qui concerne le rapprochement entre l'âge légal et l'âge effectif de départ à la retraite". Elle salue dans ce contexte la loi sur la reclassification des travailleurs qui est entrée en vigueur depuis le début de 2016, mais constate que les départs précoces à la retraite sont encore très répandus, peu étant fait pour garder les travailleurs âgés dans l'emploi, et qu'il n'y pas de stratégie à cet effet. Elle salue le fait que l'évaluation de la réforme des pensions votée en 2012 soit envisagée dès 2016, mais ne distingue pas de volonté pour lier l'âge légal de départ à la retraite à l'espérance de vie, comme elle l'avait déjà recommandé. Partant du scénario plus optimiste du rapport sur le vieillissement dans l'UE de 2015, qui prévoit que le Luxembourg sera en 2060 peuplé par 1,1 million d'habitants, de sorte que les dépenses pour les pensions ne représenteraient plus que 13,4 % du PIB, alors que selon le "Ageing Report" de 2012, le Luxembourg serait peuplé en 2060 par 730 000 habitants et que les dépenses pour les pensions seraient alors de 18,6 % du PIB, la Commission constate que malgré tout, la hausse des dépenses pour les pensions resterait la plus élevée dans l'UE.
La deuxième recommandation part du constat que le plus fort potentiel de diversification de l'économie luxembourgeoise, nécessaire pour prévenir le risque d'une trop forte dépendance du secteur financier, "dépend largement des secteurs qui sont moins sensibles au niveau du coût du travail", des secteurs qui devront donc se baser sur un travail à haute valeur ajoutée. La Commission met en avant le secteur de la recherche et de l'innovation, un secteur à haute intensité technologique et de connaissance, notamment dans le domaine des services non-financiers. Or, c'est ici que le secteur privé est "sous-performant", en dépit d'un secteur public dont l'investissement dépasse la moyenne de l'UE. La Commission met cela en relation avec le fait que "le Luxembourg est le pays avec les règlementations sur les services aux entreprises et sur le commerce au détail les plus restrictives", concernant notamment "la participation au capital, les droits de vote, les limitations multidisciplinaires pour les services aux entreprises ainsi que les conditions opérationnelles et d'établissement dans la vente au détail."
La Commission tance par ailleurs le fait que le fossé entre l'offre et la demande dans le domaine du logement est aggravé par l'insuffisance de terrains à bâtir disponibles et "une performance administrative sous-optimale en ce qui concerne la délivrance de permis de construire". Elle pointe également le fait qu'à cause de la rigidité du système, une grande partie des subventions accordées "sont capitalisées dans les prix des logements". Elle appelle le gouvernement à encourager la construction de logements sociaux à des prix abordables et à tenir compte des projections démographiques du "Ageing Report 2015" pour réduire les entraves aux investissements dans les transports et le logement et lorsqu'il développera les quatre plans sectoriels sur le logement, les zones d'activités économiques et les paysages verts.
La Commission suivra par ailleurs le développement de la réforme fiscale, où elle attache de l'importance à l'élargissement de l'assiette fiscale, tout comme elle suivra l'évolution des salaires. Mais dans la mesure où une indexation des salaires n'a pas eu lieu à cause de la très basse inflation et malgré le fait que le système ait été rétabli et qu'elle constate que dans certains secteurs, les salaires ont évolué plus fortement que la productivité, il n'y a cette fois-ci pas de recommandation sur le système de formation des salaires luxembourgeois que le gouvernement a décidé de ne pas changer.
Dans deux recommandations, l'Allemagne se voit enjointe d'une part de respecter l'objectif budgétaire à moyen terme de 2016 et d'atteindre un ajustement budgétaire annuel de 0,25% du PIB en vue de son objectif budgétaire à moyen terme fixé pour 2017, d'autre part de renforcer la productivité et l'investissement dans le secteur privé en augmentant la concurrence dans le secteur des services publics, plus particulièrement en facilitant l'accès au marché de la construction et dans le commerce de détail.
Pour sa part, la Belgique reçoit pour première recommandation d'atteindre un ajustement budgétaire d'au moins 0,6 % du PIB vers l'objectif budgétaire à moyen terme de 2016 et de 2017. Elle doit également mener à bien la réforme de la loi de 1996 sur la compétitivité et l'emploi en consultation avec les partenaires sociaux, assurer que les salaires évoluent en ligne avec la productivité et garantir l'efficacité des politiques d'activation sur le marché du travail. Enfin, elle est tenue de renforcer la capacité d'innovation et d'augmenter la compétition dans le secteur des services aux entreprises et dans le commerce de détail.
La France est tenue d'assurer une correction durable du déficit excessif en 2017 par des réformes structurelles et, en allouant toute recette supplémentaire à la réduction du déficit et de la dette, d'augmenter les efforts d'économie dans les dépenses et d'assurer la réduction des coûts du travail et des développements du salaire minimum cohérents avec la création d'emplois et la compétitivité. Ensuite, elle doit réformer la législation du travail pour fournir davantage d'incitations aux employeurs pour embaucher en CDI. Elle doit améliorer les liens entre le secteur éducatif et le marché du travail et réviser dans le même temps le système d'indemnisation du chômage. La France est tenue également d'éliminer les obstacles à l'activité dans les secteurs des services et de réduire la fiscalité sur la production et le taux d'imposition des entreprises tout en élargissant la base fiscale sur la consommation.
Le Portugal se voit assigner l'objectif d'atteindre une correction durable du déficit en 2016, en réduisant le déficit de l'administration centrale à 2,3 % du PIB, et en réalisant un ajustement budgétaire annuel d'au moins 0,6 % du PIB en 2017. En accord avec les partenaires sociaux, il doit assurer un niveau de salaire minimum conforme avec les objectifs de soutien de l'emploi et de compétitivité. Il doit entre autres veiller à l'activation réelle des chômeurs de longue durée et encourager les entreprises à embaucher par des contrats permanents. Ensuite, des mesures pour faciliter l'assainissement des bilans des établissements de crédit doivent être prises tandis que, pour finir, la transparence et l'efficacité des commandes publiques en ce qui concerne les partenariats entre les secteurs public et privé (PPP) doivent être augmentées, les procédures administratives et d'octroi de licences améliorées.
La Commission a également pris un certain nombre de mesures dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance. Premièrement, sur la base des données les plus récentes, la Commission européenne recommande au Conseil de clôturer la procédure pour déficit excessif (PDE) menée à l'égard de Chypre, de l'Irlande et de la Slovénie, étant donné que ces pays ont ramené en 2015 leur déficit sous la barre des 3 % du PIB, valeur prévue par le traité, et que cette correction devrait s'inscrire dans la durée. Cela signifie que leur déficit devrait rester inférieur au seuil de 3 % du PIB en 2016 et 2017. Si le Conseil en décide ainsi, le nombre total d'États membres faisant l'objet d'une PDE serait réduit à six pays (Croatie, Espagne, France, Grèce, Portugal et Royaume-Uni), contre 24 au printemps 2011.
Deuxièmement, la Commission a adopté des rapports sur la Belgique, l'Italie et la Finlande, en application de l'article 126, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dans lesquels elle examine leur respect du critère de la dette prévu par le traité. Bien que ces pays semblent être en situation non conforme quant à la valeur de référence relative à la dette et au rythme de réduction de référence pour atteindre cette valeur, les rapports indiquent, après analyse des facteurs pertinents, qu'il convient de considérer que le pacte de stabilité et de croissance est actuellement respecté.
En ce qui concerne le Portugal et l'Espagne, la Commission recommande au Conseil de recommander une correction durable du déficit excessif, respectivement en 2016 et 2017, obtenue en prenant les mesures structurelles nécessaires et en consacrant toutes les recettes imprévues à la réduction du déficit et de la dette. Conformément à l'article 126 du traité, qui charge la Commission de surveiller la mise en œuvre de la procédure pour déficit excessif, la Commission examinera à nouveau la situation de ces deux États membres au début du mois de juillet.
Enfin, la Commission a lancé une dernière consultation auprès des États membres qui sont parties contractantes au pacte budgétaire, afin de s'informer des progrès accomplis dans la mise en œuvre des dispositions du pacte budgétaire dans leur législation nationale.