L'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes est devenue une réalité le 6 octobre 2016. Sa création avait été proposée le 15 décembre 2015 par la Commission européenne, à la suite des drames survenus en Méditerranée, notammenten février 2015 et de la pression exercée par les flux migratoires sur la Grèce, l'Italie ou encore la Bulgarie, qui avaient mis en lumière l'insuffisance des moyens de l' Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (Frontex).
A la différence de l'Agence Frontex, à laquelle elle succède, l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes disposera de son propre personnel opérationnel, de son propre budget et pourra mener ses propres opérations de retour ou de gestion des frontières sans avoir été préalablement sollicitée par un État membre.
"À compter de ce jour, la frontière extérieure de l'UE de l'un de nos États membres est la frontière extérieure de tous les États membres – tant du point de vue juridique que du point de vue opérationnel. (…) C'est exactement la réponse européenne dont nous avons besoin pour faire face aux défis qui se posent en matière de sécurité et de migration au XXIe siècle", a déclaré dans ce contexte, le commissaire pour la migration, les affaires intérieures et la citoyenneté, M. Dimitris Avramopoulos, dans un communiqué de presse.
L'Agence, dont la création fut adoptée par le Parlement européen le 6 juillet 2016, doit répondre aux nouveaux défis dans les domaines de la migration et de la sécurité intérieure. Elle contribuera au respect de l'engagement pris par l'Europe de revenir à une situation caractérisée par le fonctionnement normal de l'espace Schengen et la levée des contrôles temporaires aux frontières intérieures (rétablis notamment par l'Allemagne, l'Autriche et la Suède) d'ici la fin de 2016, ainsi que l'avait souhaité la Commission européenne dans une feuille de route présentée le 4 mars 2016 et intitulée "Revenir à l'esprit de Schengen". Les Etats membres et Etats associés de l'espace Schengen, soit trente au total, sont impliqués dans cette Agence qui ne pourra intervenir qu'aux frontières extérieures de ces pays.
La nouvelle agence veillera à ce que les normes de l'Union relatives à la gestion des frontières soient appliquées à toutes les frontières extérieures. Ces dernières feront l'objet d'une surveillance constante, d'analyses des risques régulières et d'évaluations de la vulnérabilité obligatoires afin que les éventuelles faiblesses soient repérées et corrigées. Des agents de liaison seront détachés dans les États membres dont les frontières sont exposées à des risques et relayeront les informations à l'agence.
Une évaluation de vulnérabilité sera conduite une fois par an dans chaque Etat membre, pour anticiper toute crise. Les premières commenceront au premier trimestre 2017. L'Agence récoltera des informations spécifiques sur les capacités présentes et à venir des Etats membres à contrôler leurs frontières, lesquelles s'ajouteront aux informations fournies par EUROSUR et le mécanisme d'évaluation de Schengen. L'Agence pourra, le cas échéant, recommander des mesures correctives aux Etats membres. En cas d'inaction de ces derniers, un délai de transposition sera imposé. Dans les cas extrêmes où le système de contrôle est "inefficace au point de compromettre l'espace Schengen", le Conseil, sur proposition de la Commission, pourra décider d'une intervention directe, en demandant à l'Etat membre de coopérer avec l'Agence.
Par rapport aux effectifs de Frontex à laquelle elle succède, l'Agence verra ses effectifs statutaires plus que doubler. Ses effectifs passeront de 417 membres en 2016 à un millier en 2020. Actuellement, Frontex déploie également 667 agents mis à disposition par les Etats membres en Grèce, 523 agents en Italie, 105 en Espagne, 192 en Bulgarie et 152 agents dans les Balkans occidentaux, en tout presque 1 500 agents.
La nouvelle agence sera dotée de moyens financiers importants qui progresseront de 238 millions d'euros pour 2016 à 281 millions en 2017 et 322 millions en 2020, quand tout le personnel supplémentaire sera engagé.
L'Agence sera ainsi en mesure d'acquérir seule ou en partenariat avec des Etats membres, ses propres équipements techniques et de les déployer à tout moment lors d'opérations aux frontières.
Si elle n'aura pas ses propres garde-frontières, elle pourra faire appel à une réserve d'intervention rapide de 1 500 garde-frontières désignés par les États membres. Le Luxembourg contribuera à cette réserve en fournissant huit garde-frontières. Cette réserve d'intervention rapide et le parc d'équipements techniques seront opérationnels le 7 décembre 2017.
La prévention de la criminalité transfrontière constituera "une mission prioritaire" de l'agence. Celle-ci pourra traiter les données caractère personnel de personnes soupçonnées d'être impliquées dans des activités criminelles, telles que le trafic de migrants, le terrorisme ou la traite d'êtres humains, ainsi que les données à caractère personnel de migrants en situation irrégulière recueillies par les agents déployés par l'agence. Elle aura également la faculté de collecter des informations telles que les numéros de plaques d'immatriculation, les numéros d'identification des véhicules, les numéros de téléphone ou numéros d'identification des navires nécessaires à l'analyse des routes migratoires et des méthodes utilisées dans différentes formes de criminalité transfrontière. Elle partagera ces informations avec les autorités des États membres de l'UE et Europol, ce qui leur permettra d'ouvrir des enquêtes si nécessaire.
L'Agence renforcera les capacités des Etats membres de contrôle par des actions communes et des interventions rapides. Ces interventions pourront être déclenchées dans le cas où un État membre est confronté à des pressions accrues sur sa frontière extérieure, comme une pression migratoire ou une criminalité transfrontalière disproportionnées. Cela peut intervenir :
L'agence jouera un rôle en matière de départs volontaires et se verra également confier davantage de tâches techniques et opérationnelles dans l'organisation des opérations de retour menées à partir du territoire de l'UE, à la demande d'États membres ou de sa propre initiative, en collaboration avec les pays tiers concernés.
A partir de janvier 2017, des équipes européennes d'intervention, composées d'escortes, de moniteurs et de spécialistes du retour formés par l'Agence et déployés à partir de pools européens communs, pourraient rapidement être déployées, sur demande d'un Etat membre ou de l'Agence, pour aider des Etats membres faisant face à une pression particulières. Les Etats membres resteront toutefois responsables de leur politique de retour et du choix à qui accorder l'asile.
L'agence aura également pour nouvelle mission d'envoyer des agents de liaison dans des pays voisins et de lancer, avec ceux-ci, des opérations conjointes. Elle assumera une mission de formation des garde-frontières et garde-côtes de l'UE, ainsi que des experts qui devront mener les évaluations de vulnérabilité. Elle assistera les Etats membres et la Commission dans l'identification des technologies de protection des frontières, de même qu'elle façonnera et mettra en œuvre les programmes-cadres européens pour la recherche et l'innovation dans le domaine de la sécurité des frontières.
A noter que l'action de l'Agence européenne des garde-frontières et des garde-côtes disposera d'une stratégie pour l'application des droits de l'homme, impliquant une procédure de recours auprès de l'Agence contre le traitement infligé.