Le 3 octobre 2016 a eu lieu à Schengen un sommet Benelux présidé par le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel auquel ont participé le Premier ministre des Pays-Bas, Mark Rutte, et le Premier ministre de Belgique, Charles Michel. À l’ordre du jour figuraient des sujets européens, dont avant tout le suivi de la réunion informelle des 27 chefs d'Etat ou de gouvernement à Bratislava du 16 septembre 2016.
Dans un communiqué conjoint, les trois chefs de gouvernement ont résumé leur vision de l’Etat de l’Union européenne après la réunion de Bratislava.
Les chefs de gouvernement du Benelux sont ainsi d’accord pour mettre en avant qu’il "est important que l’UE réponde de manière plus active aux demandes et aux préoccupations des citoyens". Pour eux, tant les gouvernements des Etats membres que les institutions de l’UE doivent "regagner la confiance en se concentrant mieux sur leurs tâches essentielles, en atteignant de meilleurs résultats dans leurs politiques, en appliquant les mêmes règles à tous et en impliquant plus les parlements nationaux".
Dans leur communiqué, les trois Premiers ministres insistent sur leur engagement en faveur des valeurs de l’Union européenne, qu’ils qualifient d’ "épine dorsale de l’UE" et de "non-négociables". Partant de là, ils veulent que "le dialogue politique au sein du Conseil et la promotion et le respect de l’Etat de droit au sein de l’UE soient renforcés", une façon discrète d’exprimer leur préoccupation par rapport à ce qui se passe dans certains Etats membres qui ont déjà été l’objet de procédures dans ce domaine, comme la Hongrie ou la Pologne, et alors que leurs ministres des Affaires étrangères participaient en même temps à Rome à une réunion des "Amis de l’Etat de droit". De la même manière discrète et diplomatique, ils souhaitent à la fois une meilleure règlementation en Europe et "des Etats membres forts qui respectent leurs responsabilités européennes".
Les leaders du Benelux énoncent dans leur communiqué quatre principes communs sur la gouvernance de l’UE.
Le premier est que l’UE devrait "se concentrer sur les domaines où la coopération européenne apporte une plus-value claire et nette".
Le deuxième est adressé sans le nommer au groupe de Višegrad, dont les quatre pays contestent les décisions sur la relocalisation de réfugiés de septembre 2015 : "Quand des accords ont été conclus au niveau européen, y compris avec une majorité qualifiée, ils devraient être mis en œuvre de manière effective et égale par tous les Etats membres. Respecter des accords est essentiel pour préserver la confiance et le fonctionnement de l’UE."
Dans un troisième temps, les pays du Benelux soulignent que l’acquis communautaire ne peut être durable sans qu’il n’y ait un système de mise en œuvre neutre, robuste et indépendant dont la Commission et la Cour de Justice de l’UE sont les piliers fondamentaux.
Finalement, la valeur des principes de subsidiarité et de proportionnalité est mise en avant.
Les trois chefs de gouvernement ont ensuite envisagé les prochaines mesures à prendre dans les domaines de la migration et de l’asile, de la sécurité intérieure et extérieure ainsi que de la croissance et de l’emploi et sur la promotion des quelles ils voudraient coopérer au sein de l’UE.
Pour les pays du Benelux, le contrôle plein et entier des frontières extérieures et la réduction du flux de migrants vers l’UE sont tributaires d’une "solidarité inconditionnelle" et de "la mise en œuvre des décisions adoptées", de nouveau un message indirect adressé à leurs pairs qui prônent "la solidarité flexible". Ils mettent en avant leur coopération dans le domaine des reconduites de migrants illégaux et de réadmission et saluent le projet de la Commission de réformer le régime d’asile européen commun (RAEC) qui a été à peine mis en œuvre.
En matière de sécurité intérieure et extérieure, le Benelux prône "l’adoption rapide d’une nouvelle stratégie globale de l’UE" qui servirait de cadre conceptuel à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Ils sont ici en ligne avec la déclaration de Bratislava.
En mettant l’accent sur le concept de "relance de l’économie sociale de marché" aux niveaux nationaux et européen, une tradition selon eux "érodée par les effets de l’évolution globale et les crises économiques et financières", en prônant l’équilibre entre croissance et équité, les Premiers ministres du Benelux se distinguent en revanche d’une grande partie de leurs pairs. Et ils enfoncent le clou lorsqu’ils plaident pour "le respect des normes sociales nationales et un même salaire pour un même travail en un même lieu" et "la fin du dumping social entre Etats membres", une façon discrète de se distancier là aussi sans le dire clairement de onze Etats membres, dont ceux du groupe de Višegrad, qui rejettent la proposition de refonte de la directive Détachement des travailleurs de la Commission européenne.
Les autres points sur lesquels ils sont d’accord en matière de croissance et d’emploi correspondent au canon de l’UE depuis le début de la décennie : réformes structurelles et discipline budgétaire dans la zone euro, approfondissement de l’UEM, augmentation du niveau d’investissement en accord avec le Pacte de stabilité et de croissance, diversification des sources de financement des entreprises à travers l’Union des capitaux qui doit encore être réalisée, renforcement de la compétitivité en accord avec les normes environnementales, marché unique numérique, etc.. Sur ce dernier point, les Premiers ministres ont publié une déclaration sur le "Benelux numérique" où ils affichent "l'ambition et le potentiel de nos trois pays d’être des pionniers dans le monde numérique et de remplir un rôle de modèle dans les avancées du marché unique numérique au sein de l'Union européenne".