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Traités et Affaires institutionnelles
Sommet de Bratislava - Une déclaration, une feuille de route, l’unité affichée entre la France et l’Allemagne alors que l’Italie prend ses distances et une déclaration commune du groupe de Višegrad qui veut peser sur l’avenir de l’UE
16-09-2016


Les dirigeants des 27 réunis à Bratislava le 16 septembre 2016  © Union européenneLe 16 septembre 2016, 27 chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE se sont réunis à Bratislava pour un sommet informel convoqué avec l’objectif de mener une "analyse commune de l'état actuel de l'Union européenne" et un "examen de notre avenir commun" à "un moment critique pour notre projet européen", à savoir après le référendum au Royaume-Uni sur le Brexit.

La déclaration de Bratislava : paix, démocratie, prospérité et sécurité

A l’issue d’une longue journée de discussions, les 27 dirigeants ont adopté une déclaration dans laquelle ils réaffirment que, "bien qu'un pays ait décidé de la quitter, l'UE demeure indispensable au reste d'entre nous". "Paix", "démocratie" et "prospérité" sont invoquées comme fondements d’une "histoire commune". Et, face au constat que "l'UE n'est pas parfaite mais c'est le meilleur instrument dont nous disposons pour relever les nouveaux défis auxquels nous sommes confrontés", la déclaration ajoute à ces trois concepts fondateurs celui de "sécurité".

Les chefs d’Etat et de gouvernement insistent aussi sur la nécessité de "mieux communiquer les uns avec les autres (…) mais aussi, et c'est le plus important, avec nos citoyens". "Nous devrions apporter plus de clarté à nos décisions. Utiliser un langage clair et honnête. Nous concentrer sur les attentes des citoyens, en ayant réellement le courage de nous élever contre les solutions simplistes des forces politiques extrémistes ou populistes", affirment les 27 qui s’engagent "à offrir à nos citoyens, au cours des prochains mois, une vision d'une UE attrayante, à même de susciter leur confiance et leur soutien".

Pour ce faire, ils ont discuté des grandes priorités des mois à venir et élaboré un programme de travail intitulé "la feuille de route de Bratislava". "Bratislava est le début d'un processus", qui va se poursuivre au fil des réunions formelles du Conseil européen. En parallèle, les chefs des 27 se réuniront à nouveau de façon informelle au début de 2017 à La Valette dans la perspective de clôturer le processus lancé à Bratislava et de fixer des orientations pour un avenir commun lors des célébrations du 60e anniversaire des traités de Rome, en mars 2017.

La feuille de route de Bratislava

Cette feuille de route revient sur les "défis communs" évoqués dans la déclaration et formulés en amont du sommet par le président du Conseil européen, Donald Tusk. "Les citoyens sont préoccupés par une impression d'absence de contrôle et par les craintes liées aux migrations, au terrorisme et à l'insécurité économique et sociale", est-il écrit dans une formule qui semble acter un lien entre migrations et terrorisme que l’on retrouve habituellement plutôt dans la rhétorique populiste d’extrême-droite que dans l’enceinte des Conseils européens.

Le souci d’afficher leur détermination "à trouver des solutions communes également en ce qui concerne les questions sur lesquelles nous sommes divisés" est expliqué par la nécessité "de faire preuve d'unité et d'exercer le contrôle politique sur l'évolution de la situation afin de construire notre avenir commun".

En matière de migrations et frontières extérieures, premier chapitre de cette feuille de route, l’objectif affiché est de "ne jamais permettre que se reproduisent les flux incontrôlés que nous avons connus l'année dernière et réduire encore le nombre de migrants en situation irrégulière", d’assurer "un contrôle total de nos frontières extérieures" et de "revenir à Schengen". Il s’agit enfin d’élargir "le consensus de l'UE sur la politique migratoire à long terme" et d’appliquer "les principes de responsabilité et de solidarité". 

Les mesures concrètes listées pour parvenir à cet objectif sont axées sur la mise en œuvre de décisions antérieures, à savoir la déclaration UE-Turquie et le soutien des pays des Balkans occidentaux, la pleine capacité de réaction rapide du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes avant la fin de l’année, ainsi que sur la conclusion de "pactes pour les migrations en vue d'une coopération et d'un dialogue avec les pays tiers pour réduire les flux de migration illégale et accroître les taux de retour". Ce qui est nouveau, c’est "l’assistance immédiate" à laquelle se sont engagés plusieurs Etats membres pour  "renforcer la protection de la frontière que la Bulgarie partage avec la Turquie", et, plus largement, pour soutenir les autres États situés en première ligne. Enfin, il est question de poursuivre "les efforts visant à élargir le consensus de l'UE en ce qui concerne la politique migratoire à long terme, y compris sur la manière d'appliquer les principes de responsabilité et de solidarité à l'avenir", ce qui reste assez flou. On peut aussi noter qu’aucune mention explicite n’est faite de l’accord trouvé à la majorité qualifiée à l’automne 2015 sur les relocalisations de réfugiés. Il était pourtant encore question d’accélérer sa mise en œuvre dans les conclusions du Conseil européen de juin.

En matière de sécurité intérieure, l’objectif affiché est de "prendre toutes les mesures nécessaires pour aider les États membres à assurer la sécurité intérieure et à lutter contre le terrorisme".

Concrètement, cela passe par l’intensification de la coopération et de l'échange d'informations entre les services de sécurité des États membres, un appel renouvelé de manière récurrente de Conseil en Conseil. Il s’agit aussi d’adopter "les mesures nécessaires pour faire en sorte que toutes les personnes, y compris les ressortissants des États membres de l'UE, qui franchissent les frontières extérieures de l'Union fassent l'objet de vérifications dans les bases de données pertinentes, lesquelles doivent être interconnectées", l’inclusion des ressortissants de l’UE dans ces projets étant un fait nouveau. Les chefs d’Etat et de gouvernement envisagent aussi de "commencer à mettre en place un système d'information et d'autorisation concernant les voyages (ETIAS) qui permette de réaliser des contrôles anticipés et, le cas échéant, de refuser l'entrée aux voyageurs exemptés de l'obligation de visa", un sujet sur lequel est en train de plancher la Commission et qui fera l’objet d’une proposition législative d’ici novembre 2016. Enfin, les 27 s’entendent pour "déployer des efforts systématiques contre la radicalisation, notamment par des expulsions et des interdictions d'entrée, lorsque cela est justifié, et apporter un soutien de l'UE aux actions menées par les États membres dans le domaine de la prévention". Il est intéressant de relever que la prévention semble là reléguée au second plan.

En matière de sécurité extérieure et défense, l’objectif affiché est de "renforcer la coopération de l'UE en matière de sécurité extérieure et de défense" dans un environnement géopolitique qualifié de "difficile". Concrètement, les 27 envisagent de prendre, lors du Conseil européen de décembre, une décision relative à un plan de mise en œuvre concret portant sur la sécurité et la défense et aux moyens de mieux tirer parti des possibilités qu'offrent les traités, en particulier en ce qui concerne les capacités. Ils veulent aussi "commencer immédiatement à mettre en œuvre la déclaration commune UE-OTAN".

Le dernier chapitre de la feuille de route porte sur le développement économique et social et la jeunesse, l’objectif affiché étant de "construire un avenir économique prometteur pour tous, préserver notre mode de vie et offrir de meilleures perspectives aux jeunes". En pratique, les chefs d’Etat et de gouvernement prévoit de prendre une décision sur l'extension du Fonds européen pour les investissements stratégiques, le fameux plan Juncker, en décembre, en fonction de l’évaluation qui aura été faite. Pour rappel, une des propositions phares avancées par Jean-Claude Juncker lors de son discours sur l’état de l’Union consistait à doubler la durée et la capacité financière de l’EFSI. La feuille de route prévoit aussi de faire le point sur les progrès réalisés en ce qui concerne les différentes stratégies pour le marché unique (y compris le marché unique numérique, l'union des marchés des capitaux et l'union de l'énergie) lors du Conseil européen du printemps 2017. Il est aussi prévu d’examiner "les moyens de mettre en place une politique commerciale robuste qui tire parti de marchés ouverts tout en tenant compte des préoccupations des citoyens" lors du Conseil européen d'octobre. Sur ce point, on peut imaginer que les thèses avancées par Tusk en amont de la réunion auront été nuancées au cours de la réunion par certains chefs d’Etat et de gouvernement conscients des inquiétudes que suscitent les accords de libre-échange comme le TTIP ou le CETA au sein de la société civile. Enfin, les 27 prévoient de prendre des décisions sur un soutien de l'UE destiné à aider les États membres à lutter contre le chômage des jeunes et sur des programmes renforcés de l'UE en faveur de la jeunesse en décembre.

Xavier Bettel estime que la feuille de route de Bratislava est une étape positive qui va dans la bonne direction

Xavier Bettel en discussion avec François Hollande et Charles Michel lors du Sommet de Bratislava le 16 septembre 2016  © Présidence de la République - F. LafiteDans une interview qu’il a donnée sur RTL, le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel a déclaré que le message principal de la rencontre de Bratislava était que l’UE ne représente clairement pas un problème pour l’Europe, mais une solution à ses problèmes, et "nous continuerons donc à travailler ensemble pour trouver des solutions". Pour lui, "les citoyens sont préoccupés, le message du 23 juin (l’issue du référendum au Royaume-Uni, ndlr) est clairement arrivé à ses destinataires, nous ne pouvons pas faire comme si tout se passait bien".

Xavier Bettel a évoqué parmi les problèmes principaux à régler la sécurité intérieure et extérieure, la protection des frontières qui ne fonctionne pas bien, la nécessité d’aider la Bulgarie qui a demandé de l’aide, de contrôler les flux de migrants aux frontières de l’UE, afin de pouvoir aider les personnes qui ont vraiment besoin de la protection internationale puissent l’être, et que celles qui n’y auront pas droit ne prennent pas la place de celles qui ont vraiment besoin d’un statut. "Pour que Schengen puisse fonctionner correctement, nous devons contrôler les frontières externes et endiguer la migration irrégulière", est-il cité dans un communiqué du gouvernement luxembourgeois, où il précise: "Il est essentiel de trouver un juste équilibre entre le besoin de liberté et le besoin de sécurité de même qu’entre le besoin d’ouverture et de protection des frontières." Selon le Premier ministre, il faudra "mieux protéger les frontières externes dans le respect de nos valeurs européennes".

Parmi les autres questions que le Premier ministre a mises en exergue, figurent le chômage, et surtout une politique de l’emploi en faveur des jeunes, l’agenda numérique de l’UE qui se heurte au fait qu’il y a toujours 28 législations nationales pour 28 Etats membres, les investissements dans les pays de l’UE. Somme toute, Xavier Bettel estime que la feuille de route de Bratislava est une étape positive qui va dans la bonne direction.    

Au sujet de l’intention du Royaume-Uni de sortir de l’Union européennes, les dirigeants ont réitéré que les négociations ne devront commencer qu’après que le Royaume-Uni aura invoqué l’article 50, une position que le Luxembourg défend fermement. "Nous devons maintenir les meilleures relations possibles avec le Royaume-Uni" a estimé Xavier Bettel, tout en précisant qu’ "il faudra insister sur un maintien de l’équilibre entre droits et obligations de même que sur l’indissociabilité des quatre libertés du marché unique", est-il cité dans le communiqué du gouvernement luxembourgeois. Au micro de RTL, il a précisé  qu’il rencontrerait la Première ministre britannique Theresa May la semaine suivante en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, et que son approche persistait à être que "s’il l’on est dehors, on ne peut pas disposer des mêmes avantages que quand on est dedans".

La France et l’Allemagne unies, tandis que l’Italie prend ses distances

Angela Merkel et François Hollande devant la presse à l'issue du sommet de Bratislava le 16 septembre 2016  © Présidence de la République - F. LafiteA l’issue du sommet, la France et l’Allemagne ont tenu une conférence de presse commune pour dire leur confiance et leur engagement dans le processus enclenché. Les deux pays "vont très intensément s'engager dans les prochains mois pour faire de tout ça un succès", a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel. Ils "vont continuer à faire en sorte que l'on puisse délivrer des mesures concrètes", a lui aussi dit le président français, François Hollande.

"L’esprit de Bratislava était un esprit de collaboration", a assuré Angela Merkel, constatant que les chefs d’Etat et de gouvernement, lors de "consultations constructives", "étaient convaincus que nous avons besoin de compromis, des sentiments de solidarité et de collaboration, et que nous travaillons sur la base de valeurs communes." "L'Europe peut et doit avancer dès lors qu'elle a des priorités claires qui correspondent aux attentes des Européens. Ce qu'il faut retenir c'est une volonté", a dit le président français.

Evoquant un plan "qui concerne les soucis, espoirs et souhaits des gens tout en restant réaliste“, Angela Merkel a distingué l’amélioration de la sécurité intérieure et extérieure, et la crise migratoire, comme les priorités des prochains mois. "L’immigration illégale vers l’Europe  doit être stoppée", a-t-elle déclaré, tout en soulignant qu’il fallait combattre "les causes profondes des migrations qui déstabilisent l’Europe". Pour la chancelière allemande, la proposition faite par le groupe de Višegrad d’une „solidarité flexible“, laquelle devrait permettre aux Etats membres de décider des formes de contribution spécifiques tenant compte de leur expérience et de leur potentiel et qui devrait aussi conduire à ce que la participation à tout mécanisme de répartition de réfugiés soit volontaire – voir également ci-dessous – constitue une "démarche positive", mais il faudra toutefois clarifier davantage ce qu’ils entendent par-là, a-t-elle fait savoir, selon des propos rapportés notamment par l’AFP.

Le président français a notamment abordé la relance de la défense européenne, parlant d’une "responsabilité à assumer dans la lutte contre le terrorisme". La France "fait l'effort principal pour la défense européenne", mais "elle ne peut pas être seule", a-t-il dit.

François Hollande a appelé aussi  à renouer le lien "entre les citoyens et l'Europe" et à lutter contre la montée des populismes, en vue notamment des échéances électorales françaises et allemandes de 2017. "L'électeur s'intéresse seulement aux choses qui sont mises en œuvre", a déclaré Angela Merkel à ce sujet. "Pour cela, il faut se mettre d'accord sur les choses que l'on veut faire. Mais si nous ne sommes pas unis sur ce que nous voulons faire, alors nous n’avons aucune chance. C’est pourquoi aujourd'hui était un pas important, mais seulement un pas sur un long chemin ", a-t-elle ajouté.

Initialement, le Premier ministre Italien, Matteo Renzi, devait participer à la conférence de presse conjointe de la France et l’Allemagne, dans la lignée d’une rencontre estivale entre les trois chefs d’Etat qui s’était tenue à Ventotene, en vue de la préparation du sommet de Bratislava. Il y a finalement renoncé pour marquer ses divergences de vue sur l’économie et l’immigration.

Sur ce dernier sujet, le Premier ministre italien a constaté que "la solution retenue au sommet de Malte est restée lettre morte". Lors de ce sommet qui s’est tenu les 11 et 12 novembre 2015 à La Valette, les chefs d'État ou de gouvernement européens et africains s’étaient entendus sur un plan d'action visant notamment à s'attaquer aux causes profondes de la migration irrégulière et des déplacements forcés de population et à intensifier la coopération concernant les migrations et la mobilité légales. "Définir le document d’aujourd’hui sur les migrants comme un pas en avant demande de la fantaisie (…). Y sont redites les choses habituelles et je l’ai dit clairement : on ne peut pas penser qu’en résolvant le problème de la Turquie, on a résolu tout le problème. Nous voulons voir des faits", a poursuivi Matteo Renzi. "Ou l’UE fait des accords avec les pays africains, ou nous les faisons seul. Selon nous, ce serait bien mieux si c’était l’Europe qui intervenait, mais si elle décide que ce n’est pas une priorité,  il faudra que nous intervenions. "

Sur la question économique, l’Italie appelle à la fin de la politique d’austérité et pointe du doigt également la politique économique allemande. "De la même manière que les Etats membres doivent respecter les règles du déficit, d’autres règles doivent être respectées, comme celles sur les excédents commerciaux. Et il y a quelques pays qui ne la respectent pas, le principal pays étant l’Allemagne", a-t-il fait valoir, en référence au dépassement de la limite du volume d’excédents commerciaux de 6 % du PIB. "L’Europe est le plus grand rêve politique qui fut jamais réalisé. Mais après 70 ans de paix, nous voulons que l’Europe nous donne un futur, des valeurs et de l’identité", a par ailleurs déclaré Matteo Renzi.

Les quatre pays du groupe de Višegrad publient leur propre déclaration sur le sommet

Le groupe de Visegrád est un groupe informel réunissant la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la SlovaquieLe sommet de Bratislava a montré que le groupe de Višegrad, qui réunit la République tchèque, la Hongrie, la Pologne et la Slovaquie, se constitue comme une nouvelle force qui veut peser au sein de l’UE. Il a publié à l’issue de la réunion sa propre déclaration, plus longue que la déclaration de Bratislava, et qui en donne une interprétation symbolique et politique particulière. Le groupe de Višegrad interprète dans un effort de symbolisation la réunion comme le lancement du "processus de Bratislava". Son texte s’articule autour des questions du renforcement de la légitimité démocratique, de la valeur de la diversité, de la sécurité, de la migration et du marché intérieur.

Au chapitre du renforcement de la légitimité démocratique de l’UE, et sans jamais nommer la Commission dont il conteste de nombreuses initiatives, le groupe de Višegrad insiste sur "le maintien des principes d’une coopération sincère et de l’équilibre entre les institutions européennes comme définie par les traités", mais met particulièrement en avant le Conseil européen, l’instance intergouvernementale par excellence, "pour donner à l’Union les impulsions nécessaires pour son développement et pour définir ses orientations générales et ses priorités". Ensuite, le texte prône "le renforcement du rôle des parlements nationaux dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité", afin que l’UE légifère seulement s’il y a une vraie valeur ajoutée pour les citoyens.            

Le chapitre sur la "valeur de la diversité" est d’abord un signal discret pour signaler l’opposition des quatre pays aux coopérations renforcées que le Luxembourg, parmi d’autres Etats membres, envisage pour avancer dans l’intégration. Le texte, qui fait l’éloge de la masse d’Etats que l’UE représente,  dit : "L’intégration dans des groupes plus restreints d’Etats membres ne pourra qu’affaiblir l’UE au niveau interne et au niveau global". D’un autre côté, le groupe insiste sur la diversité des Etats membres et sur une mise en œuvre identique de la législation partout dans l’UE. Les seules législations qui pourront derechef passer seront celles "qui permettront à tous les pays de se sentir à l’aise dans l’UE", une manière feutrée de contester le principe de la majorité qualifiée.       

Le chapitre sur la sécurité de la déclaration des pays du groupe de Višegrad est deux plus long que celui de la déclaration de Bratislava. Il insiste sur la mise en œuvre d’engagements  déjà pris, comme le renforcement de la sécurité de Schengen et de la protection des frontières extérieures, notamment par le déploiement opérationnel rapide des garde-côtes et des garde-frontières européens, le renforcement des moyens de Frontex, un meilleur usage des systèmes d’échange d’informations communs, et une "architecture européenne de gestion des données" pour mieux combattre l’immigration illégale, le terrorisme et le crime organisé. Face aux défis géopolitiques, les quatre pays prônent un renforcement de la coopération en matière de défense, mais insistent sur la nécessité d’éviter tout double emploi par rapport à l’OTAN. 

Au chapitre consacré à la migration, les pays du groupe de Višegrad, fondamentalement hostiles aux décisions du Conseil et du Parlement européen prises en matière de relocalisation des réfugiés, au point que la Slovaquie et la Hongrie ont déposé une plainte en octobre 2015 auprès de la Cour de justice de l'Union européenne contre les quotas de répartition obligatoire,  veulent avant tout contribuer à la protection des frontières et aux arrangements avec les pays tiers dont viennent nombre de migrants. Ils mettent en avant un nouveau concept, "la solidarité flexible" qui "devrait permettre aux Etats membres de décider des formes de contribution spécifiques tenant compte de leur expérience et de leur potentiel" et qui devrait aussi conduire à ce que la participation à tout mécanisme de répartition de réfugiés soit volontaire.    

Dans le chapitre sur le marché intérieur, le groupe de Višegrad insiste surtout sur le renforcement des règles qui "éradiquent le protectionnisme au sein de l’UE", là aussi une manière feutrée de dire entre autres leur opposition à la nouvelle proposition de la Commission sur la directive "Détachement des travailleurs" basée sur le principe d’un "salaire égal à travail égal sur le même lieu", parce qu’elle vise indirectement les bas salaires pratiqués par des entreprises de ces pays sur le territoire des Etats membres vers lesquels leurs travailleurs sont détachés.   

L’autre axe est l’insistance sur le respect strict des règles du Pacte de stabilité et de croissance, alors que la Commission, comme en témoigne le discours de Jean-Claude Juncker sur l’état de l’Union du 14 septembre veut  le mettre en œuvre "avec bon sens", voir les raisons de la dette d’un pays et "soutenir les efforts de réforme en cours, au lieu de punir les pays en question".  Une manière de dire que l’Europe centrale n’est pas d’accord avec l’Europe du Sud.

La déclaration de Višegrad dont la Hongrie est partie prenante n’a pas empêché le Premier ministre de ce pays, Viktor Orbán, de parler du sommet informel comme d’un "échec" : "Il a été un échec dans la mesure où nous n’avons pas réussi à changer la politique migratoire de Bruxelles". Il a ajouté : "Dans l’Union, la même politique d’immigration autodestructrice et naïve continuera à dominer", pointant le fait que "même maintenant, on a plus parlé de l’accélération de la répartition des réfugiés que de les arrêter aux frontières extérieures de Schengen".