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Commerce extérieur - Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination
Minerais provenant de zones de conflit – Un nouvel accord en trilogue vient parachever les négociations qui aboutissent à un règlement qui devrait couvrir 95 % des importations d'étain, de tantale, de tungstène et d'or
22-11-2016


mine-bisie-rdcSelon les termes d’un accord conclu entre Conseil, Parlement européen et Commission le 22 novembre 2016, les importateurs européens de minerais provenant de zones de conflit devront procéder à des contrôles de "diligence raisonnable" de leurs fournisseurs à compter de 2021. Les grands fabricants devront également divulguer exactement comment ils ont l’intention de contrôler leurs sources.

Cet accord qui touche 95 % des importations d'étain, de tantale, de tungstène et d'or vient apporter la touche finale à des négociations qui avaient abouti à un premier accord informel à la fin du mois de juin 2016. La Commission européenne avait mis sur la table sa proposition le 5 mars 2014. Le texte prévoyait d’imposer un mécanisme européen de certification volontaire pour les importateurs d'étain, de tantale, de tungstène et d'or qui choisiraient d'en importer dans l'Union de manière responsable. Le régime proposé par le projet de règlement prévoyait également d’imposer aux entreprises européennes qui importent ces métaux et leurs minerais d'exercer un "devoir de diligence" – en d'autres termes, d'éviter de nuire sur le terrain – en supervisant et en administrant leurs achats et leurs ventes conformément aux cinq étapes définies par l’OCDE dans son guide sur le devoir de diligence. Le Parlement européen réuni en plénière avait adopté le 20 mai 2015 sa position sur un texte qui avait fait l’objet de très vifs débats en commission.  De son côté, le Conseil était parvenu à arrêter sa position sur un dossier qui était une des priorités de la présidence luxembourgeoise en décembre 2015.

La commission du commerce international et le Parlement dans son ensemble se prononceront sur l’accord final en début d’année prochaine. Du côté du Conseil, l’accord doit être formalisé au Coreper le 7 décembre prochain.

"Nous avons jeté les bases d’un outil efficace dont le but est de rompre le lien entre les conflits, les violations des droits de l'homme et notre consommation de biens quotidiens", a déclaré Bernd Lange (S&D), président de la commission du commerce international. "Il est grand temps que nous prenions des mesures et que nous arrêtions de fermer les yeux sur le mal que nous causons dans d’autres parties du monde. Le dossier n’est pas encore clos. Le devoir de diligence exige que nous soyons prêts à adapter, si nécessaire, les systèmes que nous mettons en place pour qu’ils soient flexibles et efficaces", a-t-il ajouté.

"Les intérêts des communautés et des citoyens pris dans les zones de guerres et de conflits doivent être notre priorité. Seul un règlement efficace et réaliste peut défendre ces intérêts. Après de longs débats parfois houleux, nous avons atteint notre objectif", a affirmé le rapporteur Iuliu Winkler (PPE). "Le nouveau règlement sur les minerais issus de zones de conflit a le pouvoir d’améliorer la réalité sur le terrain dans les zones de guerre, grâce à l’approche de responsabilité partagée sur laquelle il repose", a-t-il précisé.

Peter Žiga, ministre slovaque en charge du Commerce et président en exercice du Conseil, a salué un règlement qui va mettre en pratique l’engagement de l’UE à renforcer ses efforts pour empêcher les groupes armés d’utiliser le commerce de minerais pour financer leurs activités et propager les conflits, tout en évitant de surcharger de nouvelles formalités administratives les entreprises européennes qui respectent les règles et en garantissant aux citoyens de l’UE que leurs achats n’ont pas d’incidence sur les droits de l’homme dans les zones de conflit.

Cecilia Malmström, membre de la Commission européenne en charge du Commerce, a salué les règles adoptées comme "un immense pas en avant dans nos efforts pour stopper les violations des droits de l’homme et les conflits armés financés par le commerce de minerais". Elle s’est dite convaincue que ces règles auront un impact réel sur le terrain et a fait part de son espoir que ce modèle européen sera un exemple pour d’autres pas.

L’enjeu était de définir quand et comment le règlement devrait s’appliquer aux importateurs européens

Un des enjeux de cette dernière phase dans les négociations en trilogue était de définir quand et comment le règlement devra s’appliquer aux importateurs européens, ainsi que le précise le communiqué de presse de la Commission européenne.

Le règlement est applicable à toutes les zones touchées par les conflits et dites à haut risque dans le monde - la République démocratique du Congo (RDC) et la région des Grands Lacs en sont l'exemple le plus évident. La Commission européenne sélectionnera les experts par le biais d'une procédure d'appel d'offres afin d'établir une liste non exhaustive des domaines et d'autres questions de diligence raisonnable à traiter dans un "manuel pour les opérateurs".  Le pays d’origine n’est pas le seul indicateur: les informations sur le transit ou un fournisseur irresponsable devraient aussi entraîner un contrôle de fond. Les sociétés s’approvisionnant dans des zones qui ne figurent pas sur la liste seront par conséquent responsables de procéder à des vérifications de diligence raisonnable de leurs sources.

Les députés obtiennent des règles sur la diligence raisonnable obligatoire pour les importateurs

Finalement, les députés se félicitent d’avoir "convaincu les ministres de l’UE que des contrôles de diligence raisonnable, menés selon les lignes directrices de l'OCDE, devraient être obligatoires pour les importateurs d'étain, de tungstène, de tantale et d'or et de leurs minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque". La Commission et le Conseil avaient initialement proposé de simples contrôles volontaires. Les autorités dans les États membres de l'UE seront responsables de veiller au respect par les entreprises, mais aussi de déterminer des sanctions en cas de non-respect - ce qui sera surveillé par la Commission européenne.

Pas de contrainte pour les petits importateurs

Les négociateurs, qui visaient une couverture presque complète des minéraux et des métaux importés, ont toutefois convenu que les plus petits importateurs (par exemple les dentistes et bijoutiers) ne devraient pas être tenus de se conformer au système, de manière à éviter des charges administratives déraisonnables. Les métaux recyclés, les stocks européens existants et les sous-produits sont également exclus du règlement.  Sur demande des eurodéputés, l’accord prévoit aussi que la Commission fasse une déclaration garantissant le suivi étroit du marché de l’or et des importations d’or dans l’UE afin de réduire les effets secondaires négatifs.

Divulgation exigée pour les grands fabricants et vendeurs de l'UE

Lors des négociations en juillet, le Parlement avait obtenu que les grandes entreprises européennes qui achètent de l'étain, du tungstène, du tantale ou de l'or - à savoir celles qui sont soumises à la législation de l’UE sur la "publication d'informations non financières" (de plus de 500 employés) - qui fabriquent ou vendent ces produits, soient invitées à communiquer leurs pratiques d'approvisionnement sur base d'une nouvelle série d'indicateurs de performance. De plus, ces entreprises pourront adhérer à un registre européen et présenter volontairement leurs pratiques de "diligence raisonnable".

Des normes strictes

Le règlement stipule que les systèmes de contrôle existants dans le secteur seront utilisés afin d’éviter les doubles charges. Cependant, le Parlement se félicite d’être parvenu à garantir que ces systèmes soient régulièrement contrôlés de sorte que les normes internationales élevées des lignes directrices de l’OCDE soient maintenues.

Clause de révision

L'accord exige également de la Commission qu'elle examine et rende compte au Parlement et au Conseil de l'efficacité de la nouvelle législation deux ans après la date d'application et tous les trois ans par la suite. Cette évaluation couvre à la fois son impact sur le terrain et le respect par les entreprises de l'UE, ainsi que d’éventuelles mesures obligatoires supplémentaires au cas où l’application du devoir de diligence par les entreprises ne serait pas satisfaisante.