Le 13 février 2017, la Commission européenne a présenté ses prévisions économiques d’hiver. "Pour la première fois depuis près de dix ans, les économies de tous les États membres de l'UE devraient croître en 2016, 2017 et 2018", se réjouit-elle dans un communiqué de presse.
Mais la Commission indique dans la foulée, que "les perspectives sont plus incertaines qu'à l'accoutumée". C’est notamment dû à la nouvelle administration américaine qui doit encore clarifier ses intentions dans des domaines clés, aux nombreuses élections qui doivent se tenir en Europe en 2017 (Pays-Bas, Bulgarie, France, Allemagne et peut-être Italie) et aux prochaines négociations avec le Royaume-Uni en vertu de l'article 50. "En ces temps incertains, il est (…) important que les économies européennes demeurent compétitives et capables de s'adapter aux changements de circonstances. Cela demande un effort constant de réforme structurelle", a ainsi mis en garde, le commissaire chargé de l'Euro, Valdis Dombrovskis, soulignant par ailleurs qu’il fallait miser sur une croissance inclusive "pour que la reprise soit ressentie par tous".
"L'économie européenne a démontré qu'elle était capable de résister aux multiples chocs qui se sont produits au cours de l'année passée. La croissance tient bon et le chômage et les déficits s'orientent à la baisse. Pourtant, avec de tels niveaux d'incertitude, il importe plus que jamais que nous utilisions tous les instruments politiques pour soutenir la croissance. Nous devons, avant tout, veiller à ce que ses avantages se fassent sentir dans toutes les régions de la zone euro et dans tous les segments de la société", a déclaré pour sa part le commissaire chargé des affaires économiques et financières, de la fiscalité et des douanes, Pierre Moscovici.
Par rapport à ses prévisions économiques d'automne, publiées le 9 novembre 2016, la Commission a revu légèrement à la hausse ses prévisions de croissance, à la faveur "de résultats meilleurs que prévu au second semestre de 2016 et d'un début 2017 plutôt bon". Elle envisage une poursuite de la hausse du PIB dans la zone euro de 1,6 % en 2017 et de 1,8 % en 2018 , et une hausse de 1,8 % en 2017 et 2018 pour l'Union européenne.
Les différences entre les États demeurent notables. La croissance sera la plus forte en Roumanie (+4,4 % du PIB), au Luxembourg (+ 4 %) et à Malte (+3,7 %). L'Allemagne devrait voir sa croissance progresser de 1,6 %, le Royaume-Uni de 1,5 %, la France de 1,4 %, tandis que l'Italie n'atteindrait que + 0,9 %.
"La croissance devrait continuer à être tirée principalement par la consommation des ménages, soutenue par des améliorations durables de l'emploi et une hausse plus importante des salaires nominaux", souligne la Commission, qui prévient que la croissance de la consommation privée est appelée à ralentir car l'inflation va augmenter et limiter la hausse du pouvoir d'achat des ménages cette année et l'année prochaine.
Par contre, l'investissement n'a pas réellement redémarré, suivant un rythme modéré, stimulé par un certain nombre de facteurs tels que des coûts de financement très faibles et le redressement de l'activité mondiale. Certes, il est prévu que, dans l’ensemble, les investissements augmentent de 2,9 % en 2017 et de 3,4 % en 2018 dans la zone euro (2,9 % et 3,1 % dans l'UE), soit une hausse de 8,2 % depuis le début de la reprise au début de 2013. Toutefois, la part des investissements dans le PIB reste inférieure à ce qu'elle était au tournant du siècle (20 % en 2016 par rapport à 22 % en 2000-2005).
Après avoir enregistré des niveaux très faibles ces deux dernières années, l'inflation devrait désormais s'orienter à la hausse en 2017 et 2018, tout en restant en deçà de l'objectif de taux "inférieurs à, mais proches de 2 % à moyen terme" qui définissent la stabilité des prix. L'inflation sous-jacente, laquelle exclut les prix volatils de l'énergie et des denrées alimentaires, ne devrait augmenter que progressivement. Globalement, l'inflation dans la zone euro devrait passer de 0,2 % en 2016 à 1,7 % en 2017 et à 1,4 % en 2018. Dans l'ensemble de l'UE, les prévisions tablent sur une hausse de l'inflation qui, de 0,3 % en 2016, s'établirait à 1,8 % en 2017 et à 1,7 % en 2018.
Sur le plan des finances publiques, le déficit agrégé et le ratio de la dette continueront de baisser. Au niveau de la zone euro, le déficit agrégé devrait être ramené de 1,7 % à 1,4 % du PIB entre 2016 et 2017, et de 1,9 % à 1,7 % du PIB au niveau de l'UE sur la même période. "Cet allègement s'explique par des dépenses moins importantes au titre des intérêts imputables à des taux d'intérêt exceptionnellement bas", commente la Commission européenne. "Il rend compte également des améliorations sur le marché du travail: le nombre de personnes qui paient des impôts et des cotisations augmente, tandis que celui des bénéficiaires de transferts sociaux diminue."
Des différences persistent selon les Etats membres, entre l’Espagne qui devrait être le seul Etat membre dont le déficit dépassera les 3 % du PIB, avec 3,5 % du PIB en 2017 (contre 4,7% en 2016). Les déficits italien, grec et finlandais devraient stagner à respectivement 2,4 %, 2,3 % et 1,1 %. Seuls quatre pays devraient dégager un excédent budgétaire. Il s’agit de l'Allemagne (+0,4 %), du Luxembourg, des Pays-Bas (+0,2 % pour ces deux derniers) et de la République tchèque (+0,1 %). Le déficit public de la Belgique passerait pour sa part de 2,9 % en 2016 à 2,2 % du PIB en 2017, en Slovaquie. La France devrait, de justesse, réduire son déficit à 2,9 % (3,3 % en 2016).
De semblables écarts se reflètent dans l’endettement des Etats membres. Le ratio de la dette au PIB devrait baisser progressivement pour passer de 91,5 % en 2016 à 90,4 % en 2017 et à 89,2 % en 2018. En 2017, la dette grecque sera toujours la plus élevée de l'UE par rapport au PIB mais elle devrait recommencer à refluer, passant de 179,7 % à 177,2 %. Suivent l'Italie (133,3 %), le Portugal (128,9 %) et Chypre (103,2%). La dette française devrait augmenter de 96,4 % à 96,7 %, et la dette allemande baisser de 68,2 % à 65,5 % du PIB. La situation de l’Italie était particulièrement surveillée. Interrogé sur la perspective de l'ouverture d'une procédure d'infraction à l'encontre de l'Italie pour non-respect du critère de la dette, Pierre Moscovici a indiqué que la récente lettre des autorités italiennes ne contenait pas de mesures suffisamment détaillées pour incorporer leur impact dans ses prévisions économiques, alors que l'Italie a promis d'adopter, d'ici à fin avril, des mesures équivalentes à 0,2% du PIB.
"La reprise économique continue à avoir d'importants effets positifs sur les marchés du travail, après les réformes structurelles de grande ampleur menées dans plusieurs États membres", signale la Commission. Ainsi, l'emploi devrait continuer à croître à un rythme relativement soutenu, mais un peu moins rapidement en 2017 et 2018. Le taux de chômage dans la zone euro devrait continuer à reculer, passant de 10 % en 2016 à 9,6 % en 2017 et à 9,1 % en 2018. Pour ce qui est de l'UE dans son ensemble, le chômage devrait diminuer, de 8,5 % en 2016, à 8,1 % en 2017 et à 7,8 % en 2018. "Ces chiffres du chômage sont les plus bas depuis 2009, mais restent supérieurs aux niveaux d'avant la crise", fait remarquer la Commission.
Dans la partie de son rapport dédié au Luxembourg, la Commission européenne note qu'après une relativement faible performance au premier trimestre 2016, suite à l’évolution négative des marchés financiers, l’activité a atteint un sommet les deux trimestres suivants, avec une amélioration soutenue dans les exportations de services, et notamment de services financiers, et devrait avoir été forte au 4e trimestre, marqué par une hausse de la confiance des entreprises et des ménages. De ce fait, la croissance devrait avoir atteint 3,8 % en 2016, contre 3,5 % en 2015.
Poursuivant sur cette lancée, la croissance devrait atteindre 4 % en 2017. La Commission note que c'est l’augmentation du revenu disponible des ménages qui devrait soutenir la croissance de la consommation privée, à la faveur de la réforme fiscale abaissant l’imposition et de l’indexation des salaires, toutes deux appliquées depuis le 1er janvier 2017.
En 2018, la consommation privée devrait perdre de sa dynamique, ajoute la Commission. La croissance économique devrait être alors soutenue par une reprise dans l’environnement extérieur, en particulier dans la zone euro, précise-t-elle en pronostiquant un taux de croissance à 3,9 % pour cette année-là.
L'inflation devrait connaître un regain en 2017, en raison de la hausse continue des prix des produits pétroliers entamée en janvier 2016 lorsqu’ils étaient à leur plus bas niveau. Elle devrait atteindre 2 % en 2017 et 2,1 % en 2018. "Déclenchée au début de 2017, l’indexation automatique des salaires devrait être déclenchée durant l’année 2018", en déduit la Commission. Les hausses de l’inflation globale devraient faire augmenter l’inflation sous-jacente qui atteindra 1,6 % en 2017 et 2,1 % en 2018.
Toutefois, associée à la hausse du pouvoir d’achat, la croissance de l'emploi, qui devrait rester forte en 2017 et 2018, après avoir atteint 3 % en 2016, permettront de contrecarrer ses effets. Des conditions de prêts favorables devraient aussi soutenir l’investissement, notamment dans le secteur de la construction, sous l’impulsion des ménages et du secteur public, dit le document.
Pour ce qui est du chômage, la Commission note que, "comme les non-résidents devraient en profiter davantage que les résidents, les développements du marché de l’emploi s’avèreront insuffisants pour abaisser substantiellement le taux de chômage", qui descendra graduellement à 6,2 % à la fin de 2018, contre 6,5 % en 2015.
Le solde budgétaire devrait croître de 1,6 % en 2016, grâce à la faible inflation et aux mesures d’économie adoptées avec le budget 2015, malgré le haut niveau d’investissement public. En 2017, en raison de la réforme fiscale (équivalent à 0,8 % du PIB), le solde budgétaire devrait baisser mais rester positif, avec un taux de 0,2 % du PIB. Il devrait atteindre 0,3 % à politique inchangée l'année suivante.
Le niveau d’endettement devrait avoir baissé en 2016 pour atteindre 21 % du PIB (contre 22,1 % en 2015). Il devrait ensuite remonter à 23,5 % à la fin 2018 "malgré le surplus primaire, car le surplus de la sécurité sociale ne peut être utilisé pour financer le déficit du gouvernement central qui devrait s’élargir à partir de 2017 en raison de la réforme fiscale", ce qui implique le recours à l’emprunt, explique encore la Commission.