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Justice, liberté, sécurité et immigration
Sécurité – Le Parlement européen a validé deux projets pour lutter contre la menace des "combattants étrangers"
16-02-2017


Voyager dans l'UELe 16 février 2017, le Parlement européen a adopté un règlement et une directive qui visent à lutter contre les menaces terroristes des "combattants étrangers".

"L'adoption de ces propositions par le Parlement européen montre que l'UE tient ses promesses, rapidement et résolument, sur ses engagements à renforcer la sécurité intérieure de l'UE, pavant la voie vers une Union de la sécurité efficace et durable", se sont réjouis  le vice-président de la Commission européenne, Dimitri Avramopoulos, et le commissaire européen pour l'Union de la sécurité, Julian King, dans une déclaration commune. Les deux projets avaient été proposés par la Commission européenne en décembre 2015.

Des contrôles systématiques de tous les voyageurs aux frontières extérieures de l'UE

Par 469 voix en faveur, 120 contre, avec 42 abstentions, le Parlement européen a adopté un nouveau règlement, qui modifie le code frontières Schengen, et oblige les États membres à conduire des contrôles systématiques sur toutes les personnes qui franchissent les frontières extérieures de l'UE, grâce à des vérifications dans les bases de données sur les documents de voyage volés ou perdus, dans le système d'information Schengen (SIS) ou d'autres bases de données pertinentes de l'UE. La Commission européenne en avait la proposition en décembre 2015. Le Parlement européen et le Conseil avaient trouvé un accord le 7 décembre 2016.

Les contrôles seront obligatoires à toutes les frontières aériennes, maritimes et terrestres, tant à l'entrée qu'à la sortie. Il est toutefois prévu qu'au cas où ces contrôles systématiques génèrent de trop longues attentes aux frontières maritimes et terrestres, les États membres pourront conduire des contrôles "ciblés", à condition que l'évaluation des risques ait démontré que cela ne poserait aucune menace, notamment en termes sécurité intérieure ou d'ordre public, précise le Parlement européen dans son communiqué. Les personnes qui ne seront pas soumises au contrôle "ciblé" devront tout de même "a minima passer par un contrôle classique" pour prouver que leurs documents de voyage sont valides et pour établir leur identité.

Il est prévu une période de transition aux frontières aériennes, par laquelle les États membres seront autorisés à procéder à des contrôles "ciblés" pendant une période transitoire de six mois une fois le nouveau règlement entré en vigueur. Ce délai pourrait ensuite être prolongé pour une durée maximale de 18 mois, dans des cas exceptionnels, par exemple si les aéroports ont besoin de s'adapter car ils ne disposent pas des infrastructures leur permettant de réaliser ces contrôles systématiques par recoupement avec des bases de données.

"Sécuriser les frontières extérieures signifie ériger un puissant bouclier contre le terrorisme en Europe et préserver le droit à la vie, ce qui est le corollaire de tous les droits", a déclaré le rapporteur Monica Macovei (ECR), selon des propos relayés par le Parlement européen. "Chaque vie sauvée parce qu'un combattant étranger potentiel a été démasqué vaut la peine, et les contrôles systématiques par recoupement avec des bases de données sont une étape obligatoire vers cette protection minimale que nous avons le devoir d'offrir à nos citoyens", a-t-il ajouté.

L'eurodéputée PPE, Barbara Kudrycka, cite le chiffre de 5000 citoyens de l'UE suspectés d'avoir rejoint l'ISIS en Irak et en Syrie. "Nous avons besoin de cette nouvelle legislation qui assureront une meilleure coordination des contrôles aux frontières de l'espace Schengen et aideront à détecter les combattants étrangers de retour de zones de guerres pour causer des ravages dans les villes européennes. ”

La vice-présidente du Groupe S&D, Tanja Fajon, a fait part de l'idée que "toutes les nouvelles mesures de sécurité doivent s'inspirer d'une approche pragmatique fondée sur les faits" et doivent "viser l'obtention de résultats tangibles et non seulement la création d'une image d'activité". Elle a mis en garde contre le risque de mesures "mal gérées" qui peuvent "provoquer d'immenses files et d'engendrer le chaos aux aéroports". "Cela ne profiterait à personne et provoquerait plus de risques sécuritaires que cela n'en résoudrait", a-t-elle observé, en déclarant que son groupe suivra de près la mise en œuvre de ces mesures par les États membres. Le groupe S&D pense par ailleurs que le renforcement des frontières extérieures devrait aller de pair avec le rétablissement de la liberté totale de circulation au sein de l'espace Schengen. Ainsi, il juge que la décision prise par le Conseil le 7 février, autorisant l'Autriche, l'Allemagne, le Danemark, la Suède et la Norvège à prolonger leurs contrôles aux frontières intérieures, "montre que nous ne nous engageons pas dans la bonne direction en la matière".

Le groupe GUE-NGL pense que ce règlement ne permettra pas de prévenir le terrorisme et qu'il violera des droits fondamentaux.  "Il est illusoire de penser que la collecte de davantage de données de citoyens ordinaires rendre l'Europe plus sûre (…). Cela ne marchera pas car la collection en masse de donnée n'est pas ciblée. C'est une violation des libertés civiles des citoyens et résidents de l'UE. C'est invasif et inutile", a déclaré l'eurodéputée Martina Anderson, déplorant que la Commission n'ait pas réalisé d'analyse d'impact pour justifier la nécessité d'un tel règlement. " Si l'Europe veut prévenir le terrorisme, elle doit mieux exploiter les données existantes, réaliser une meilleure coopération entre les ministères publics des Etats membres et promouvoir la résolution de conflit au lieu d'attiser les flames de conflits et guerres étrangers".

Une prise en compte des menaces émergentes

Pour contrer les menaces croissantes des "combattants étrangers" qui voyagent vers des zones de conflit à des fins de terrorisme, et des "loups solitaires" qui planifient des attaques en solo, le Parlement a, le 16 février 2017, adopté, par 498 voix pour, 114 contre et 29 abstentions, une nouvelle directive de lutte contre le terrorisme qui met à jour les actuelles dispositions-cadres sur les crimes terroristes et élargit leur portée en prenant en compte les menaces émergentes.

La liste étendue des actes préparatoires qui seront criminalisés inclut :  voyager à l'étranger pour rejoindre un groupe terroriste et/ou revenir sur le territoire de l'UE dans le but de perpétrer une attaque terroriste;  recruter à des fins de terrorisme; former ou être formé à des fins de terrorisme; être complice ou tenter de commettre un attentat;  inciter publiquement à commettre un attentat ou faire l'apologie du terrorisme ; et financer le terrorisme ou des groupes terroristes.

La nouvelle directive inclut également des dispositions permettant de garantir une aide immédiate aux victimes et à leur famille après un attentat. Par exemple, les États membres de l'UE devraient s'assurer que des services de soutien sont mis en place pour aider les familles à trouver l'hôpital où le membre de leur famille a été conduit, et pour aider les victimes à rentrer dans leur pays d'origine, si l'attentat qu'elles ont subi a eu lieu dans un autre pays de l'Union. Un soutien médical et psychologique, ainsi que des conseils sur les questions juridiques et financières (comme les procédures judiciaires concernant les indemnités), devraient également être inclus.

"Plutôt que de regretter qu'il y ait des attentats, nous devons stopper les auteurs d'attaques avant qu'ils les commettent. Nous avons trouvé un bon équilibre entre une sécurité renforcée et un maintien strict des droits fondamentaux, car il ne sert à rien d'avoir la sécurité sans les droits", a déclaré l'eurodéputée PPE, Monika Hohlmeier, en charge du dossier au Parlement, lors du débat précédant le vote.

L'eurodéputé ADLE, Petr Ježek, a jugé qu'il s'agissait là d'une "réponse claire" à la demande des Européens pour que l'UE fasse davantage pour lutter contre le terrorisme. "Alors que la responsabilité de la sécurité incombe avant tout aux États membres, les récentes attaques terroristes en Europe ont montré qu'aucun pays ne peut affronter seul la menace terroriste. Nous devons adapter nos mesures antiterroristes à cette réalité et ajouter une approche véritablement européenne", a-t-il dit, avant de préciser que le Parlement a "veillé à ce qu'il y ait un juste équilibre entre les garanties en matière de sécurité et droits fondamentaux".

Les Verts/ALE craignent toutefois des atteintes aux libertés civiles. "Encore une fois, la priorité est donnée à la multiplication des motifs d'incrimination aux contours souvent flous et potentiellement dangereux pour les libertés fondamentales, alors que l'essentiel est mis de côté, c'est-à-dire l'échange d'informations obligatoire et automatique entre États membres", déplorent-ils dans un communiqué. Eva Joly juge cette directive "inquiétante à plusieurs égards", à commencer par la définition retenue pour les infractions terroristes qui inclut la destruction d'infrastructures susceptible de provoquer "une perte économique majeure". "Certains gouvernements pourraient en abuser dans le but de museler la contestation d'ONG ou d'activistes qui recourent à des actes de désobéissance civile. Le terrorisme a trait à des actes violents et de destructions susceptibles de mettre des vies en danger. Il n'a rien à voir avec un chiffre d'affaires", pense-t-elle, en ajoutant que les "notions vagues" comme la provocation "indirecte", permettraient des interprétations pouvant porter atteinte aux libertés d'expression et d'information.