Le 8 mars 2017, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a tranché en faveur de l’Etat luxembourgeois dans l’affaire qui l’opposait à ArcelorMittal, en jugeant qu’un État membre peut exiger la restitution sans indemnité des quotas d’émission de gaz à effet de serre non utilisés par une entreprise, lorsque ces quotas ont été attribués de manière indue en raison de la violation par cette entreprise de son obligation d’informer en temps voulu l’autorité compétente de la cessation de l’exploitation de son installation.
La CJUE avait été saisie d’une question préjudicielle en août 2015 par la Cour constitutionnelle du Luxembourg. Après la polémique suscitée en 2012 par l’octroi de quotas d’émission pour le site pourtant fermé de l’aciérie de Schifflange, le gouvernement avait en effet demandé la restitution de ces quotas alloués à titre gratuit. Une décision contestée par le géant de la sidérurgie. La Cour a suivi dans cette affaire les conclusions rendues le 5 juillet 2016 par l’avocat général Manuel Campos Sánchez-Bordona, selon qui le Luxembourg peut exiger d’ArcelorMittal la restitution sans indemnité des quotas d’émission de gaz à effet de serre non utilisés dans la mesure où ils ont été attribués de manière indue.
À compter de la fin de l’année 2011, la société luxembourgeoise ArcelorMittal Rodange et Schifflange a décidé de fermer son aciérie de Schifflange pour une durée indéterminée. Cette décision n’a cependant été notifiée aux autorités luxembourgeoises que plusieurs mois après, une fois effectuée l’attribution des quotas d’émission de gaz à effet de serre pour 2012.
Comme il n’était plus possible d’annuler les quotas attribués pour cette année, les autorités ont réclamé la restitution, sans indemnité, des quotas non utilisés par ArcelorMittal. La réglementation luxembourgeoise prévoit en effet que les autorités peuvent réclamer la restitution totale ou partielle des quotas non utilisés lorsqu’une cessation totale ou partielle de l’exploitation d’une installation leur est notifiée (cette notification devant s’effectuer immédiatement). ArcelorMittal conteste cette décision en justice : elle considère en effet qu’une telle restitution sans indemnité correspondrait, par ses effets, à une expropriation illégale.
Saisie de l’affaire, la Cour constitutionnelle du Luxembourg demandait à la Cour de justice de l’UE si, au regard de la directive sur le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, un État membre peut exiger d’une entreprise ayant cessé l’exploitation d’une installation la restitution, sans indemnité, des quotas non utilisés.
Dans son arrêt rendu le 8 mars 2017, la CJUE considère que, lorsqu’une entreprise cesse les activités d’une de ses installations à une date antérieure à celle de l’allocation des quotas d’émission et omet d’en informer en temps voulu l’autorité compétente, la directive ne s’oppose pas à ce que cette autorité ordonne la restitution sans indemnité des quotas d’émission, étant donné que ces derniers ne pourront pas, de toute évidence, être utilisés en vue de comptabiliser les émissions de gaz à effet de serre qui ne sont plus susceptibles d’être produites par l’installation en cause. En effet, la restitution de quotas attribués irrégulièrement permet d’éviter une distorsion sur le marché des quotas et d’atteindre l’objectif de protection de l’environnement que poursuit ce marché.
La Cour précise qu’une telle restitution impliquerait non pas l’expropriation d’un bien qui ferait déjà partie intégrante du patrimoine de l’exploitant, mais simplement le retrait de l’acte allouant des quotas, en raison du non-respect des conditions de notification. Autrement dit, les quotas délivrés après qu’un exploitant ait cessé les activités exercées dans l’installation concernée, sans en avoir informé au préalable l’autorité compétente, ne peuvent être qualifiés de "quotas" d’émission au sens de la directive.
En résumé, la Cour considère qu’un État membre peut exiger la restitution sans indemnité des quotas d’émission de gaz à effet de serre non utilisés par une entreprise, lorsque ces quotas ont été attribués de manière indue en raison de la violation par cette entreprise de son obligation d’informer en temps voulu l’autorité compétente de la cessation de l’exploitation de son installation.
La ministre de l’Environnement, Carole Dieschbourg, a salué auprès de la rédaction du Luxemburger Wort un "arrêt déterminant dans le contexte européen", dans la mesure où la question de savoir si un Etat pouvait exiger la restitution de certificats n’était pas tranchée.
"C’est une première étape importante que la CJUE dise que si l’exploitant n’informe pas l’administration compétente en temps utile qu’il a arrêté d’exploiter un site, il ne peut pas garder les quotas indûment attribués", a affirmé à Paperjam.lu Camille Gira, secrétaire d’État au Développement durable. "On a gagné une bataille mais pas encore la guerre", a toutefois tempéré le secrétaire d’Etat auprès du Lëtzebuerger Journal. Il revient en effet désormais au tribunal administratif de trancher l’affaire à la lumière de cet arrêt de la CJUE. "Quand le jugement sera définitif, an verra comment se passera la restitution", a conclu Camille Gira.