Le Secrétariat européen commun de l’OGBL et du LCGB (SECEC) a réagi le 4 mai 2017 à la publication, le 26 avril dernier, de la proposition de la Commission relative au socle européen des droits sociaux, dont le président de cette institution, Jean-Claude Juncker, avait fait une priorité dès sa prise de fonction. La publication de cette recommandation de la Commission et d’une proposition de proclamation conjointe du Parlement, du Conseil et de la Commission fait suite à une consultation publique lancée en 2016, et à laquelle le SECEC, mais aussi le LSAP, avaient participé.
Selon la Commission européenne, le socle européen des droits sociaux définit 20 principes essentiels pour favoriser le bon fonctionnement et l'équité des marchés du travail et des systèmes de protection sociale. Le socle a été conçu comme un cadre de référence permettant d'examiner les performances sociales et les résultats en matière d'emploi des États membres participants, d'orienter les réformes à l'échelon national et, de manière plus spécifique, d'indiquer la direction à suivre pour renouer avec la convergence vers de meilleures conditions de vie et de travail en Europe; il s'appliquera principalement dans la zone euro, mais permettra également à tous les États membres de l'Union de s'y joindre s'ils le souhaitent.
Les 20 principes et droits consacrés dans le socle s'articulent autour de trois axes : 1) l'égalité des chances et l'accès au marché du travail, 2) des conditions de travail équitables et 3) la protection sociale et l'inclusion sociale. Ils mettent l'accent sur la manière de réaliser la promesse inscrite dans les traités d'une économie sociale de marché hautement compétitive, visant le plein emploi et le progrès social.
Le socle réaffirme un certain nombre de droits déjà présents dans l'acquis juridique de l'Union européenne et dans l'acquis juridique international. En tant que tel, le socle n'a pas d'incidence sur les principes et droits figurant déjà dans les dispositions contraignantes du droit de l'Union: en réunissant les principes et les droits qui ont été définis à différents moments, de différentes manières et sous différentes formes, il vise à les rendre plus visibles, plus compréhensibles et plus explicites pour les citoyens et les acteurs à tous les niveaux.
Parallèlement, il complète les principes et droits existants afin de tenir compte de nouvelles réalités. La plupart des instruments nécessaires à la concrétisation du socle sont entre les mains des autorités nationales, régionales et locales, ainsi que des partenaires sociaux et de la société civile dans son ensemble. L'Union européenne, et en particulier la Commission européenne, peut y contribuer en agissant dans des domaines où elle exerce une compétence partagée, en définissant le cadre, en indiquant le cap et en mettant en place des conditions de concurrence équitables, tout en respectant pleinement les spécificités nationales et les dispositifs institutionnels.
Pour l’OGBL et le LCGB, la proposition de la Commission européenne "présente des insatisfactions pour les syndicats". Si les deux syndicats saluent de bonnes intentions, ils regrettent que ce socle "ne reste malheureusement qu’une résolution à caractère indicatif, une référence" et ne soit pas en mesure d’entraîner "des obligations pour les Etats membres notamment en raison de l’absence de compétences de l’UE (principe de subsidiarité) pour adopter des législations contraignantes dans certains domaines couverts par le socle".
"La Commission laisse l’initiative aux gouvernements pour adopter une définition des principes qui soit adaptée aux réalités nationales", expliquent ainsi les deux syndicats qui saluent toutefois la place réservée au dialogue social national car, pour chacun des 20 principes, la Commission recommande d’inclure les partenaires sociaux dans le processus d’implémentation via la négociation collective et des consultations gouvernementales.
Les deux syndicats déplorent aussi le fait que le socle "donne toujours la priorité aux intérêts économiques sur les droits sociaux des citoyens". "La sphère d’application se limite à l’Union monétaire même si d’autres Etats membre de l’UE peuvent se joindre volontairement", décrivent l’OGBL et le LCGB qui voient là "un risque réel d’accroissance des disparités sociales, économiques et du dumping social dans les Etats où le socle ne sera pas mis en œuvre". Les deux syndicats relèvent par ailleurs "qu’il n’y pas d’instruments de sanctions prévus en cas de non-conformité au socle et les gouvernements nationaux peuvent adapter et définir les principes de la liste".
"Ceci laisse une trop grande marge d’interprétation et ouvre la porte à un affaiblissement potentiel de certains droits des citoyens", s’inquiètent les deux syndicats qui notent que le texte "parle souvent de la convergence des droits sociaux dans la zone euro, mais ne précise pas qu’il devrait s’agir d’une convergence vers le haut", ce qui représente à leur yeux "un risque réel que les Etats pourraient se baser sur les plus petits dénominateurs des droits sociaux pour réduire les protections sociales".
Pour les syndicats, "le socle reste insatisfaisant car il ne consacre pas le principe fondamental que les droits sociaux des travailleurs ne soient plus soumis aux aspirations économiques". Les organisations syndicales réclament également "une politique visant à l’augmentation des salaires et du salaire minimum pour garantir un standard de vie de qualité et un raffermissement des droits sociaux". Pour garantir la mise en œuvre effective des recommandations et législations résultant du socle, il est impératif que le dialogue social et le rôle des partenaires sociaux soient renforcés, notamment en promouvant les négociations collectives au niveau national, estiment-ils enfin.
Au lendemain de la publication du socle par la Commission, le ministre du Travail et de l’Emploi, Nicolas Schmit, avait lui aussi salué "une bonne approche", bien qu’il ait confié au journaliste Guy Kempn du Tageblatt, n’en attendre que "peu de concret".
Le ministre s’interrogeait en effet sur la valeur juridique d’une déclaration ou d’une recommandation et se demandait quelle serait la base juridique des droits sociaux revendiqués par la Commission.
Le ministre est par ailleurs lui aussi d’avis que le pilier social proposé par la Commission devrait être valable pour tous les Etats membres de l’UE, et pas seulement ceux de la zone euro. De son point de vue en effet, l’objectif est de réduire les différences qui existent entre les Etats membres en matière sociale, et "les pays ne doivent pas être libérés de leur responsabilité sociale" selon Nicolas Schmit qui veut éviter que certains Etats membres ne se procurent des avantages concurrentiels au prix des droits sociaux. Il a par ailleurs indiqué au journaliste avoir demandé un Conseil EPSCO extraordinaire pour discuter de ces propositions.
Parmi les initiatives législatives concrètes publiées par la Commission le 26 avril 2017, les syndicats ont tout particulièrement mis l’accent sur la proposition faite pour améliorer l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée pour les parents et les dispensateurs de soins.
Cette proposition introduit le droit pour les pères de prendre un congé de paternité d'au moins 10 jours autour de la naissance d'un enfant. La proposition prévoit également la possibilité d'exercer le droit existant de prendre quatre mois de congé parental pour les enfants âgés jusqu'à 12 ans, alors que l'exercice de ce droit est actuellement lié à une limite d'âge indicative non contraignante de 8 ans.
Le congé parental devient également un droit individuel pour les mères et les pères, sans transfert possible à l'autre parent, ce qui encouragera fortement les hommes à utiliser cette possibilité. Pour la première fois, un congé d'aidant de cinq jours par an en cas de maladie d'un parent direct est introduit.
Toutes ces formules de congé liées à la famille seront assorties d'une allocation d'un niveau au moins équivalent à celui de la prestation de maladie. La proposition confère également aux parents d'enfants âgés jusqu'à 12 ans et aux aidants le droit de demander des formules de travail flexibles, comme des horaires réduits ou flexibles ou la flexibilité concernant le lieu de travail. Elle tient compte des besoins des petites et moyennes entreprises et vise à faire en sorte que celles-ci ne soient pas touchées de manière disproportionnée.
Le SECEC observe dans son communiqué que cette initiative a été généralement reçue "de façon positive par les organisations syndicales", mais que l’organisation patronale européenne "BusinessEurope" a en revanche fortement critiqué la Commission en arguant que les droits parentaux nuiraient à la création d’emplois. Une question sur laquelle la Confédération européenne des syndicats, à laquelle appartiennent l’OGBL et le LCGB, s’oppose vivement au patronat en soutenant l’initiative de la Commission. "Elle la considère comme étant bénéfique aux entreprises parce qu’elle donnera la possibilité à plus de femmes de participer au marché de travail et atténuera la pénurie de main d’œuvre qualifiée", ce qui favorisera la compétitivité des entreprises et de l’économie et diminuera le taux de chômage.