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Traités et Affaires institutionnelles
La Chambre et le gouvernement luxembourgeois veulent un traité basé sur les acquis du traité constitutionnel que le Luxembourg a ratifié par référendum
13-06-2007


Le 13 juin 2007 a eu lieu à la Chambre des Députés un "débat d’orientation en vue du Conseil européen des 21 et 22 juin 2007 sur le mandat d’une Conférence intergouvernementale (CIG) relative au traité constitutionnel."

Le premier à prendre la parole fut le député socialiste Ben Fayot. Faisant le tour de la situation actuelle, avec un rapprochement des positions sur le contenu d’un nouveau traité et sur une feuille de route prévoyant une CIG jusqu’en décembre 2007, une période de discussion, de signature et de ratification en 2008, puis une entrée en vigueur du nouveau traité européen avant les prochaines élections européennes de 2009, avec enfin une menace de blocage polonaise, Fayot a essayé d’évaluer les chances de la Présidence allemande de débloquer la situation.

Ben Fayot a rappelé les positions sur lesquelles la très grande majorité des députés et le Gouvernement ont pu s’accorder et auxquelles il sera impossible de renoncer:

  • le traité constitutionnel devra être la base des négociations ;
  • il est le meilleur compromis possible ;
  • sa substance devra être conservée dans le « compromis sur le compromis » que sera le nouveau traité ;
  • l’équilibre institutionnel devra être gardé, dont la double majorité lors du vote au sein du Conseil ;
  • l’Union européenne aura son ministre des Affaires étrangères ;
  • un renforcement des politiques de l’environnement et de l’énergie sera inscrit dans la IIIe partie du traité ;
  • il faudra également préserver dans la IIIe partie du traité les clauses horizontales sur la politique sociale, les services d’intérêt général, comme les progrès en matière de lutte contre la criminalité, de politique de l’immigration et de politique étrangère et de sécurité ;
  • la Charte des droits fondamentaux devra d’une façon ou d’une autre devenir légalement contraignante.

Le député socialiste, qui a déploré que le mode de négociation et de ratification du nouveau traité renvoyait l’Europe aux méthodes des années 50 ("Les gouvernements négocient le traité, les parlements le ratifient."), a demandé au gouvernement d’informer la Chambre et les citoyens de la manière la plus appropriée afin que le processus ne se déroule pas entièrement derrière des portes fermées.

Pour Ben Fayot, les différences profondes qui existent entre les Etats membres sur la nature de l’Union européenne ont éclaté au grand jour. C’est pour cela que l’Europe se trouve à la croisée des chemins, et si une solution ne devait pas être trouvée au Conseil européen, "alors l’Union européenne risque de s’effriter à court ou moyen terme, alors l’Union européenne deviendra une nébuleuse avec différents degrés d’intégration et de coopération. Alors cette construction unique qui a 50 ans, qui nous a apporté la paix, la stabilité et la prospérité est en danger."

Laurent Mosar (CSV) a évoqué la crise institutionnelle qui a éclaté après les non français et néerlandais et qui a empêché l’Union européenne d’avancer. "C’est dramatique que ce texte n’ait pas pu être approuvé", a-t-il estimé tout en soulignant la nécessité d’élaborer un nouveau texte. "Le CSV s’engage à approuver un nouveau traité, même si nous ne sommes pas d’accord avec la volonté de certains Etats membres qui vise à exclure les symboles européens du nouveau traité." En revanche, le CSV s’oppose à un remaniement du volet institutionnel. "Ces dispositions institutionnelles permettent à l’Union de fonctionner à 27 Etats membres. En l’absence de cette réforme il n’y aura pas d’élargissement vers les pays de la péninsule balkanique", a-t-il tenu à préciser. Mosar s’est exprimé en faveur d’une Charte des droits fondamentaux juridiquement contraignante. Le député a souligné la volonté du CSV de sauvegarder la IIIe partie du traité qui accordera des garanties au niveau social.

Se référant au Premier ministre Juncker, Laurent Mosar a défendu l’idée d’un "traité matériel". Ce traité règlera les questions institutionnelles. Il comprendra la Charte des droits fondamentaux et pourra incorporer d’autres éléments. Dans ce contexte, Mosar a évoqué des éléments qui permettent de mieux contrôler l’application du principe de subsidiarité et une énumération des compétences communautaires. Il a appelé à une participation accrue des parlements nationaux aux processus décisionnel de l’Union européenne.

Charles Goerens, le chef de la fraction libérale, a fait le tour des affaires mondiales pour exprimer l’idée que si une Union européenne forte de ses valeurs et de sa capacité d’agir pouvait mieux intervenir sur ces affaires, les choses iraient mieux sur notre planète où l’intérêt prime sur les valeurs. Il a par ailleurs réitéré sa proposition que la période de ratification soit la plus brève possible, une ou deux semaines, afin que l’effet de contagion des votes des autres Etats membres ne puisse influer l’issue des autres scrutins nationaux.

Felix Braz des Verts s’est également prononcé pour la préservation de l’essentiel du traité constitutionnel. Il a constaté que les critiques actuelles au traité constitutionnel n’avaient rien à voir avec celles qui ont conduit les peuples français et néerlandais à voter contre le traité, et qu’il n’était plus question des vrais soucis des gens. Pour le député vert, la CIG constitue une régression. Il s’est exprimé pour une "Constitution +", un nouveau traité avec des ajouts utiles et des suppressions de ce qui n’est pas indispensable, ainsi que pour un délai de ratification court.

Gaston Gibéryen a de son côté réitéré les positions de son parti ADR, qui ne veut pas d’une période de négociation limitée dans le temps, qui veut une simplification du traité actuel, celui de Nice, qui renforce le rôle des parlements nationaux, qui inclut la Charte des droits fondamentaux et des clauses en faveur d’une économie sociale et écologique de marché, qui fixe les limites de l’Europe et exclut l’adhésion de la Turquie.

Dans sa réponse aux députés, le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a dit que le gouvernement se sentait «encouragé d’être soutenu par la majorité des députés » et qu’il agira selon les lignes rouges fixées par la Chambre pour la négociation du traité européen en défendant la substance du traité constitutionnel et tout ce qui permettra à l’Union de mieux fonctionner. En même temps, il a estimé que l’idée d’une période de ratification courte était bonne à suivre.

En gros, le chef de la diplomatie luxembourgeoise a déclaré que l’Union européenne constituait une réponse globale à des questions globales. Seule une Union solidaire et unie pouvait prendre de l’influence sur les grandes questions mondiales, défendre ses valeurs, empêcher les nationalismes meurtriers de renaître et d’imposer le respect des droits de l’homme et les droits sociaux. "Si le Conseil européen ne livre pas de réponses ou s’il commet des erreurs, il ne sera pas à la hauteur de la globalisation."

Le Luxembourg, en tant que pays qui a ratifié le traité constitutionnel, ne pourra pas selon Asselborn accepter des coupes sombres dans le texte de base. Le paquet institutionnel devra être maintenu, la personnalité juridique de l’Union européenne réaffirmée, l’application des votes à majorité qualifiée à la plupart des dossiers "Justice et Affaires intérieures" maintenue, le ministre des Affaires étrangères de l’UE confirmé et l’euro, c’est-à-dire le principe de la monnaie unique, gardé dans les traités. "Le moins de chantiers on ouvrira à la CIG, le mieux ce sera pour l'Union européenne," a déclaré le ministre.

Evoquant la question de certains pays, comme la Pologne - "où de nombreuses plaies de l’Histoire ne sont pas encore guéries" et que le Luxembourg pourrai aider dans ses relations avec l’Allemagne - ou le Royaume Uni - "qui porte une grande responsabilité" et qui ne doit pas répéter ses blocages - Jean Asselborn a conclu en disant que ces pays doivent décider "s’ils veulent être de la partie ou faire bande à part et bloquer l’Union européenne."