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Environnement
A trois semaines de la conférence de Copenhague sur le changement climatique, les députés luxembourgeois, tous convaincus de la nécessité de réduire les émissions, ont débattu des moyens à mettre en œuvre
19-11-2009


Conférence de CopenhagueLe 19 novembre 2009, la Chambre des députés s’est réunie en séance publique afin de mener, entre autres, un débat d’orientation au sujet de la conférence de Copenhague sur la lutte contre le changement climatique. Ce débat fait suite à un hearing public qui s’est déroulé le 21 octobre à la Chambre, lors duquel différents acteurs de la société civile luxembourgeoise se sont prononcés sur le même sujet.

A trois semaines de la conférence de Copenhague, un délai que le député libéral Eugène Berger a certes jugé un peu court, les députés luxembourgeois ont fait montre d’un consensus sans grande faille quant à la nécessité d’objectifs ambitieux en matière de lutte contre le changement climatique et de réduction des émissions de CO2. S’ils reconnaissent sans conteste à l’UE un rôle de leader, certains députés ont exprimé leur crainte d’être déçus par l’accord qui sera trouvé à Copenhague.

Mais loin d’être résignés, ils insistent bien tous sur la nécessité pour le Luxembourg, quels que soient les résultats de Copenhague, de prendre ses responsabilités. C’est donc essentiellement sur les mesures à mettre en œuvre qu’ils ont lancé un débat qui devrait se poursuivre au premier trimestre 2010 ainsi que l’a annoncé le ministre Claude Wiseler.

La lutte contre le changement climatique fait consensus à la Chambre

Le réchauffement climatique est un des plus grands défis et ses conséquences seraient catastrophiques. Et ce Fernand Bodend’autant plus que les pays qui en paieront le plus lourdement les conséquences n’en sont pas responsables. C’est, en quelques mots, le constat sur lequel se sont basés la plupart des députés.

Eugène Berger (DP), Fernand Boden (CSV), Camille Gira (Déi Gréng), Marcel Oberweis (CSV) et Roger Negri (LSAP) se sont ainsi accordés à dire que, pour éviter que le réchauffement planétaire ne dépasse le seuil critique de 2 °C, les pays industrialisés doivent rapidement passer d’une économie dépendante des énergies fossiles à une économie neutre en CO2. Pour eux, il n’y a pas de temps à perdre pour atteindre l’objectif de - 20 %, voire - 30 % des émissions de CO2 d’ici 2020, et de -50 % d’ici 2050, ce qui signifie une réduction de - 80 % à - 95 % pour les pays industrialisés. Marcel Oberweis a d’ailleurs souligné qu’il Marcel Oberweisn’y a pas de "plan B". Un consensus partagé par André Hoffmann (Déi Lénk) qui est pour une baisse des émissions de 30 % dans l’UE d’ici 2020, et ce quel que soit ce que décident les autres pays.

Jean Colombera (ADR) a tenu, pour contrebalancer les échos des scénarios catastrophes relayés chaque jour, à citer quelques arguments de scientifiques qui ont un avis différent sur le changement climatique. Le député trouve difficile de savoir où est la vérité quand on n’est pas un scientifique, mais, en vertu du principe de précaution, il estime cependant lui aussi nécessaire de prendre des mesures pour réduire les émissions de gaz carbonique. Pourtant, quand il voit les objectifs avancés, comme une baisse des émissions qui devrait atteindre, pour les pays industrialisés, 80 % d’ici à 2050, Jean Colombera est sceptique, car il estime ces objectifs irréalisables et utopiques. De la même façon, citant le rapport sur la population mondiale du Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP) présenté la veille, Jean Colombera en trouve pour le moins "étonnante" les conclusions, qui consisteraient à aider les femmes des pays en voie de développement à faire moins d’enfants.

Le rôle incontesté de leadership de l’UE

Fernand Boden a fait le récapitulatif des préparatifs de l’UE pour la Conférence de Copenhague qui ont été faits lors de la conférence sur le changement climatique des Nations Unies de septembre 2009 à New York, du Conseil Environnement du 21 octobre 2009, et du Conseil européen du 30 octobre 2009. En saluant que l’UE ait réussi à élaborer un mandat commun pour la conférence, il a estimé qu’elle dispose dès à présent d’une base solide pour jouer un rôle fort et constructif à Copenhague.

Bien que le Luxembourg eût pu être en mesure de défendre sa position du fait de son statut d’Etat souverain, Eugène BergerEugène Berger a rappelé que le Grand-Duché avait fait le choix d’être solidaire de la position européenne. A juste titre, puisque l’UE a, sur ce dossier, fait preuve de leadership, et le député libéral a fait part de son espoir qu’elle continue ainsi à l’avenir. Si quelques divergences subsistent au sujet de la position européenne de laquelle le Luxembourg est solidaire, il se réjouit que les grandes orientations soient définies en vue de Copenhague.

Ce rôle de leadership de l’UE, qui est la seule à s’être fixé des objectifs et à s’être montrée prête à prendre sur elle une part du financement de la lutte contre le changement climatique dans les pays en voie de développement, Roger Negri a tenu lui aussi à le souligner.

Le ministre Wiseler a souligné l’importance de l’accord trouvé au niveau européen pour limiter à 2 °C la hausse de la température. En effet, bien que cela semble avoir été une évidence, ce fut loin d’être le cas. Quant aux objectifs d’une baisse de -50 % des émissions au niveau mondial d’ici 2050, le ministre a souligné que les hommes politiques savent bien qu’ils ne seront plus là à ce moment-là et qu’il est donc essentiel de se fixer des objectifs pour 2020. Il est donc heureux que l’UE ait fixé pour objectif une baisse de 30 % de ses émissions pour cette date, et le ministre espère qu’un nombre raisonnable d’autres pays se fixera le même objectif. Car si l’UE seule le remplit, cela n’apportera pas grand-chose au monde.

Conférence de Copenhague : les attentes des députés luxembourgeois

Les députés espèrent qu’un accord global, incluant tous les pays, mais surtout les pays industrialisés et les économies émergentes, sera trouvé à Copenhague. "Un accord plus global et plus ambitieux que celui de Kyoto", a Roger Negrisouligné Fernand Boden. Et la plupart des députés lui ont fait écho, évoquant leur espoir que l’accord permettra de fixer des objectifs de réduction des émissions qui soient contraignants. Et ce que ce soit en termes de réduction des émissions, de commerce d’émissions et de financement de la lutte contre le changement climatique, ainsi que l’a précisé Roger Negri.

Pour les députés, il sera d’ailleurs de plus en plus important d’impliquer les villes et les communes dans les discussions parce que ce sont elles qui luttent contre le changement climatique au niveau local. Un rôle éminent revient dans ce contexte aux énergies renouvelables, un domaine qui pourrait, selon les députés, créer de nouveaux emplois. En guise d’exemple, Camille Gira a expliqué qu’un emploi dans le secteur de l’énergie fossile pourrait être remplacé par sept emplois dans le domaine de l’énergie solaire.

Marcel Oberweis, qui pour sa part, s’attend à ce que la Conférence de Copenhague se base sur les résultats scientifiques dans le domaine, espère que l’accord tienne également compte de la justice sociale.

Fernand Boden s’est montré plutôt rassuré. Il a souligné que l’accord trouvé à Copenhague doit satisfaire aux défis climatiques et se baser sur des résultats scientifiques. L’échange des droits d’émissions en devra être selon lui un élément important, mais aussi la solidarité et la justice sociale doivent trouver leur place dans l’accord. Pour le député, les domaines de l’aviation et du transport maritime doivent également être pris en considération.

Mais Eugène Berger, qui a appelé Jean-Claude Juncker, un "ambassadeur bien connu des idées européennes", à se rendre à Copenhague pour renforcer la position européenne, s’attend à une déception.

Roger Negri, lui, pressent un accord qui se fera en deux étapes, avec, après Copenhague, un nouveau sommet à Mexico en 2010. Aux yeux du député socialiste, l’UE doit veiller à une application cohérente de ses propres objectifs. Car en remplissant ses objectifs, l’UE gagnerait encore en crédibilité internationale et elle aurait plus de poids pour faire accepter aux autres des objectifs contraignants. Il trouve en effet utile de continuer à faire pression pour souligner l’importance d’arriver à un accord au cours d’une conférence qui est un peu celle de la dernière chance.

Le ministre Wiseler a souligné l’importance de défendre à Copenhague l’introduction dans l’accord final des transports aérien et maritime, qui n’étaient pas inclus dans le protocole de Kyoto. Sans les inclure, on risquerait en effet une distorsion de la concurrence en la matière.

Si, pour Roger Negri aussi, il est probable qu’on n’arrivera pas à se fixer un objectif contraignant, Copenhague n’est pour lui que le début d’un processus qui va durer. Ainsi, quoiqu’il advienne, et là-dessus tout le monde est bien d’accord, il ne faut pas résigner : l’UE et le Luxembourg vont devoir prendre leurs responsabilités et baisser leurs émissions.

Quoiqu’il advienne à Copenhague, le Luxembourg doit assumer ses responsabilités, mais la méthode à suivre suscite le débat

Fernand Boden a ainsi souligné que le Luxembourg doit se fixer des objectifs ambitieux, même si Copenhague échoue. Dans cet ordre d’idées, il a expliqué que son parti encourage le gouvernement à élaborer d’ici 2012 un deuxième plan d’action national sur la base de l’accord de Copenhague.

Ce plan, Roger Negri a appelé le ministre Wiseler à le présenter dès que possible tandis que le libéral Eugène Berger regrette que le gouvernement tarde à présenter sa stratégie nationale, car il estime en effet qu’attendre les objectifs de Copenhague est une perte de temps.

A ces reproches, Claude Wiseler a répondu en expliquant que le gouvernement était en train de se préparer "à toute vapeur" en vue d’un débat public qui devrait être amorcé au cours du premier trimestre 2010. Il veut que les mesures qui seront prises soient discutées et puissent être acceptées par l’opinion. Et nombre des priorités formulées par l’opposition sont au cœur du travail en cours, que ce soit la question des transports ou de la construction.

C’est dans un premier temps sur l’analyse de la situation au Luxembourg que se sont affrontés les députés. Ainsi, Roger Negri a tiré le bilan des efforts faits par le Luxembourg en soulignant que la baisse de 5,5 % des émissions par rapport à 1990 était à saluer au vu de la croissance économique qu’a connu le pays ces dernières années. Roger Negri a salué la prolongation de certaines mesures qui avaient été prises dans le cadre du plan d’action national. Pour lui, "nous sommes sur la bonne voie".

Loin de partager cette analyse, le député vert Camille Gira a surtout critiqué le fait que le Luxembourg avait déjà Camille Giraatteint l’objectif de Kyoto en 1998, mais a connu par la suite une augmentation de 30 % de ses émissions de CO2. Pour lui, le gouvernement, et notamment le Premier ministre Jean-Claude Juncker, ont échoué dans leur politique de lutte contre le changement climatique en sous-estimant la problématique, en attendant trop longtemps, en prenant des mesures inappropriées, et en manquant de courage politique pour dire la vérité aux citoyens, à savoir que le Luxembourg doit s’adapter aux réalités.

Camille Gira a qualifié cette politique de "crime contre les générations futures" et il a dénoncé la situation "catastrophique" au Luxembourg. Pour lui, "c’est un scandale" que le Grand-Duché doive acheter ses droits d’émissions à 100 %.

Claude Wiseler est revenu en détail, chiffres à l’appui, sur la situation au Luxembourg. Rappelant que les objectifs en matière d’émissions avaient été atteints à la fin des années 90’ avant que les émissions ne connaissent une nouvelle hausse, le ministre a souligné la baisse amorcée au cours des dernières années. Pour lui, le Luxembourg est sur la bonne voie. Et aux critiques, il répond par une analyse de l’évolution par secteur qu’il convient de faire au regard de la croissance connue par le pays, tout en soulignant une fois de plus qu’il convient de regarder attentivement les chiffres les plus récents qui témoignent des efforts menés par le gouvernement.

Quant à savoir comment aller de l’avant en la matière, Fernand Boden, qui pense que le Luxembourg a besoin d’une politique courageuse pour atteindre les objectifs ambitieux, a souligné qu’il faut mettre en œuvre des stratégies globales mais également sectorielles, et impliquer le secteur privé dans la mise en œuvre des mesures technologiques.

Roger Negri a insisté sur le fait que des investissements sont nécessaires. Car c’est une chose de se fixer des objectifs, et c’en est une autre de les atteindre.

Eugène Berger a présenté la vision du DP en la matière. Il a insisté sur les priorités que doit se fixer le gouvernement en vue de réduire les émissions : à savoir les transports, la construction, qui offre un très grand potentiel en matière de baisse des émissions, et les énergies renouvelables.

En ce qui concerne le tourisme à la pompe, pour Fernand Boden, comme d’ailleurs pour tous les députés, il joue un rôle particulier dans la stratégie nationale de lutte contre le changement climatique. Ce secteur est responsable de 40 % des émissions de CO2 au Luxembourg, mais il apporte aussi 1 milliard d’euros aux recettes du Grand-Duché, et il emploie 2000 personnes. Fernand Boden a proposé au gouvernement de réaliser une étude sur l’impact du tourisme à la pompe sur les finances de l’Etat, les émissions de CO2 et l’industrie automobile.

Eugène Berger estime pour sa part qu’il faut en sortir lentement mais sûrement, et le DP propose de prévoir dès maintenant les budgets en ne comptant pas cette ressource afin d’anticiper le moment, inéluctable, où elle n’existera plus.

Pour ce qui est des mesures qui pourraient être mises en place, Jean Colombera a mis en garde contre l’introductionJean Colombera de nouvelles taxes et contre les contraintes que pourraient impliquer des mesures trop drastiques. Et au-delà de ces contraintes sur notre quotidien, il s’interroge aussi sur les conséquences économiques que pourraient avoir certaines mesures comme la fin du tourisme à la pompe.

Pour André Hoffmann, il s’agit avant tout de changer de modèle de production et de consommation. Et, rebondissant sur la remarque de Camille Gira, qui a souligné qu’il faudrait que les gens pauvres n’aient pas à payer pour les modes de vie des plus riches, André Hoffmann s’est prononcé pour une contribution basée sur la différentiation sociale qui soit applicable ici au Luxembourg.

Les mécanismes flexibles de Kyoto et le financement de la lutte contre le changement climatique dans les pays en voie de développement

Pour Camille Gira, les pays industrialisés doivent reconnaître leur dette historique vis-à-vis du reste du monde et financer, parallèlement à leur aide au développement, la lutte contre le changement climatique dans les pays en voie de développement. Cette contribution financière, tout le monde l’appelle de ses vœux, même si, sur les modalités de sa mise en œuvre, les avis peuvent différer.

Camille Gira estime ainsi, comme Marcel Oberweis, que les projets du mécanisme de développement propre (MDP), un des trois mécanismes flexibles du protocole de Kyoto, doivent être mis en œuvre dans les pays les plus pauvres du monde. Les deux députés ont aussi tenu à insister sur l’importance du transfert de technologie aux pays en voie de développement, ce que n’a pas manqué de faire non plus Roger Negri.

Pour Eugène Berger, l’utilisation des mécanismes de Kyoto ne doit cependant pas pousser à faire moins d’efforts au niveau national. Le "Fonds de financement des mécanismes de Kyoto" devrait servir à financer des projets, ici, au Luxembourg. Car l’argent part dans des projets à l’autre bout du monde, ou bien dans des consortia et on ne voit pas ce qui se passe sur le terrain. Un point de vue partagé par Jean Colombera qui a appelé à ce que le fonds serve à financer des projets de recherche et de développement au Luxembourg, ainsi des mesures d’aide directe pour les citoyens.

Pour Eugène Berger, il faudrait faire un bilan à court terme de notre engagement dans ces mécanismes et en tirer des conclusions pour la stratégie à suivre. Roger Negri estime quant à lui que le système des mécanismes flexibles Claude Wiselerdevrait être réformé, même s’il faut toujours pouvoir investir dans les pays en voie de développement en évitant les abus. Il faudrait pouvoir mesurer l’impact de ces mesures.

Au sujet des critiques faites aux mécanismes flexibles de Kyoto, Claude Wiseler a précisé qu’il était bien dans l’intention du gouvernement de donner la priorité aux mesures nationales. Et d’ailleurs beaucoup est fait dans le domaine de la construction. Cependant, dans la mesure où des millions d’euros sont disponibles, il faut, selon le ministre, aussi considérer l’impact des mesures prises en termes de réduction d’émission. Il faut donc nous donner les instruments nécessaires pour pouvoir mesurer l’effet à court et à long terme de l’argent investi.

Pour ce qui est de la contribution financière du Luxembourg, Jean Colombera a tenu à souligner que le Luxembourg était lui aussi dans une crise sociale et qu’il fallait donc aussi songer à inviter les autres pays à investir également 0,7 % de leur RNB dans l’aide au développement.

André HoffmannAndré Hoffmann s’est prononcé contre l’idée que le surplus d’aides au développement aille, comme cela a été proposé par le ministre des Affaires étrangères dans sa déclaration du 17 novembre 2009, à la lutte contre le changement climatique. Car l’enjeu du changement climatique est tel qu’il ne faut pas lésiner sur les moyens et qu’il faut prévoir plus de financement.

Sur ce point, le ministre Wiseler a tenu à préciser que l’aide au développement continuerait et que les mesures en matière de lutte contre le changement climatique seraient additionnelles. Il a précisé qu’en aucune façon les mesures ne seraient comptabilisées à la fois dans le cadre de l’aide au développement et dans celui de la lutte contre le changement climatique.