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L’Europe au centre des interventions lors de la réception du Nouvel An de la FEDIL
21-01-2010


FedilLa FEDIL avait convié le 21 janvier 2010 à la réception du Nouvel An des entreprises. L’Europe était un des sujets principaux des interventions de Robert Dennewald, le président de la FEDIL, et de ses invités, Viviane Reding, la commissaire européenne désignée à la Justice et aux Droits fondamentaux dans la Commission Barroso II qui prendra bientôt ses fonctions, et le Premier ministre et président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker.  

Les patrons veulent une Europe forte et un retour aux normes du pacte de stabilité

Robert Dennewald avait un message clair à délivrer sur l’Europe de la part des patrons luxembourgeois. Partant du constat que "depuis la fin de l’année 2008, l’Union européenne a été frappée par la plus importante crise économique de son histoire", il a fait l’éloge de l’intervention politique : "Les dirigeants politiques nationaux et européens n’ont pas ménagé leurs efforts pour coordonner leurs actions afin de freiner la libre chute vers la récession et d’éviter le pire." Un autre éloge est allé à "la gouvernance économique de l’Europe, assurée par la Banque Centrale Européenne et par l’Eurogroupe" : "Sans leur réaction rapide et ciblée, je n’ose pas imaginer l’embarras dans lequel nous nous serions trouvés."

Evoquant "une lueur d’espoir" donnée par "la reprise économique dans certaines parties du globe et les prévisions de croissance plus positives pour l’Union européenne", le président de la FEDIL a affirmé le "besoin, au-delà des actions à prendre sur le plan national, d’une approche coordonnée et cohérente au niveau de l’Union européenne. En effet, les efforts individuels des Etats membres ne suffiront pas et ne porteront pas leurs fruits sans la coordination et la collaboration assurées par le modèle institutionnel européen."

Le patron des patrons a exigé ensuite "qu’après les plans de conjoncture mis en œuvre dans les différents Etats membres de l’Union européenne, il est grand temps de penser à une stratégie de sortie des programmes de relance" et demandé "un retour aux règles du pacte de stabilité (...) dans les meilleurs délais." Une politique économique et monétaire durable, le renforcement du marché intérieur, "moteur de la relance de notre économie", un regard nouveau de l’Europe vers les marchés émergents, sont selon lui les grands axes d’une politique de reprise économique.

Et pour que les entreprises européennes puissent conquérir de nouveaux marchés, elles ont besoin "d'un soutien d’une Europe forte et d’une Europe prête à combattre toute forme de concurrence déloyale". Cela vaut entre autres dans le cadre de la politique de lutte contre le changement climatique. Après l’échec de la Conférence de Copenhague que la FEDIL regrette, car elle avait souscrit aux objectifs de réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre jusqu’en 2020, la fédération patronale met en garde contre une "avancée unilatérale supplémentaire de la part de l’Union européenne." Elle demande plutôt aux dirigeants européens "de nous garantir un environnement réglementaire stable qui nous permettra de planifier à long terme nos mesures de réduction des émissions de carbone." Et d’ajouter : "Aussi revendiquons-nous une position forte de l’UE dans la lutte contre les fuites de carbone et contre la concurrence déloyale de ceux qui refusent de suivre l’Europe dans sa démarche climatique."

Robert Dennewald a conclu la partie européenne de son intervention en plaidant pour "une Europe institutionnellement stable", celle du traité de Lisbonne, et pour une Commission dont le rôle de "gardienne des traités" sera primordial "dans ce nouveau paysage institutionnel", car "elle devra veiller à se faire respecter et à respecter les intérêts de tous les Etats membres, peu importe leur taille et leur poids politique."

Pour Viviane Reding, commissaire européenne désignée, l’Europe du traité de Lisbonne va de pair avec celle de la Charte des droits fondamentaux

Viviane Reding, "première femme à prendre la parole devant la FEDIL", selon les mots de Robert Dennewald, reprit la balle en déclarant que s’il était bien qu’une femme parle devant les patrons, ce serait encore mieux si bientôt, plus de femmes étaient assises parmi l’assistance.

Pour la commissaire européenne, le traité de Lisbonne est le résultat d’un processus qui a pris 10 ans pour aboutir, et les réformes que l’UE va traverser maintenant seront fondamentales, bien plus fondamentales que d’aucuns veulent l’admettre. L’Union s’est dotée selon elle de la meilleure des Chartes des droits fondamentaux du monde, puisque droits de l’homme, droits sociaux et droits relatifs à la protection des données ou à la bioéthique y trouvent tous leur place. Tout un chacun devrait lire et appliquer cette Charte. Pour toute directive de l’UE, on procédera à un examen de son impact sur les droits fondamentaux au niveau européen mais aussi national. La nouvelle Commission a décidé, pour souligner son caractère juridiquement contraignant, de prêter serment devant la Cour de Justice des Communautés européennes à Luxembourg sur la Charte des droits fondamentaux.

Au centre de l‘UE, et la Charte des droits fondamentaux le dit, il y a pour Viviane Reding l’économie sociale de marché, la liberté d’entreprise, le droit de propriété, mais aussi le droit des salariés à l’information, le droit de grève. La Commission sera désormais le lieu de la coordination économique, plutôt que le Conseil, où les Etats membres ont tendance à trop se ménager les uns les autres. Le mot "solidarité" revient souvent dans le traité de Lisbonne, mais pas seulement pour la défense, les catastrophes ou le social. La politique économique européenne est également un acte de solidarité selon Viviane Reding. Le marché intérieur et l’euro le montrent et en sont le liant. 

Les grands axes de travail de la nouvelle Commission seront l’agenda UE 2020, la consolidation financière et la réduction du surendettement public, où la confirmation de Jean-Claude Juncker à la tête de l’Eurogroupe constitue un gage de solidité et de stabilité du suivi, le renforcement du marché intérieur basé sur le rapport que l’ancien commissaire Mario Monti a été chargé de rédiger en octobre 2009, l’Europe des citoyens, où le rapport Lamassoure montre des pistes, la réduction des coûts transfrontaliers en général, bref une politique qui est aussi une vision de l’Europe.

Jean-Claude Juncker a évoqué avec réalisme les enjeux de la reprise économique pour l’Europe et la nécessité d’une coordination des politiques économiques

L’accent de l’intervention de Jean-Claude Juncker fut moins optimiste. La crise actuelle est une crise globale qui touche tous les secteurs de l’économie, ce qui la différencie d’autres crises du 20e siècle. La croissance mondiale autour de 2 ou 3 % sera avant tout portée par les économies émergentes. La reprise dans la zone euro sera timide, voire médiocre. Le Luxembourg renouera peut-être en 2011 avec son niveau atteint en 2007. Quatre années auront été perdues. Il faut, pour réagir, "une action vigoureuse des pouvoirs publics et des partenaires sociaux. Les gouvernements ne devront pas modérer le débat, mais agir. "Au Luxembourg, il y a un pilote dans l’avion", et il y aura "une feuille de route", car les finances publiques sont loin d’être consolidées, et le risque d’un déficit public global de 5 % existe.

Le Luxembourg, qui est selon Juncker une petite sous-économie de la zone euro, est largement tributaire de la politique économique de ses voisins. Voilà un constat fondamental du Premier ministre à partir duquel il décline la politique économique intérieure et extérieure de son gouvernement. "Si nos voisins mènent une mauvaise politique économique, le Luxembourg en sera la victime." D’où "l’ardente obligation de coordonner nos politiques économiques" et d’aller vers une "gouvernance économique européenne", concept que Juncker préfère à celui de "gouvernement économique de l’Europe", rejeté par les partenaires de la France qui l’a proposé. Mais si l’Allemagne entame plus tôt que d’autres une stratégie de sortie de crise, et si la France pousse plus vers la dépense publique, si l’Allemagne continue de miser surtout sur l’exportation, si ces deux grands prennent d’autres directions, il y  aura un désastre. S’ils prennent par contre ensemble la même direction, ce sera bénéfique pour le Luxembourg. Le pays est trop, petit pour peser avec ses choix propres, mais s’il y a coordination des politiques économiques, il pourra peser sur le choix des autres. Ce dont il importe donc en Europe, c’est de discuter des bonnes stratégies de sortie de crise et d’âtre solidaires, en accompagnant par exemple la Grèce dans son redressement.

L’Europe, a insisté Jean-Claude Juncker, n’est pas responsable des grands déséquilibres globaux. Expliquer cela aux autres dirigeants dans le monde fait partie de son travail autant que gérer la monnaie commune, mener avec les partenaires de la zone euro une réflexion globale et limiter les dégâts. Pour dépasser la crise, l’Europe doit nouer des relations amicales avec toutes les parties du monde, y compris l’Afrique. L’Europe doit apprendre à devenir modeste. Elle perd en importance démographique, elle vieillit, elle n’a plus le leadership du monde. Mais à la fin, l’enjeu des discussions actuelles, ce sont selon Juncker moins les limites de l’Europe que sa capacité à mettre en avant son génie propre au service de l’humanité.