Du 8 février au 23 avril 2010, le Centre virtuel de la Connaissance sur l’Europe (CVCE) avait organisé un concours scolaire international qui s’adressait aux écoles luxembourgeoises, françaises et polonaises et qui a permis à plus de 3 000 élèves de découvrir les idéaux qui ont inspiré Robert Schuman : valeurs de solidarité entre les peuples sur lesquelles doit se construire la citoyenneté européenne. Les questions portaient sur l’histoire de la construction européenne et les réponses étaient à trouver dans le dossier spécial "Des origines du plan Schuman au traité CECA" mis en ligne dans la bibliothèque numérique du CVCE (www.ena.lu).
Le 17 mai 2010, les élèves lauréats du concours ont été récompensés lors de la cérémonie officielle de remise des prix en présence de la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle, Mady Delvaux-Stehres, et de représentants du Centre d’études et de recherches européennes Robert Schuman, des Fondations Robert Schuman de Paris et de Varsovie, de l’association Civisme et démocratie (CIDEM), et de la représentation de la Commission européenne au Luxembourg.
Les questions du concours étaient élaborées en fonction du niveau des participants. Il y a une classe gagnante par niveau (collèges et lycées) et par pays (Luxembourg, France et Pologne), soit six classes au total.
Les classes gagnantes sont pour le niveau I
la 4e 2 du Collège Jules-Bastien Lepage de Damvillers (France)
la 5e CM1 du Lycée technique Mathias Adam de Pétange (Luxembourg)
la 3e B du Publiczne Gimnazjum nr 3 w Ostrowcu Świętokrzyskim d’Ostrowiec (Pologne)
Pour le niveau II, ce sont les classes de
1e S2 du Lycée St-Exupéry de Terrasson (France)
2e D2 du Lycée Aline Mayrisch de Luxembourg
2nde D du Liceum Ogólnoksztacce nr 3 w Zabrzu de Zabrze (Pologne)
A l’issue de la remise des prix, les élèves ont assisté à une table-ronde avec Jacques Santer, ancien Premier ministre et président de la Commission européenne, Jean-Marie Pelt, militant MRP et ami personnel de Robert Schuman, ainsi que François Roth, professeur émérite à l’Université de Nancy et auteur d’une biographie sur Robert Schuman.
Dans son allocution de bienvenue, Marianne Backes, directrice du CVCE, a abordé la vision et l’engagement de Robert Schuman qui l’ont aidé dans la transposition politique de sa vision et des valeurs telles que la solidarité entre les peuples. Elle a cependant tenu à souligner que la paix durable, résultant de la réconciliation de la France et de l’Allemagne après la Deuxième guerre mondiale, reste fragile. Suivant le slogan du CVCE "Knowing the past to build the future", Marianne Backes a encouragé les élèves lauréats du concours de continuer à s’engager pour l’Europe.
Nadège Mougel, responsable du projet, a quant à elle rappelé les modalités du concours qui a connu un grand succès et qui a même été annoncé dans les académies de Guadeloupe et de Guyane. 145 classes, soit plus de 3 300 élèves luxembourgeois, français et polonais, s’étaient inscrites au concours qui s’est déroulé dans le cadre du programme européen "Jeunesse en action". A la suite du concours, le CVCE organise un séminaire sur le thème "Jeunes et valeurs fondatrices" du 17 au 21 mai 2010 qui réunira les deux classes lauréates françaises et les deux classes lauréates polonaises. Lors de tables-rondes, d’ateliers pédagogiques et d’activités, les élèves seront amenés à réfléchir sur les spécificités culturelles des pays européens et sur l’identification de valeurs communes. Les jeunes lauréats luxembourgeois iront pour leur part en Pologne du 14 au 18 juin 2010.
Ernst Moutschen de la Représentation de la Commission européenne au Luxembourg a rappelé dans son intervention que la Déclaration Schuman, dont le 60e anniversaire a été fêté le 9 mai lors de la fête de l’Europe, a permis à deux générations de vivre dans une Europe sans guerre. Du processus d’intégration est issue une Union européenne basée sur des valeurs communes de solidarité et de justice, réunissant 27 Etats membres et 500 millions de citoyens vivant en paix et en prospérité, ainsi que dans le respect des droits fondamentaux, et jouissant de la liberté de circulation. Abordant l’Année européenne de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale 2010, Ernst Moutschen a cependant rappelé que bon nombre de citoyens ne participent pas à ce partage de richesse. Pour lui, la nouvelle stratégie Europe 2020 peut sortir de la crise et préparer l'économie de l'UE pour la décennie à venir. Ce sont les réalisations concrètes de la vision de Schuman qu’il faut continuer à faire, comme il n’a pas manqué de le faire remarquer.
Pour Magali Balent de la Fondation Robert Schuman de Paris, le concours a montré que les idéaux de Schuman sont des idéaux d’avenir. "Le fait que les jeunes s’intéressent à l’idée européenne prouve que ce n'est pas une idée obsolète, ainsi que certains le prétendent", a-t-elle déclaré. Pour elle, le concours a par ailleurs révélé l’existence d’une Europe citoyenne capable de s’exprimer et d’œuvrer à la réalisation du projet européen.
Jean-René Louvet de l'inspection académique de Moselle a relevé l’ouverture des frontières dans le cadre du processus d’intégration. "C’est ça l’Europe concrète", a-t-il déclaré en saluant l’idée d’avoir invité "la jeune Europe" à participer au concours.
Mady Delvaux-Stehres a également évoqué ses souvenirs de jeunesse lorsqu’elle s’est rendue en France. Il ne fallait pas acheter trop de raisins pour les ramener au Luxembourg parce que cela posait problème à la frontière, se souvient-elle. Tout en se disant séduite par l’idée du concours de familiariser les jeunes avec l’idée du projet européen, elle a encouragé les élèves à continuer à être les ambassadeurs de l’Europe parmi les jeunes d’aujourd’hui.
Lors de la table-ronde, Jacques Santer, ancien Premier ministre luxembourgeois et président de la Commission européenne, s’est montré très fier du fait que Robert Schuman soit né dans le quartier de Clausen à Luxembourg. "Tous ceux qui ont fait l’Europe étaient d’ailleurs des hommes de frontières et ils savaient que les frontières avaient amené des difficultés", a-t-il déclaré en citant Robert Schuman, Konrad Adenauer, Joseph Bech et Paul-Henri Spaak. Rappelant que Robert Schuman a fait sa déclaration seulement cinq ans après la Deuxième guerre mondiale, alors que l’Allemagne était encore démolie en grande partie, Jacques Santer a tenu à insister sur l’importance de la réconciliation entre les frères ennemis de l’époque qui a fondé la paix durable en Europe. Abordant la crise actuelle de l’euro, il a expliqué qu’on peut surmonter toutes les crises à condition qu’on ait une vision et qu’on soit "animé du désir d’unir" comme Robert Schuman.
Jean-Marie Pelt a évoqué ses souvenirs d’enfance. Tous les samedis, il a déjeuné chez Robert Schuman. Au menu : une omelette à la ciboulette. "Je ne voyais pas l’homme politique dans Robert Schuman", a-t-il expliqué, "mais surtout l’extrême douceur de son tempérament". Comme l’avait déjà souligné auparavant Anna Radwan-Röhrenschef de la Fondation Robert Schuman de Varsovie, Robert Schuman était persuadé que la Pologne allait rejoindre les pays de l’Europe de l’Ouest dans le processus d’intégration européen. Pour Jean-Marie-Pelt, son "deuxième grand-père", comme il a appelé Robert Schuman, était un homme d’actualité : il était écologique, il aimait beaucoup la nature, il était très spirituel, l’idée de l’unité dans la diversité lui était très chère, il était courageux et avait une forte volonté politique. Par ailleurs, il était attentif aux besoins et aspirations des jeunes et demandait sans cesse ce qu’ils en pensaient. "Cet homme va rester dans l’histoire parce qu’il est présent dans toutes les valeurs qui émergent dans notre Europe", a-t-il déclaré. En guise de conclusion, il a salué le concours du CVCE, une initiative qui "redonne du souffle à l’Europe", qui "donne du sens, de la force et de l’espérance à l’idée européenne".
François Roth a quant à lui insisté sur la double culture de Robert Schuman, jeune Lorrain né au Luxembourg, qui a fait ses études de droit en Allemagne. L’historien est d’ailleurs d’avis que Schuman, qui parlait la langue luxembourgeoise, était culturellement Luxembourgeois. Il a rappelé les épreuves vécues par le père de l’Europe avant et pendant la guerre, ses mois en prison, ses innombrables changements de résidence pour échapper à la police allemande… Pour François Roth, Robert Schuman se caractérisait notamment par sa volonté politique et sa ténacité pour réaliser son plan qui se basait sur trois idées : aller vers le supranationalisme sans supprimer la souveraineté des Etats nationaux, avancer par des réalisations concrètes en créant d'abord une solidarité de fait, et procéder par étapes en commençant par la "petite Europe" des six. L’objectif ultime de ce plan n’était pas la création de la CECA, mais d’une paix durable fondée sur la réconciliation et la coopération entre les Etats européens. Pour conclure, il s’est adressé aux élèves en citant Robert Schuman : "On ne naît pas Européen, on le devient".