La Chambre des députés a eu à l’ordre du jour de sa session plénière du 1er juin 2010 un débat concernant l’avenir de la place financière luxembourgeoise. Le sujet, lancé à l’initiative du président du DP, Claude Meisch, est intimement lié aux grandes questions qui ont animé l’UE au cours des derniers mois et qui continuent de faire débat : secret bancaire, directive UCITS IV, réglementation en matière de hedge fonds, surveillance financière, surveillance des agences de notation ou encore taxe sur les transactions financières. Le président du groupe politique socialiste, Lucien Lux, avait d’ailleurs demandé une heure d’actualité sur ce dernier point qui a donc été discuté par la même occasion.
Claude Meisch, dans son interpellation, est revenu sur les propositions faites dans la "feuille de route pour la place financière" présentée par son parti le 20 mai 2010. Des propositions saluées par le ministre Luc Frieden qui a souligné le consensus existant, dans les grandes lignes, sur la nécessité de mettre en place le cadre nécessaire au développement de la place financière luxembourgeoise. Celle-ci, comme il n’a pas manqué de le rappeler, constitue le pilier de l’économie luxembourgeoise et est essentielle en termes de recettes fiscales.
Les propositions du DP viennent ainsi nourrir la réflexion constante que le gouvernement entend mener en concertation avec les acteurs de la place financière sur la stratégie de cette dernière, car il s’agit pour cette place internationale et diversifiée de rester avant tout compétitive. Pour le ministre, le débat arrive donc fort à propos à un moment où, en raison de la crise financière, du G 20, de nouveaux sujets en discussion en termes de régulation, la stratégie luxembourgeoise doit justement être adaptée.
Cette place financière diversifiée repose sur de nombreux piliers que le gouvernement entend soutenir. Parmi eux, le private banking fait l’objet d’une attention particulière en raison des discussions qui sont en cours au niveau européen pour mettre fin au secret bancaire luxembourgeois. Pour Luc Frieden, le débat ne doit pas se limiter à se prononcer pour ou contre le secret bancaire, mais il s’agit de se demander aussi quel est l’impact, en termes d’image pour le pays et pour la place financière, d’une position strictement défensive du Luxembourg sur ce dossier.
"Le gouvernement n’a pas l’intention de céder à court terme à la volonté forte des autres Etats membres de mettre fin au secret bancaire", a précisé le ministre qui ne veut cependant pas non plus refuser systématiquement et sans apporter d’arguments toute nouvelle proposition mise sur la table. Le credo est de protéger la sphère privée des investisseurs, mais s’il faut tenir à ses principes, il faut aussi tenir compte des évolutions en cours, car même une décision unilatérale dans un autre pays peut finalement avoir des conséquences sur le secret bancaire au Luxembourg.
Comme il l’a déjà fait à maintes reprises, Luc Frieden a donc rappelé la volonté du Luxembourg d’un débat ouvert et technique en Europe, et il a avancé une nouvelle fois sa proposition de généraliser au niveau européen le principe d’un impôt à la source tel qu’il est pratiqué au Luxembourg. Il a cependant aussi appelé les banques à profiter des prochaines années pour investir dans la qualité et dans le savoir-faire pour rester concurrentes quoiqu’il arrive.
En ce qui concerne les fonds, "le Luxembourg doit conserver sa position de leadership au sujet des directives européennes qui sont discutées en ce moment". La directive UCITS IV est un dossier particulièrement important et Luc Frieden a annoncé son intention de présenter au plus vite un projet de loi concernant sa transposition au Luxembourg, et ce dès que les règlements d’exécution de la directive seront approuvés. Il s’agira de veiller à ce que le paysage fiscal reste attractif en proposant, entre autres, un cadre réglementaire aux nouveautés introduites par la directive sur les OPCVM (Organismes de placement collectif en valeurs mobilières, plus connus sous leur acronyme anglais UCITS) qui tienne compte de ce que fait la concurrence.
L’adaptation régulière du cadre réglementaire doit ainsi se faire en tenant compte des intérêts des investisseurs qu’il s’agit de protéger. Dans ce contexte, Luc Frieden a annoncé qu’il attendrait la prochaine proposition de la Commission européenne avant de présenter un projet de loi sur la garantie de dépôt.
Dans la prospective de nouveaux clients et de nouveaux marchés, les règles européennes sont essentielles aux yeux de Luc Frieden. Mais le ministre met aussi en garde contre une "sur-régulation" d’un secteur financier qui est déjà le secteur de l’économie le plus réglementé.
L’essentiel est de veiller à éviter les risques générés par des produits trop complexes et de ce fait pas assez transparents. L’exemple du manque de transparence des hedge funds est à ce titre représentatif et Luc Frieden a donc salué à nouveau le pas en avant que constitue l’accord trouvé le 18 mai dernier pour mieux encadrer ces fonds spéculatifs.
Il s’agit aussi de surveiller "autrement" les agences de notation, et Luc Frieden a mis en avant les propositions déjà faites en ce sens par la Commission européenne en rappelant que la Commission entend proposer dans les prochains jours de donner des moyens d’agir aux autorités de surveillance européennes en cas de fausse évaluation.
La question de l’introduction d’une taxe sur les transactions financières, qui connaît ces derniers temps un regain d’intérêt, avait été mise à l’ordre du jour de la session par Lucien Lux qui a insisté sur la nécessité de restaurer le primat de la politique sur l’économie et qui a appelé l’UE à faire front sur cette question au G 20 de Toronto.
Si le consensus sur la coresponsabilité des banques aux origines de la crise financière et sur la nécessité de leur contribution financière au titre de la lutte contre la crise semble général, Luc Frieden a cependant souligné que les objectifs visés par les uns et les autres étaient souvent bien différents. S’agit-il en effet d’augmenter la charge fiscale de l’industrie financière ou bien de rendre plus difficiles les activités financières à hauts risques ?
Les débats tournent en Europe autour de quatre sujets :
Le débat est donc loin d’être clos en Europe comme l’a expliqué Luc Frieden.
A ses yeux, une taxe sur les transactions financières n’aurait de sens que si elle visait à limiter les activités spéculatives à hauts risques. Si l’ensemble des pays européens étaient prêts à introduire, à l’unanimité, une telle taxe, le Luxembourg, qui ne peut de toute façon agir seul pour limiter les activités à risque, s’y montrerait favorable.
Pour autant, Luc Frieden est bien conscient que le G20 ne permet pas d’obtenir l’accord des grandes places financières internationales sur une telle taxe, il sera difficile de trouver l’unanimité en Europe pour introduire dans l’UE une telle taxe financière.