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Recherche et société de l'information
La Commission part à la rencontre des opérateurs et spécialistes des médias pour pouvoir mettre en œuvre sa stratégie numérique
09-07-2010


La Commission européenne a présenté en mai 2010 un grand projet de stratégie numérique européenne qui avait été dès lors salué par le ministre François Biltgen.

Une stratégie numérique pour l'EuropeCet agenda numérique européen, qui s’inscrit pleinement dans les grands objectifs de la stratégie Europe 2020, a pour principales ambitions de doter les citoyens européens d'un accès à l’Internet haut débit, de créer un marché unique du numérique et de développer la recherche et l'innovation dans le domaine des TIC. Le mot d’ordre est de se donner les moyens de rester compétitif, et ce en exploitant au mieux les technologies.

La Commission voit en effet les TIC comme un moteur de croissance et son souci est donc d’agir au plus vite pour faire profiter tout le monde des avantages de l’ère numérique. L’impact de l’évolution du numérique se fait en effet sentir tant dans l’économie que la vie quotidienne et il ne faut pas perdre de vue que ce secteur présente aussi un potentiel important pour ce qui est de faire face aux grands défis de la société européenne, qu’ils soient environnementaux ou démographiques.

Aux yeux de la Commission, l’agenda numérique qu’elle propose comme base de travail pour les cinq années à venir s’adresse donc à tous et nécessitera l’implication et l’engagement du plus grand nombre possible d’acteurs pour pouvoir être mis en œuvre. C’est ce qui justifie la démarche un peu particulière qu’elle a lancée en allant à la rencontre des opérateurs du secteur, très vaste, du numérique et en procédant à des rencontres informelles qui vont nourrir l’évolution de l’agenda.

C’est aux premiers pas de ce dialogue d’un genre nouveau, de cette méthode de "policy making" qui se veut ouverte, inclusive et évolutive qu’a pu assister Europaforum.lu le 9 juillet 2010 dans les locaux de la Commission européenne à Luxembourg.

Des opérateurs aussi variés que Luxtrust, SES Astra, la FEDIL, LuxTelecom, mais aussi des représentants des différents ministères compétents, ou encore le CVCE, la Le paysage numérique : dynamiques et freinBNL ou le SNJ ont ainsi participé à un échange informel et constructif.

L’idée de base de la Commission est de lancer un effet boule de neige en partant de principe que plus on offre de contenus attractifs au-delà des frontières, plus on stimule la demande et plus on motive les investissements dans les réseaux qui vont permettre d’améliorer l’offre de contenus et de services, etc…

Pour arriver à amorcer cette dynamique, les services de la Commission européenne ont donc identifié les barrières les plus importantes et les domaines dans lesquels un effort européen coordonné aurait un impact maximal. Les sept piliers de son action sont basés sur ces freins, et ils s’avèrent que les enjeux soulevés par les opérateurs présents sont intrinsèquement liés à ces grands axes d’action identifiés.

Restera donc à voir quels instruments vont être développés pour pouvoir agir aussi vite que le requiert l’évolution très rapide de ce secteur au sein de ce cadre que les opérateurs ont jugé "bien pensé". Ils se sont tous montrés avides d’en savoir plus sur les actions qui seraient menées pour éviter, pour reprendre le bon mot d’un opérateur, que "la boule de neige ne se transforme en avalanche".

1. Créer un marché unique du numérique

La fréquentation du marché électronique est encore trop faible, et la Commission, en se basant sur une étude qu’elle a publiée en mai 2010, note que les transactions transfrontalières sont particulièrement problématiques. La Commission relève ainsi que seules 8 % des transactions effectuées dans l’UE sont transfrontalières, un problème lié à la crainte de ne pas voir aboutir une transaction notamment.

L’objectif est donc de créer un marché unique du numérique. La Commission espère ainsi que 50 % de la population européenne achète en ligne d’ici 2015 (contre 37 % aujourd’hui), mais elle entend aussi améliorer l’offre, faciliter les paiements et les facturations ou encore offrir un cadre permettant de régler les litiges liés à l’e-commerce. De même l’objectif est de passer à 20 % de transactions transfrontalières.

L’offre de téléchargement légal est par ailleurs bien trop limitée. Il va donc falloir tenter de simplifier la gestion des droits d’auteurs, permettre l’octroi de licences transnationales pour qu’un public aussi large que possible puisse avoir accès une offre qui permette de respecter les droits d’auteur. Ce problème a d’ailleurs été soulevé par plusieurs opérateurs, qu’ils aient le profil de grands médias, de portails publics ou encore de PME. La question non résolue des permis de diffuser sur plusieurs territoires (multi-territorial licensing) empêche par ailleurs aussi la diffusion de programmes dans toute l’UE.

Selon les calculs de la Commission, ces améliorations sur le marché du numérique pourraient avoir pour impact une croissance de 4 points du PIB européen.

2. Améliorer la normalisation et l'interopérabilité dans le domaine des TIC

Le manque d’interopérabilité est lui aussi problématique. La question est donc de trouver comment exploiter au mieux les normes et les standards existants et d’identifier par ailleurs les nouveaux standards qu’il s’agit de développer.

La Commission européenne s’est vue appeler à plusieurs reprises à soutenir plus les standards européens plutôt que de laisser les entreprises américaines "fixer les règles du jeu".

3. Renforcer la confiance et la sécurité

Le manque de confiance est un problème majeur, et la peur d’effectuer un paiement en ligne, les craintes liées à la protection des données personnelles ou encore la protection des jeunes apparaissent comme des freins importants au développement du numérique.

La Commission entend donc mieux prévenir, mieux détecter les risques et mieux agir contre la cybercriminalité. Un réexamen de la directive sur la protection des données personnelles est donc prévu, ainsi que de celle sur la signature électronique.

Par ailleurs, la Commission va soutenir, dans le cadre de son programme Safer Internet qui est géré à Luxembourg, des services d’assistance visant à signaler des contenus de nature illicite, tout en poursuivant et en approfondissant sa collaboration avec les Etats membres pour enseigner la sécurité en ligne dans les écoles.

Le besoin d’éducation aux risques – concernant par exemple les données personnelles – et de façon plus générale à l’environnement numérique a fait l’objet de riches échanges. L’expérience du Luxembourg en matière de sensibilisation dans les écoles – un module de formation est en effet obligatoire en classe de 7e et l’approche tend à devenir plus horizontale - a en effet fait l’objet de toute l’attention de la Commission européenne qui entendait se nourrir de l’expérience du SNJ, qui intervient dans les écoles luxembourgeoises, afin d’orienter la mise en œuvre de la stratégie. Les discussions ont d’ailleurs ouvert de possibles coopérations, certains opérateurs particulièrement au fait des risques en matière de protection des données ayant émis le vœu de venir intervenir auprès des classes.

Au-delà de la nécessaire sensibilisation des publics aux risques, le principe de "security by design" a aussi été mis sur la table, l’idée étant de sensibiliser aussi les ingénieurs des entreprises de développement.

La question de la protection des données a émergé de façon récurrente dans ce cadre. Un des problèmes majeurs soulevés est la question de l’exploitation des données recueillies, qui peut être intelligente, comme le montre les pratiques de "profiling" de certains géant du e-commerce, mais aussi frauduleuse. Il n’existe en effet aucun moyen de contrôler l’utilisation faite.

La Commission, consciente des risques, entend d’ailleurs réviser la directive sur la protection des données en 2010 afin de l’adapter à l’évolution technologique en se basant sur les résultats d’une consultation lancée en juillet 2009.

4. Améliorer l'accès des Européens à l'internet rapide et ultrarapide

L’objectif de la Commission est d’atteindre une couverture totale dans l’UE d’ici 2013 puis d’atteindre d’ici 2020 un débit de 100 Mbps pour 50 % des citoyens européens. Le Luxembourg fait là figure de pionnier puisqu’il tend pour sa part à un débit de 1 Gbps pour l'ensemble de sa population à l'horizon 2020 et il a dans ce domaine un rôle exemplaire à jouer vis-à-vis des autres pays européens.

Un plan d’action devrait être présenté d’ici la fin de l’année et la mise en œuvre se fera en coopération avec les Etats membres. Le financement de ces infrastructures étant l’enjeu capital, la BEI doit participer à la mise en œuvre de ce plan.

Certains opérateurs présents n’ont pas manqué d’appeler la Commission européenne à une nécessaire "neutralité technologique". Ils se sont ainsi montrés critiques à l’égard du déploiement de la fibre optique qui, si elle optimale pour la diffusion du haut débit dans les milieux urbains, est loin d’être adaptée pour les zones plus reculées qu’il va s’agir d’atteindre si une couverture totale est visée. Leur message à la Commission est donc de ne pas la favoriser de façon unilatérale mais bien de veiller à la complémentarité des différentes technologies.

Autre remarque formulée dans le même cadre : ne pas faire confiance au volontarisme des Etats membres qui ont contribué grandement à privilégier la fibre optique dans leurs plans nationaux et qui n’ont parfois pas hésité à utiliser une partie de l’enveloppe prévue au développement d’Internet dans les zones rurales pour l’agriculture...

5. Stimuler la recherche de pointe et l’innovation

Le manque d’investissements dans la recherche est aussi un des freins identifiés par la Commission qui relève notamment que les investissements réalisés aux Etats-Unis sont nettement plus importants.

Son objectif est donc de doubler les investissements publics annuels dans l’UE pour atteindre 11 milliards d’euros, un processus qui devrait avoir un effet de levier et motiver les investisseurs privés. Par ailleurs, il va s’agir de faciliter l’accès à ces financements et de coordonner les efforts menés dans l’UE.

Cette question de la recherche et de l’innovation est elle aussi revenue à plusieurs reprises dans les discussions, la plupart des acteurs notant l’avance prise par les Etats-Unis en la matière. Et il s’avère, comme l’a noté un des représentants de la Commission européenne, que le problème ne réside pas toujours dans la recherche elle-même, mais plus dans la capacité à valoriser les résultats des projets de recherche.

Les PME se sentent quant à elles discriminées, notamment dans le domaine de la commercialisation d’applications conçues en Europe, n’arrivant pas à atteindre la masse critique, de sorte que les marchés vont à des firmes américaines.

Cette domination technologique américaine est apparue comme un fil rouge dans la bouche des opérateurs, même si certains ont aussi mis en avant l’avance prise en Europe dans certains domaines, comme la signature électronique.

6. Doter tous les Européens de compétences numériques et leur donner accès à des services en ligne

Le manque de formation explique par ailleurs l’exclusion d’un pan encore trop important de la société des bénéfices d’Internet. Ainsi, un tiers de la population n’a jamais utilisé Internet dans l’UE, ce qui est souvent lié à des facteurs comme l’âge et la formation. Cette forme d’exclusion ne touche au Luxembourg que 11 % de la population.

La Commission a l’intention de diviser par deux le nombre de personnes n’ayant jamais utilisé Internet et elle va notamment cibler les personnes âgées. Par ailleurs, il va falloir aussi cibler la formation de professionnels des TIC ; une pénurie importante en experts s’annonce en effet aux yeux de la Commission qui craint un manque de 700 000 experts !

7. Libérer le potentiel des TIC pour en faire bénéficier la société

Le cloisonnement des marchés numériques limite l’efficacité des efforts faits de part et d’autre pour répondre aux grands défis sociétaux. La Commission entend donc œuvrer pour promouvoir le développement de services administratifs en ligne, mais aussi pour faire en sorte que les services de base puissent être accessibles de façon transfrontalière – l’exemple des marchés publics a notamment été cité. Par ailleurs des initiatives en matière d’e-Santé et d’accès à la culture, comme la bibliothèque numérique Europeana, vont faire l’objet d’une grande attention.

Comment les choses vont-elles se mettre en place ?

La question est apparue de façon récurrente dans les commentaires des opérateurs qui s’inquiétaient tant de la mise en œuvre des actions qui vont être proposées, que de leur suivi sur la durée. Ils ont aussi appelé à associer de façon plus directe que cela n’a été fait auparavant les opérateurs économiques qui sont la "cheville ouvrière" de cette stratégie.

Le modèle de gouvernance imaginé par la Commission prévoit une implication de tous les acteurs. En interne, dans la mesure où l’agenda numérique est un sujet transversal, les différents commissaires concernés vont travailler ensemble. En externe, l’objectif est de faire évoluer la stratégie numérique en fonction des consultations dans les différents pays. Selon ce principe, plus les acteurs prendront position, plus ils seront écoutés. Et, en plus de répondre aux appels de la Commission pour consulter les acteurs, il est aussi possible de se faire entendre par le biais d’une enquête accessible en ligne depuis la page du site de la Commission consacrée à la stratégie numérique européenne.

La Commission entend assurer un suivi précis de chacune des actions qui sera mise en œuvre et évaluer à un rythme annuel les progrès réalisés. Les résultats de ces évaluations seront publiés chaque année au mois de mai et une assemblée rassemblant les acteurs du secteur devrait se réunir dans la foulée pour dresser un état des lieux. C’est sur cette base que sera ensuite rédigée, toujours à un rythme annuel, une communication qui devra être soumise au Conseil européen.