Compte tenu de la division persistante des Etats membres de l’UE sur la question des OGM, il revient à la Commission européenne de trancher et de décider en dernier recours des autorisations d’organismes génétiquement modifiés, cela notamment sur la base des avis scientifiques émis par les experts de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Ainsi, la Commission envisage de présenter le 13 juillet 2010 une proposition destinée à surmonter les divisions entre les 27 gouvernements européens sur cette question, en laissant le choix aux Etats d'appliquer ou non les autorisations de culture décidées au niveau européen. Pour le parti des Verts, il s’agit-là d’un marchandage censé briser l’opposition aux OGM au sein de l’UE. Ils sont d’avis que la Commission essaye, en promettant des pseudo-droits nationaux en matière d’interdiction des OGM aux Etats membres critiques, de les empêcher de s’exprimer au niveau européen contre de nouvelles autorisations.
L’eurodéputé Claude Turmes a précisé que la nouvelle proposition de la Commission se compose en effet d’un article complémentaire à la directive 2001/18/CE sur la dissémination d'organismes génétiquement modifiés, ainsi que d’une recommandation juridiquement non contraignante sur la coexistence entre l’agriculture conventionnelle ou biologique, et l’agriculture OGM.
Revenant sur les conclusions du Conseil "Environnement" du 4 décembre 2008, Claude Turmes a rappelé que les ministres avaient alors insisté sur la nécessité d’une évaluation détaillée des effets à long terme des OGM sur l'environnement, sur l'étude les conséquences potentielles pour l'environnement des changements dans l'utilisation d'herbicides, ainsi que sur l’évaluation des conséquences socioéconomiques des disséminations volontaires et de la mise sur le marché des OGM.
D’après l’eurodéputé, le président de la Commission européenne, José Mauel Barroso, n’a cependant pas tenu compte de la demande du Conseil de ne pas continuer à mener une politique pro-OGM. Bien au contraire, il a enlevé les procédures d’autorisation pour les OGM des compétences de la direction générale "Environnement" et les a mises aux mains de John Dalli, commissaire "pro-OGM" responsable de la Santé et de la Politique des Consommateurs. Selon Claude Turmes, ce dernier a imposé l’autorisation de quatre plantes OGM, dont la fameuse pomme de terre "Amflora", une semaine seulement après son entrée en fonction.
"Les deux propositions que la Commission entend présenter prochainement donnent l’apparence de conférer aux Etats membres plus de possibilités pour se protéger contre les OGM mais elles sont en vérité censées casser l’opposition des gouvernements critiques", a déclaré Claude Turmes en ajoutant que la clause de sauvegarde sera également affaiblie par les nouvelles propositions. Il a précisé par ailleurs que les Etats membres, lorsqu’ils voudront interdire à l’avenir des cultures OGM sur leur territoire, n’auront plus le droit d’utiliser les arguments de la protection de l’environnement, de la protection de la santé ou des risques de contamination pour justifier une interdiction. Ils pourront uniquement mentionner "des motifs éthiques vaguement définis et difficilement mesurables", dont les Verts craignent qu’ils ne donneront lieu à une vague de nouveaux procès devant la Cour de justice de l’UE. Au niveau international, les Verts redoutent en outre un affaiblissement de l’UE devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
En reprochant à la Commission de jouer le jeu de la non-transparence et du "divide et impera" tout en essayant d’accélérer les autorisations pour quelque 67 plantes OGM dans l’Union européenne, Claude Turmes a appelé le gouvernement luxembourgeois à ne pas accepter ce "marchandage". Il a mis en garde contre l’acquisition de pseudo-droits nationaux et a averti le gouvernement de ne pas se faire avoir par le jeu de la Commission.
Claude Turmes n’a par ailleurs pas manqué de critiquer la commissaire luxembourgeoise Viviane Reding qui se déclare opposée aux OGM, mais a en même temps fait passer l’autorisation d’Amflora et soutiendra très probablement la nouvelle proposition de la Commission. Lorsque celle-ci sera mise en œuvre, les Verts pensent que les Etats membres peu critiques à l’égard des OGM, tels que l’Espagne ou la Roumanie, vont massivement cultiver des plantes génétiquement modifiés, ce qui rendra possible la contamination insidieuse des produits de fourrage et des produits alimentaires sur le marché libre européen.
Les Verts revendiquent le retrait et le remaniement de la proposition de la Commission pour que la procédure d’autorisation des OGM dans l’UE soit enfin sérieuse et pour donner aux pays et aux régions la possibilité de se déclarer "zones sans OGM". Claude Turmes a également profité de l’occasion pour lancer un appel aux eurodéputés luxembourgeois à voter contre les propositions de la Commission une fois que celles-ci seront sur la table.
Le député Henri Kox, qui a abordé pour sa part le volet national de la problématique, espère que le gouvernement luxembourgeois s’engagera au niveau européen contre la nouvelle disposition. Il a rappelé que la loi du 18 mars 2008 sur la "coexistence" entre cultures OGM et non-OGM, qui fixe des distances d'isolement des cultures génétiquement modifiées par rapport aux cultures conventionnelles, rend quasiment impossible la culture d’OGM au Luxembourg, notamment parce que les champs sont très parcellisés. Cependant, si la France, l’Allemagne ou la Belgique décidaient d’autoriser la culture d’OGM, les courtes distances permettraient toutefois aux abeilles de récolter le pollen et de l’échanger dans la nature à travers les frontières géographiques. Voilà pourquoi les Etats membres de l’Union européenne devraient procéder de façon concertée.
"Le Luxembourg, dont 90 communes se sont déjà déclarées zones sans OGM et qui est très engagé dans la Grande Région, se montre extrêmement critique à l’égard des cultures OGM", a souligné Henri Kox. La Chambre des députés et le ministre de la Santé, Mars Di Bartolomeo, s’étaient exprimés le 10 mars 2010 contre l’autorisation de la pomme de terre "Amflora", ainsi qu’il a tenu à le rappeler. Pour les Verts, il faut maintenant veiller à ce que les produits de fourrage ne soient pas importés "par la porte de derrière". Dans ce contexte, l’obligation de marquage sera d’une grande importance afin que le consommateur puisse vérifier s’il s’agit d’un produit OGM ou non.
Le député vert a par ailleurs cité quelques exemples qu’il juge positifs, tels que des grandes laiteries ou l’Autriche qui ont déclaré mettre sur le marché uniquement des produits laitiers sans OGM. En outre, les Verts encouragent le gouvernement luxembourgeois à faire des progrès concernant la recherche dans le domaine des OGM. Les partis politiques et la société luxembourgeoise étant très réticents à l’égard des OGM, Henri Kox pense que ces problèmes doivent être discutés rapidement afin d’organiser une opposition du côté luxembourgeois.