Le 16 septembre 2009, les députés européens réunis en plénière à Strasbourg ont accordé à la majorité leur confiance à José Manuel Barroso en vue de son investiture en tant que futur président de la Commission européenne. Seul candidat à ce poste, José Manuel Barroso avait présenté ses orientations politiques aux différents groupes parlementaires d’un Parlement qui ne lui était pas acquis d’emblée.
José Manuel Barroso a recueilli, sur les 718 eurodéputés qui se sont exprimés, 382 voix favorables à sa reconduction, 219 voix contre et 117 abstentions.
C’est finalement avec les voix du Parti populaire européen (PPE), famille politique dont il est lui-même issu, du groupe des Conservateurs et Réformistes européens et de l’Alliance des Démocrates et Libéraux en Europe (ADLE), dont il a su arracher le soutien dans les jours qui ont précédé ce scrutin malgré une forte opposition de certains de ses membres, que José Manuel Barroso s’est vu investir pour un nouveau mandat de cinq ans à la tête de la Commission européenne.
Les six députés luxembourgeois ont tous participé au vote, s’en tenant, pour la plupart d’entre eux aux choix de leurs partis respectifs. Ainsi les trois députés du CSV ont-ils accordé leur confiance à Barroso, non sans toutefois faire part, tant Astrid Lulling , Georges Bach que Frank Engel, de certaines exigences ou réserves, tandis que Claude Turmes, comme la plupart des Verts, a voté contre l’investiture du candidat portugais. Robert Goebbels, qui s’est montré souvent critique à l’égard de la Commission Barroso, a pour sa part voté contre, et ce alors que le groupe de l'Alliance progressiste des Socialistes & Démocrates (S&D) allait en grande partie s’abstenir, ce qui revenait, dans la mesure où le vote est acquis sur la base de la majorité simple, à consentir l’investiture de l’unique candidat au poste de président de la Commission. Charles Goerens quant à lui s’en est tenu à ce qu’il avait toujours annoncé et, à l’encontre de la majorité des membres de son groupe politique, il a donc voté contre l’investiture de Barroso.
Jean-Claude Juncker, qui s’est entretenu avec José Manuel Barroso après sa réélection, a déclaré: "Le vote sans équivoque du Parlement européen est un gage de confiance pour José Manuel Barroso pour un second mandat à la tête de la Commission européenne. Le Parlement suit ainsi la proposition du Conseil européen qui avait nommé M. Barroso à l’unanimité pour ce second mandat. Il est essentiel que M. Barroso puisse inscrire son action dans la continuité compte tenu de la période difficile que nous traversons actuellement. J’ai félicité M. Barroso et je l’ai assuré de ma détermination entière d’œuvrer avec lui pour une Union européenne toujours plus étroite et solidaire où les intérêts de nos concitoyens devront toujours être au centre de nos préoccupations."
Si Georges Bach a voté pour Barroso, c’est avant tout que telle était la consigne de son groupe politique, le PPE. Le syndicaliste chrétien a cependant jeté un regard critique sur le candidat et son programme, et n’avait pas fixé sa position avant d’avoir entendu Barroso. Pour lui, le programme de Barroso est ambitieux et l’homme, a-t-il souligné, est pro-européen, ce qui est important et mérite pour Bach le soutien à un moment où les eurosceptiques prédominent. Pour Georges Bach, "dans son programme, on ressent qu’il veut faire avancer l’Europe".
Georges Bach sait bien que, jaugé sur la base de la dimension sociale, Barroso a été "dans le passé trop libéral et a mis les intérêts économiques devant les intérêts sociaux. Mais je crois qu’il a compris le message de la campagne pour les élections européennes, et il a pris des engagements, notamment sur la question de la directive sur le détachement des travailleurs". "Mais s’il dit qu’il veut plus de social dans l’UE, cela ne me tranquillise pas", précise Georges Bach qui poursuit en déclarant : "je peux entamer un premier bout de chemin avec lui, surtout s’il veut un peu plus d’Etat et de régulation, mais il faut voir ses actes, même s’il me semble qu’il a inclus la dimension sociale dans son discours".
Un point important pour Georges Bach est l’intention de Barroso de fonder un véritable partenariat avec le Parlement européen. "Je suis d’accord, car le Parlement européen est élu par les citoyens. Si Barroso la veut, alors il y aura une discussion ouverte et franche avec lui, et ce sera un développement important".
Georges Bach comprend les sceptiques qui continuent de se méfier de Barroso. Et le grand nombre d’abstentions montre pour lui à quel point cela a été difficile de se prononcer pour ceux qui ont tenu compte de ses lacunes, mais aussi des grands développements qu’il a gérés, comme l’élargissement ou la politique de lutte contre la crise. La prochaine étape sera de voir comment José Manuel Barroso concevra le dispositif de sa commission. S’il pose problème, le Parlement européen risque de ne pas le suivre sur tous les points. Bref, pour Bach c’était un "oui critique, car la décision n’était pas facile" pour lui.
A quelques heures du vote, Frank Engel a expliqué sur les ondes de la radio 100,7 qu’il accorderait sa confiance à José Manuel Barroso tout en regrettant que les orientations politiques qu’il a présentées ne fassent pas mention de mesures concrètes en ce qui concerne la réorganisation des marchés. Pour le jeune eurodéputé conservateur cela ne veut pas dire pour autant que Barroso dise à chacun ce qu’il veut entendre, comme cela lui a été souvent reproché.
"Au cours de ces derniers mois, lorsque cela aurait été nécessaire, [Barroso] n’a pas réussi à expliquer clairement quelles étaient ses convictions précises en matière d’économie sociale de marché et de modèle européen en matières économique et sociale", a ainsi déclaré Frank Engel. "Pour le reste, il a présenté 50 pages dans lesquelles il a traité des douzaines de sujets différents. Il avait deux possibilités. Soit, il faisait dans le détail et il rédigeait un annuaire téléphonique. Or, il n’en avait pas le temps, et de toute façon cela n’aurait servi à rien car cela n’aurait intéressé personne. Soit, il se limitait dans une série de domaines politiques à des déclarations plus ou moins compromettantes, dont il espérait qu’elles plairaient à un grand nombre de députés européens afin qu’ils votent pour lui", a-t-il expliqué pour la défense du président de la Commission désormais investi pour un nouveau mandat.
S’il était certain qu’Astrid Lulling allait accorder, comme ses collègues du Parti populaire européen, son vote à l’investiture de José Manuel Barroso comme président de la Commission européenne, l’eurodéputée luxembourgeoise a tenu à s’en expliquer à la veille du vote par voie de communiqué.
Ainsi, sa "position part d'un quadruple constat". Tout d’abord, le Conseil européen, qui réunit les 27 chefs d'Etat et de gouvernement, a proposé la candidature de José Manuel Barroso à l'unanimité. Par ailleurs, la députée PPE rappelle que les élections européennes de juin 2009 ont vu la confirmation des partis de centre-droit et ont conduit à une défaite des forces de gauche. La candidature de Barroso, soutenue par le PPE, a donc reçu aux yeux d’Astrid Lulling, qui estime que les vainqueurs des élections peuvent revendiquer pour eux le droit de désigner un des leurs, une légitimation démocratique.
Il n'y pas, qui plus est, d'alternative à la nomination de José Manuel Barroso, "aucune solution de rechange n'ayant même été envisagée sérieusement". Enfin, si "les reproches qui sont adressés au président de la Commission sortant ne sont pas tous injustifiés" selon l’eurodéputée, "ils perdent beaucoup de leur validité en méconnaissant un fait essentiel, à savoir que la Commission est une force de proposition et que ce sont les Etats membres (et parfois les députés européens) qui disposent. Rendre seul responsable M. Barroso pour la situation difficile que connaît l'Europe est un reproche qui ne résiste pas à une analyse sérieuse."
Ce soutien, "qui est clair et net", Astrid Lulling l’assortit "toutefois d'un certain nombre d'attentes voire d'exigences".
Ainsi qu’Astrid Lulling le formule, il ne lui "déplairait pas que M. Barroso manifeste au cours de son second mandat un peu plus d'indépendance d'esprit, notamment vis-à-vis des grands Etats membres de l'Union européenne, et qu'il inscrive son action dans le seul objectif de servir l'intérêt général communautaire. Une Commission forte est une Commission respectée qui incarne l'intérêt général. Par le passé, la Commission de M. Barroso a ponctuellement pu céder à certaines facilités, notamment dans le cadre des travaux du G20."
L’eurodéputée regrette par ailleurs que "la Commission ait tendance à évoluer vers un conglomérat de commissaires, plus ou moins libres d'agir selon leur convenance dans leur domaine de compétences". Une évolution "dangereuse" à ses yeux, "car elle nuit à l'unité d'action de la Commission, particulièrement dans ces temps difficiles de crise". Pour Astrid Lulling en effet, "la collégialité des commissaires va de pair avec une certaine cohérence" et elle prie donc José Manuel Barroso "de peser de tout son poids pour répondre à cette exigence", ce dont elle le juge capable.
Enfin, Astrid Lulling, qui rappelle que "la crédibilité des propositions de la Commission tient aussi à leur originalité", aimerait "que l'institution `gardienne des traités´ soit au cours des prochaines années intraitable sur les acquis communautaires et retrouve sa force originelle, à savoir sa capacité à montrer le chemin autour de projets mobilisateurs pour les Européens."
Comme le rapporte Olivier Tasch dans le Jeudi daté du 10 septembre 2009, "le papier de Barroso est pur `verbiage´" pour Robert Goebbels qui se demande "qui peut croire qu'il va changer la politique qu'il a menée ces cinq dernières années". Pour l’eurodéputé socialiste, Barroso a fait dans les orientations politiques qu’il a présentées au Parlement européen "du remplissage, il n'a ignoré aucun thème mais il n'y a pas de nouvelles idées, pas de perspectives".
A l’issue du vote, Robert Goebbels a déclaré avoir voté "contre un deuxième mandat du Président Barroso, car [il] estime que l’Europe aurait dû prendre en ces temps troubles un nouveau départ politique, avec une femme ou un homme politique moins inféodé(e) aux intérêts des grands pays de l’Union européenne". "Monsieur Barroso a néanmoins recueilli une majorité confortable" a-t-il poursuivi, formulant le vœu que Barroso utilisera cette majorité "pour construire une Commission forte capable d’ouvrir de nouveaux horizons à l’Union européenne".
Bien que le groupe parlementaire des libéraux se soit finalement décidé à accorder sa confiance à José Manuel Barroso, Charles Goerens a fait le choix de rester sur une position qu’il avait eu l’occasion de défendre à de nombreuses reprises. Quelques jours à peine avant le vote, il avait donc confirmé à la presse luxembourgeoise qu’il n’accorderait pas sa voix à José Manuel Barroso.
Ainsi que le rapporte Olivier Tasch dans un article intitulé "Opération séduction" et publié dans l’édition du Jeudi du 10 septembre 2009, l’eurodéputé libéral ne s’est pas laissé convaincre par les orientations politiques que Barroso a présentées aux membres du Parlement européen, même s’il lui reconnaît "une détermination impressionnante".
"S'il n'a rien contre l'homme", raconte le journaliste, "Charles Goerens reste toutefois `incrédule sur son bilan´, en particulier la manière dont il a géré le début de la crise, où seuls les Grands ont eu leur mot à dire". Dani Schumacher rapportait dans le Wort du 11 septembre les propos de Charles Goerens sur Barroso qui aurait "échoué en ne faisant rien contre le chaos institutionnel de l’Union". Pour l’eurodéputé en effet "l'égalité statutaire n'a pas été respectée, les petits pays ont été mis au second plan, pourtant c'est précisément dans les phases cruciales que les institutions doivent fonctionner".
Un argument que l’eurodéputé libéral a réitéré en expliquant son vote le 16 septembre 2009. Charles Goerens tient en effet au "respect de la méthode communautaire" qui "garantit l´implication de tous les Etats membres tout comme des institutions communautaires dans les processus décisionnels et ce dès le stade initial" et que José Manuel Barroso a appelé de ses vœux le 15 septembre, lors de son allocution devant le Parlement européen. Charles Goerens regrette ainsi que "la façon d'aborder la crise bancaire et financière par le G4 en 2008 ait été à l'opposé du respect de ladite méthode", soulignant qu’alors "on attendait en vain le rappel à l'ordre par le Président Barroso". "Vous auriez dû imposer le respect de la méthode communautaire en 2008 par les propos que vous avez tenus hier" a donc lancé Charles Goerens en s’adressant à un candidat qu’il n’a pas soutenu.
Dans une tribune publiée dans le Tageblatt du 14 septembre 2009 et titrée "Barroso le bluffeur", Claude Turmes annonçait une fois de plus qu’il n’accorderait pas sa confiance à José Manuel Barroso. Expliquant qu’il avait eu l’occasion de le connaître au cours des 5 ans qu’ont duré son dernier mandat à la tête de la Commission européenne, Claude Turmes lui accorde certes d’être "prévenant" mais il lui reproche de rester "insaisissable" sur le plan politique, de "toujours éviter les questions concrètes" ou encore d’avoir un "penchant marqué pour l’opportunisme".
L’eurodéputé vert, qui n’accorde pas foi à "l’apparente grande passion pour l’intégration européenne" revendiquée par Barroso dans ses orientations politiques, reproche à ce dernier de se plier, dans les moments décisifs, à la volonté des puissants. Un constat qui pousse Claude Turmes à affirmer que "5 années de plus de Barroso continueraient à faire de l’UE un club des grands aux petites ambitions. Ce qui serait à ses yeux mauvais pour l’Europe et pas bon pour les petits pays comme le Luxembourg".
Aux yeux de Claude Turmes, "l’objectif principal" du candidat portugais à la présidence de la Commission "est et reste : aussi peu de régulation et autant d’ouverture des marchés que possible". En bref pour Claude Turmes, "voter pour Barroso sur la base de ce papier serait irresponsable et sot". Il appelait donc les eurodéputés, notamment socialistes et libéraux, à ne pas accorder leur voix à Barroso qui n’est "pas la bonne personne pour ces temps difficiles".
A l’issue du vote, Claude Turmes a insisté sur la courte majorité avec laquelle José Manuel Barroso a été élu. Ainsi, si son programme politique et son équipe doivent être investis par le Parlement, ils auront besoin d’une majorité qualifiée de 376 voix, alors que le président de la Commission a été reconduit pour un nouveau mandat avec 382 voix.
L’eurodéputé vert estime que "les conservateurs et les libéraux ont prouvé, en donnant leur accord à un président de la Commission qui place les libertés du marché avant les droits sociaux fondamentaux, qui ne s’implique pas sérieusement dans la lutte contre le changement climatique, qui ne veut pas fixer de règles strictes contres les spéculations financières et qui désire faire de la Commission de plus en plus un directoire des grands Etats membres, qu’ils ne sont pas intéressés par un changement politique sérieux".
Claude Turmes regrette aussi que le groupe socialiste ne se soit pas positionné clairement contre cette réélection mais ait au contraire "fait l’autruche". Et il trouve "révélateur" que le LSAP ait au Luxembourg "apparemment laissé les mains entièrement libres à son partenaire de coalition et ait laissé passer de la sorte un néolibéral à la tête de la Commission".
Pourtant, et ce fut d’ailleurs la première réaction, à chaud, de Claude Turmes sur les ondes de RTL Radio, l’eurodéputé vert se réjouit du fait que les opposants à Barroso se trouvent en bonne position pour négocier avec le président de la Commission. Car ce dernier va devoir mobiliser dans les rangs des socialistes et des verts pour s’assurer une majorité stable. Claude Turmes espère donc que les forces progressistes s’uniront dans les prochaines semaines pour arracher au président de la Commission des concessions significatives en matière de politiques sociales et environnementales.