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"L’UE doit défendre ses intérêts et ses valeurs avec plus d’assurance et dans un esprit de réciprocité", c’est la conclusion d’un Conseil européen marqué par les vives tensions entre la France et la Commission au sujet des Roms
16-09-2010


Le Conseil européen extraordinaire du 16 septembre 2010 avait notamment pour objectif de "donner une nouvelle Jean-Claude Juncker s'exprime devant la presse à l'issue du Conseil © 2010 SIP / JOCK FISTICKimpulsion aux relations extérieures de l'Union européenne" et les ministres des Affaires étrangères des 27 étaient donc eux aussi présents à Bruxelles pour cette journée de travail.

Si les vifs échanges entre la France et la Commission européenne au sujet des Roms semblent avoir défrayé toutes les chroniques, elles ont aussi jeté dans l’ombre de leur éclatante violence les résultats du Conseil. Tant et si bien que Jean-Claude Juncker, cité par Guy Kemp dans un article paru dans le Tageblatt du 17 septembre 2010, aurait même estimé que "nous aurions pu nous épargner ce sommet".

L’UE doit "défendre ses intérêts et ses valeurs avec plus d'assurance et dans un esprit de réciprocité et de bénéfice mutuel"

Le Conseil européen a notamment mis en avant, selon ses conclusions, la nécessité pour l'Europe de "défendre ses intérêts et ses valeurs avec plus d'assurance et dans un esprit de réciprocité et de bénéfice mutuel". Herman Van Rompuy, qui a souhaité lancer avec ce Conseil un nouveau processus visant à renforcer les synergies et la coordination en matière de politique étrangère, a annoncé que le Conseil européen jouerait à l’avenir un plus grand Jean Asselborn et Jean-Claude Juncker à l'occasion de la conférence de presse qui a suivi le Conseil européen du 16 septembre 2010 © 2010 SIP / JOCK FISTICKrôle en la matière.

Comme le rapporte Marisandra Ozolins dans un autre article du Tageblatt, Jean Asselborn a cependant appelé de ses vœux une meilleure coordination entre Herman Van Rompuy et Catherine Ashton, laquelle n’a d’ailleurs pas tenu de conférence de presse à l’issue du sommet. Jakub Adamowicz rapporte lui dans le Luxemburger Wort, que le chef de la diplomatie luxembourgeoise souhaiterait une plus forte implication des ministres des Affaires étrangères dans l’élaboration de la politique étrangère. Le traité de Lisbonne offre d’ailleurs de nouvelles possibilités a-t-il précisé, ajoutant que sans une telle implication, "l’élaboration réussie d’une politique étrangère européenne serait à peine possible à long terme".

L’UE et…le reste du monde : petit tour des orientations prises pour les mois à venir

Dans un premier temps, le Conseil s’est penché sur les orientations générales à donner dans la perspective d'un certain nombre d'événements à venir, comme les différents sommets prévus avec la Corée du Sud, les pays de l’ASEM, l’Inde, l’Afrique, l’Ukraine, la Russie ou encore les Etats-Unis, mais aussi des événements comme le sommet du G20 ou encore la conférence de Cancun sur le changement climatique.

Il a donc été notamment question du sommet UE-Chine qui aura lieu en octobre et au cours duquel Herman Van Rompuy a promis que "nous parlerons au nom des 27". Jean Asselborn a cependant réitéré ses appels à se prononcer sur des points plus "concrets", et il a évoqué la question des visas pour les touristes chinois, la reprise des négociations sur la levée de l’embargo sur les armes qui pourrait se faire en échange de plus grands efforts de la Chine en matière de droits de l’homme.Jean-Claude Juncker entouré d'Angela Merkel, de Catherine Ashton et de Dalia Grybauskaite © 2010 SIP / JOCK FISTICK

Jean-Claude Juncker a insisté quant à lui, en tant que président de l’Eurogroupe, pour que les pays de la zone euro fassent preuve de "plus d'insistance" dans leurs discussions sur les taux de changes avec la Chine car selon lui "le yuan est toujours sous-évalué".  Pour le Premier ministre luxembourgeois, la politique étrangère consiste en effet aussi à "mieux expliquer ce qu’est la zone euro". Il s’est du reste montré tout aussi critique à l’égard du Japon pour être intervenu le 15 septembre sur le marché des changes afin d'abaisser la valeur du yen, une intervention qu’il n’a pas trouvée bienvenue.

Quant au G 20, dont la France va prendre la présidence en 2011 et qui a de ce fait présenté ses orientations, Jean Asselborn a expliqué que Paris voulait faire du G20, qui est actuellement un instrument de crise, un instrument pour la stabilité se préoccupant aussi des besoins des pays les plus pauvres.

Si elle salue la reprise de pourparlers directs entre Israël et Palestine, l'UE a appelé Israël à prolonger le moratoire sur la colonisation, "illégale au regard du droit international", dont l'expiration est prévue fin septembre. 

L'UE réitère également son appel "à un arrêt complet de toute violence, en particulier des tirs de roquettes et des attaques terroristes". Il est "indispensable que les parties fassent preuve de calme et de retenue et s'abstiennent d'actions qui pourraient affecter négativement le cours des négociations", souligne le texte adopté.

Cette demande intervient au lendemain d'une rencontre à Jérusalem entre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le président palestinien Mahmoud Abbas, à l'issue de laquelle M. Abbas a menacé de cesser les pourparlers si la construction de colonies juives se poursuivait. Jean Asselborn a fait part de ses craintes qu’une "mauvaise décision" ne "fasse voler en éclats" les négociations dans les prochains jours.

Les ministres européens des Affaires étrangères se sont mis d'accord sur le principe d'une baisse des droits de douanes de l'UE pour favoriser les exportations du Pakistan et aider le pays après les désastreuses inondations.  L'UE s'engage à offrir "exclusivement au Pakistan un accès accru" au marché européen, "par le biais d'une réduction immédiate et limitée dans le temps des tarifs douaniers sur des importations clé du Pakistan en conformité avec les règles de l'OMC". A plus long terme, l'UE s'engage à octroyer à partir de 2014 le régime de  préférences douanières généralisées "GSP+" au Pakistan, "pourvu qu'il remplisse les critères" qui permettent de l'octroyer.

Le ministre luxembourgeois, qui a souligné combien les différences de vues sur le sujet peuvent être grandes d’un Etat membre à l’autre, a par ailleurs appelé à ce que l’UE prenne une décision de principe dans le courant de l’année à venir afin de déterminer si la Turquie a devant elle de réelles perspectives d’adhésion pleine à l’UE ou non.

Feu vert pour l’accord de libre échange avec la Corée du Sud, une première dans les relations entre UE et Asie

Un des grands succès du Conseil est d’avoir pu adopter une décision autorisant la signature et l'application provisoire d'un accord de libre-échange avec la Corée du Sud. L’accord, qui est le premier de ce type signé avec un pays d’Asie datait d’octobre 2009 et l’Italie, qui s’y opposait jusque là au nom de ses inquiétudes pour son industrie automobile, a finalement levé son veto.

L'accord prévoit une libéralisation progressive, par les deux parties, du commerce de marchandises et de services et définit des règles concernant des questions liées au commerce, telles que la concurrence et les aides d'État, la propriété intellectuelle et les marchés publics. Il devrait être signé lors du sommet UE-Corée du Sud à Bruxelles le 6 octobre et entrer en vigueur le 1er juillet 2011.

Cet accord commercial bilatéral, le "plus ambitieux jamais atteint" par l'Europe, représente "un pas très important dans l'ouverture des marchés asiatiques pour nos entreprises", a déclaré le ministre des Affaires étrangères belge, Steven Vanackere.

L'accord prévoit en effet l'élimination par les deux parties de 98,7 % des droits de douane, en valeur des échanges commerciaux, tant pour les secteurs industriels que pour l'agriculture dans les cinq années à venir et la disparition presque totale des droits de douane restants sur des périodes de plus longue durée.

Herman Van Rompuy entend bien terminer son rapport pour octobre mais il n’exclut pas que les travaux de la task force sur la gouvernance économique ne se poursuivent au-delà

Pendant le déjeuner, Herman Van Rompuy a tenu à faire le point sur le travail de task force qu’il préside sur la gouvernance économique. Le président du Conseil européen a tenu à dissiper tous les doutes émis, notamment par Jean-Claude Juncker, quant à sa capacité à terminer et remettre au Conseil européen d’octobre 2010 son rapport définitif.

Selon les propos de Jean-Claude Juncker rapportés par Guy Kemp dans le Tageblatt, l’introduction d’un semestre européen fait l’objet d’un grand consensus et il devrait être question à terme de donner plus de poids à la question de la compétitivité des Etats membres, le manque de compétitivité de la Grèce comptant en effet selon le Premier ministre parmi les problèmes à l’origine de la crise grecque. D’après le président de l’Eurogroupe, si les 27 sont d’accord sur le principe de sanctions automatiques contre les pays ne respectant pas les critères en matière de déficit, reste cependant à savoir quand et selon quelles méthodes mettre cette idée en pratique. Jean-Claude Juncker a proposé la mise en place de deux types de règles, faisant la distinction entre les membres de la zone euro et les autres membres de l’UE.

Herman Van Rompuy a expliqué pour sa part que l’on se concentrait d’abord sur une réforme du pacte de stabilité qui n’impliquerait pas de modification du traité européen. Si les chefs d’Etat et de gouvernement européens devaient conclure en octobre à la nécessité de changer le traité, la task force poursuivrait ses travaux. Et il n’a pas exclu, au vu des exigences allemandes, que les travaux de la task force entrent dans une deuxième phase et se poursuivent au-delà du mois d’octobre.  

Les Roms s’invitent bien malgré eux et à grand fracas au Conseil

L’atmosphère du Conseil européen a cependant été surtout marquée par les vives tensions, dont toute la presse s’est fait l’écho, entre Nicolas Sarkozy et José Manuel Barroso au sujet de la question des Roms. Après les vives réactions qui ont suivi la déclaration de Viviane Reding le 14 septembre dernier, les expulsions de Roms en France se sont donc invitées à grands fracas au Conseil.

Le Premier ministre bulgare, Boyko Borissov, a ainsi raconté aux journalistes présents à Bruxelles, qu’il y avait eu "un échange très violent entre le président de la Commission et le président français".  Au cours de la conférence de presse de clôture, Herman Van Rompuy a tenté de ramener chacun à la raison, en rappelant qu'il était "essentiel" que les relations entre les Etats et la Commission européenne soient empreintes de "respect" mutuel.  Jean-Claude Juncker lui a évoqué un échange "mâle et viril".

Jakub Adamowicz raconte dans l’édition du Wort du 17 septembre 2010 que Jean-Claude Juncker aurait appelé José Manuel Barroso à la veille du sommet, le mercredi, afin de lui faire savoir que Nicolas Sarkozy l’aurait prié de convaincre Viviane Reding de faire des excuses à la France pour sa déclaration du 14 septembre. "Pourquoi la Commission devrait-elle s’excuser ? Ce serait plutôt à la France de s’excuser auprès de la Commission!" Telle fut, selon le journaliste, la première réaction du président de la Commission et de Viviane Reding, qui se trouvait justement dans le bureau.

"Je pensais que l'Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la Deuxième Guerre mondiale" avait en effet lancé Viviane Reding avant d’avancer ses arguments contre la politique française et de laisser présager une possible procédure d’infraction à l’égard de Paris. Cette phrase, que Viviane Reding a prononcée en pensant aux progrès réalisés depuis cette sombre période en matière de droits de l’homme et de droit des minorités, a été interprétée par beaucoup comme un parallèle entre les expulsions faites par la France et les plus sombres pages de l’histoire de la seconde guerre mondiale.

Devant la presse, le président français s'en est durement pris aux déclarations de Viviane Reding, annonçant même que "la totalité des chefs d'Etat et de gouvernement ont été choqués par les propos outranciers" de la commissaire à la Justice. José Manuel Barroso a d’ailleurs reconnu que "dans la passion des débats, nous avons entendu des commentaires exagérés". Viviane Reding avait d’ailleurs regretté "les interprétations qui détournent l'attention du problème qu'il faut maintenant résoudre", expliquant qu’elle n’avait "en aucun cas voulu établir un parallèle entre la Deuxième Guerre mondiale et les actions du gouvernement français d'aujourd'hui". Jean-Claude Juncker lui-même a concédé que les propos controversés de Viviane Reding étaient "excessifs" et débordaient "les limites de ce qu’il convient de pouvoir se dire". Pour le Premier ministre luxembourgeois, "rien de ce qui s’est passé après 1945 jusqu’à nos jours ne peut être comparé à la persécution des juifs ; il s’agit là d’un amalgame malsain".

Mais le président de la Commission européenne a cependant clairement rappelé que "la discrimination des minorités ethniques est inacceptable" et il a appelé à "discuter des dossiers de substance", à ne pas se laisser "distraire des vrais problèmes". A savoir les critiques portées à la France en vertu du droit européen.

Nicolas Sarkozy aux côtés de Jean-Claude Juncker © 2010 SIP / JOCK FISTICKJean-Claude Juncker est allé dans le même sens, déclarant que la Commission européenne avait "parfaitement le droit de jouer son rôle, qui consiste à faire en sorte que les traités de l’Union européenne soient observés par tous les États membres, qu’ils soient grands ou petits". Et il a même ajouté que "si la Commission ne revendiquait pas son droit d’enquête, elle manquerait à son devoir ".

"J’ai longuement parlé avec le président français de cette affaire, pour lui rappeler également qu’il n’est pas convenable que lorsqu’une commissaire européenne, qui est une ressortissante d’un État membre, s’exprime, qu’on charge de façon invective le pays d’origine de cette commissaire", a par ailleurs déclaré Jean-Claude Juncker avant de rappeler qu’un commissaire ne représente pas son pays à partir du moment où il est nommé.

"Il n’y a pas d’injonction du gouvernement luxembourgeois sur les propos que la commissaire luxembourgeoise peut avoir", a ajouté encore le Premier ministre qui a dit aussi ne pas "accepter pas les propos de certains ministres français, qui nous expliquent qu’un commissaire d’un petit État membre n’as pas le droit de faire la leçon aux grands États membres". 

Le Premier ministre Jean-Claude Juncker a conclu en disant : " J’ai tenté d’apaiser les choses, mais je ne voudrais pas que cette affaire malencontreuse soit utilisée pour lancer des attaques injustifiées contre mon pays. "