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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination
Les propos rapportés du président Sarkozy, qui suggère à Viviane Reding d'accueillir des Roms au Luxembourg, déclenchent de vives réactions
Jean Asselborn juge ce propos "malveillant", mais rencontrera son homologue français le 16 septembre. Astrid Lulling défend Sarkozy, Reding, les règles européennes et le Luxembourg.
15-09-2010


Tout à coup, le Luxembourg se situe au centre de la tourmente européenne autour de la question des Roms, parce que le fait que commissaire européenne en charge des droits fondamentaux est de nationalité luxembourgeoise a conduit à toutes sortes d'amalgames. 

Selon des propos rapportés par des sénateurs français à l'issue d'un déjeuner, le président de la République française, Nicolas Sarkozy, aurait ainsi suggéré le 15 septembre 2010 à la commissaire européenne Viviane Reding, qui a critiqué les renvois de Roms par la France, d'accueillir des Roms au Luxembourg, son pays. C’est ce qui ressort des déclarations des sénateurs Bruno Sido et Michel Houel à l'issue d'un déjeuner avec le président français.

"Il dit qu'il ne faisait qu'appliquer les règlements européens, les lois françaises et qu'il n'y avait absolument rien à reprocher à la France en la matière mais que si les Luxembourgeois voulaient les prendre il n'y avait aucun problème", avait rapporté un sénateur du parti présidentiel, Bruno Sido. "Il a dit que notre politique était la bonne et qu'il était scandaleux, il s'en expliquera d'ailleurs demain (à Bruxelles lors d'un Conseil européen), que l'Europe s'exprime de cette façon sur ce que fait la France."

Son collègue Michel Houel a confirmé que Nicolas Sarkozy avait indiqué que "le commissaire européen habite le Luxembourg, qui est très proche de la France, nous serions très heureux si le Luxembourg pouvait aussi accueillir quelques Roms".

Ce qui irrite particulièrement les responsables politiques français est la phrase suivante de Viviane Reding : "Je pensais que l'Europe ne serait plus le témoin de ce genre de situation après la Deuxième Guerre mondiale." Mais on passe sous silence qu’elle visait d’abord une circulaire émise en août par le ministère français de l'Intérieur, remplacée depuis, qui ciblait expressément les Roms pour les expulsions, un document que la Commission juge contraire aux valeurs et aux règles de droit européennes.

Pour ne pas envenimer les choses, Viviane Reding  a regretté "les interprétations qui détournent l'attention du problème qu'il faut maintenant résoudre. Je n'ai en aucun cas voulu établir un parallèle entre la Deuxième Guerre mondiale et les actions du gouvernement français d'aujourd'hui." Mais sur le fond, elle a réaffirmé "les principes et les valeurs sur lesquelles notre Union européenne est fondée" et pour cela, "la Commission européenne dans son ensemble se concentre sur l'application du droit de l'Union et sur le principe de la non-discrimination." La possibilité que la Commission ouvre dans les deux semaines une procédure d'infraction contre Paris, pouvant à terme conduire à la Cour de justice européenne, est toujours d'actualité.

La réaction de Jean Asselborn aux propos du président Sarkozy

Le ministre luxembourgeois des Affaires  étrangères Jean Asselborn a estimé que le président français s'était montré "malveillant" en conseillant à Viviane Reding d'accueillir des Roms dans  son pays, le Luxembourg, à la suite de ses critiques contre Paris.

"Ce n'est pas Viviane Reding en tant que Luxembourgeoise qui a parlé. Elle  est Luxembourgeoise d'origine, mais elle est commissaire et responsable pour le  domaine de la Justice. (..) Elle ne parle pas pour le Luxembourg et n'a pas pris d'instructions au Luxembourg. Faire cet amalgame là de la part de Nicolas Sarkozy entre la nationalité de la commissaire et le Luxembourg est quelque chose de malveillant. Il faut réagir à cet amalgame (...) je sais que Nicolas Sarkozy a des problèmes avec les Luxembourgeois, mais il ne faut quand même pas exagérer. Quant au fond, moi personnellement, je suis entièrement sur la ligne qui est conduite par la Commission." Jean Asselborn s’est néanmoins distancié  de la phrase de Viviane Reding qui fait référence à la Seconde Guerre Mondiale : "Je crois que quand on dit cela, on va trop loin." Par ailleurs, les chefs de la diplomatie française et luxembourgeoise devraient se rencontrer en marge du sommet européen pour faire retomber la température entre leurs deux pays et publier un communiqué commun en ce sens.

Astrid Lulling veut qu’à propos de la problèmatique des Roms, l’on sorte "de ce climat délétère"

La députée européenne Astrid Lulling (PPE) s’en prend, elle, dans un communiqué à "la surenchère verbale qui a succédé à l'instrumentalisation politique de la question des Roms en Europe" qui a créé selon elle "un climat délétère dont il convient de sortir au plus vite".

Pour la doyenne des députés européens, le vote de la résolution du Parlement européen qui critique la France "n'avait que pour but de clouer le président Sarkozy au pilori". La députée regrette "des dérapages incontrôlés, des comparaisons hasardeuses et des déclarations les plus intempestives de personnages de premier plan. De façon générale, je me refuse de participer à l'entreprise de diabolisation des autorités publiques françaises et je me garderai de juger une situation que ne je connais pas en détail."

Restent le volet institutionnel européen et le dénigrement du Luxembourg comme petit Etat : "Mais qu'un ministre français chargé des Affaires européennes ignore que la Commission européenne est bien la gardienne des traités, qu'une porte-parole de l'UMP fasse l'amalgame entre les déclarations d'une commissaire et le poids démographique de son pays d'origine - qui est en l'occurrence le mien - tout cela dénote une méconnaissance incroyable des rouages de l'Union européenne parmi le personnel politique. La Commission européenne, qui est un organe collégial, se doit d'incarner l'intérêt général européen et ne peut être aux ordres de quelque capitale européenne que ce soit."

Finalement, Astrid Lulling revient sur le fond du problème, où elle met en avant son réalisme teinté de pessimisme : "Les effets d'annonce doivent enfin céder la place à une politique européenne d'intégration des populations roms. Mais l'angélisme propre aux bien-pensants n'est pas de rigueur, car la question est très difficile, douloureuse et peut-être partiellement insoluble."