Si les mesures de reconduites à la frontière menées par la France à l’égard de Roms n’ont eu de cesse de susciter critiques et débats ces dernières semaines, les échanges ont pris le 14 septembre 2010 un nouveau tour.
La commissaire Viviane Reding avait fait preuve de prudence et de mesure lorsqu’elle s’était déjà exprimée sur le sujet le 25 août, puis devant le Parlement européen réuni en plénière le 7 septembre dernier, mais elle semble être sortie de ses gonds à la suite des déclarations faites le 13 septembre 2010 par le secrétaire d’Etat secrétaire français chargé des Affaires européennes, Pierre Lellouche.
Celui-ci a en effet réagi avec une certaine violence aux critiques pleuvant en Europe suite à la publication, le 10 septembre, d’une circulaire du Ministère de l’Intérieur datée du 5 août 2010 et appelant les préfets à évacuer des campements illicites en ciblant explicitement les Roms, ce dont le ministre de l’Immigration, Eric Besson, et lui-même s’étaient jusque là toujours défendu.
En marge du Conseil Affaires générales, Pierre Lellouche a ainsi dénoncé "le procès européen" fait à la France "pour la façon dont une circulaire est rédigée". Le secrétaire d’Etat français n’en est pas resté là, accusant la Commission européenne de "ne pas avoir fait grand chose pour les Roms" et contestant à la Commission son rôle de gardienne des traités. "Le gardien des traités c'est le peuple français", a-t-il en en effet asséné.
Le 14 septembre, Viviane Reding, qui a retracé dans sa déclaration toutes les démarches entreprises par la Commission européenne pour suivre au plus près l’évolution de la situation concernant les Roms en France, n’a pas manqué de souligner les doutes qu’elle avait pu exprimer à différentes occasions quant à la légalité des mesures françaises.
Elle a notamment rappelé que l’analyse préliminaire menée avait souligné, entre autres, que la France serait en violation des lois de l'Union européenne si les mesures prises par les autorités françaises lors de l'application de la Directive sur la libre circulation avaient ciblé un groupe particulier de personnes basé sur la nationalité, la race ou l'origine ethnique.
Elle n’a par conséquent pas manqué de faire part de son "profond regret" à l’idée que "les assurances politiques données par deux ministres français mandatés officiellement pour discuter de cette question avec la Commission européenne (à savoir Pierre Lellouche et Eric Besson) sont maintenant ouvertement en contradiction avec une circulaire administrative de ce même gouvernement".
"Le rôle de la Commission en tant que gardienne des Traités est rendu extrêmement difficile si nous ne pouvons plus avoir confiance dans les assurances données par deux ministres lors d'une réunion formelle avec deux commissaires et en présence de 15 fonctionnaires de haut niveau de part et d'autre de la table", a poursuivi la commissaire avant de lancer : "Vu l'importance de la situation, il ne s'agit pas d'une offense mineure. Après 11 ans d'expérience à la Commission, je dirais même plus, c'est une honte".
Rappelant que "la discrimination sur base de l'origine ethnique ou de la race n'a pas sa place en Europe", Viviane Reding a jugé "extrêmement troublant que l'un de nos Etats membres, à travers des actes de son administration, remette en question, de manière aussi grave, les valeurs communes et le droit de l'Union européenne".
Viviane Reding, qui a déclaré avoir pris note de la signature la veille d’une nouvelle circulaire éliminant toute référence à un groupe ethnique spécifique, a cependant appelé à ce que changent non seulement les mots, "mais aussi le comportement des autorités françaises" dont elle attend une explication rapide.
Viviane Reding a assuré que la Commission tiendrait compte de l'ensemble de ces évolutions ainsi que toute autre documentation pertinente dans son analyse juridique finale de la situation, laquelle doit être finalisée dans les jours qui viennent.
Mais elle s’est dite "personnellement convaincue" que "la Commission n'aura pas d'autre choix que d'ouvrir une procédure d'infraction à l'encontre de la France sur la base de deux motifs :
Si Viviane Reding entend bien donner aux autorités françaises le droit de soumettre dans les prochains jours leurs commentaires sur les nouveaux développements, elle a cependant mis en garde en déclarant que sa patience arrivait "à ses limites", ajoutant que "trop c'est trop". Car comme elle l’a souligné, "aucun Etat membre n'est en droit de s'attendre à un traitement spécial lorsque les valeurs fondamentales et le droit européen sont en jeu".
La vice-présidente de la Commission a saisi l’occasion pour exprimer son désaccord avec les déclarations faites la veille par Pierre Lellouche. Elle ainsi tenu à rappeler "le rôle de la Commission en tant que gardienne des Traités, qui est un des fondements de l'Union européenne – une Union dont la cohésion existe, non pas par la force, mais par le respect des règles de droit convenues par tous les Etats membres, y compris la France".