Bruxelles a accueilli les 6 et 7 septembre 2010 une série de réunions des ministres des Finances qui se sont retrouvés au sein de la task force sur la gouvernance économique, de l’Eurogroupe et du Conseil Ecofin.
L’ordre du jour des ministres des Finances des 16 Etats membres de la zone euro prévoyait des discussions sur l’amélioration de la coordination des politiques économiques dans la zone euro. À cet effet, les ministres ont analysé, sous la présidence de Jean-Claude Juncker, les discussions menées la veille au sein de la task force et ont discuté des méthodes de travail de l’Eurogroupe.
L’Eurogroupe a eu un échange de vues sur les conséquences de la non-participation de la Slovaquie au mécanisme de prêts à la Grèce. Il a écouté également les explications du directeur général de l'European Financial Stability Facility (EFSF) sur la mise en place de cette entité. Finalement, l’Eurogroupe a discuté de la réforme du Fonds monétaire international, notamment des aspects directement liés à la zone euro.
Au sein du Conseil Affaires économiques et financières, auquel a participé Luc Frieden, les ministres des Finances ont donné leur aval de principe à l’accord trouvé le 2 septembre dernier sur la supervision financière. La décision sera entérinée formellement sans discussion supplémentaire à l’occasion d’un prochain Conseil. Le Parlement européen doit encore adopter le texte, ce qui est attendu pour la prochaine session plénière.
Cet accord trouvé entre Commission, Conseil et Parlement européen est le fruit de longs mois de négociations et offre le cadre d’une réforme de la supervision du système financier européen dont la crise a révélé un certain nombre de lacunes. Il permettra la création d’un Conseil européen du risque systémique (CERS), qui aura fournira une analyse macro-prudentielle du système financier, et trois autorités européennes de surveillance couvrant les secteurs des banques, des marchés financiers et des assurances et des pensions professionnelles. Des institutions qui devraient être opérationnelles à partir du 1er janvier 2011.
Pour Luc Frieden, dont les propos sont rapportés dans l’édition du Tageblatt du 8 septembre 2010, il s’agit "d’un bon accord pour l’Europe et pour le Luxembourg".
Le Conseil Ecofin a aussi pris note des modifications apportées au code de conduite sur la mise en œuvre du pacte de stabilité et de croissance, ce qui permettra l’introduction du "semestre européen" dès le début de l’année prochaine.
Le "semestre européen", dont le principe avait été validé au printemps 2010, devrait permettre une meilleure coordination économique et budgétaire. Il s’agit en effet de se donner les moyens de détecter toute incompatibilité et tout déséquilibre naissant en surveillant pendant une période de six mois chaque années les politiques économiques et budgétaires des Etats membres. Cette initiative compte parmi les premières initiatives issues de la task force sur la gouvernance économique mise en place en mars et elle se base sur une proposition de la Commission présentée en mai.
Le nouveau cycle de surveillance commencera chaque année en mars au moment où, sur la base d’un rapport de la Commission, le Conseil européen identifiera les principaux défis économiques et donnera des orientations stratégiques. Les Etats devront présenter au mois d'avril leurs grandes orientations budgétaires à moyen terme ainsi que leurs programmes nationaux de réformes en matière d’emploi et d’inclusion sociale. En juin et juillet, la Commission et les Etats rendront un avis, avant que les gouvernements ne parachèvent leurs budgets.
Selon ce code de conduite révisé, les Etats membres doivent garantir que les procédures nationales requises seront en vigueur pour commencer ce processus dès 2011.
Les ministres des Finances ont ensuite eu un échange de vues au sujet de la possible introduction dans l’UE d’une taxe sur les transactions financières, une idée datant des années 70’ et plus connue sous le nom de taxe Tobin, ainsi que d’une éventuelle taxe bancaire.
Ces deux idées ont émergé dans les discussions sur la mise en place d’un cadre de gestion de crise au niveau de l’UE et le Conseil européen du 17 juin avaient donné son accord à l’introduction de tels systèmes de taxes. La Commission et le Conseil ont donc été chargés d’y travailler en vue de la remise d’un rapport en octobre.
Sur la question d’une taxe sur les transactions financières, les ministres des Finances se sont montrées particulièrement divisés et ils devront donc poursuivre leurs débats sur la question à l’occasion de leur réunion informelle des 30 septembre et 1er octobre prochains.
Luc Frieden compte parmi les ministres ayant fait part de leurs réserves au sujet d’une telle taxe dont il juge l’introduction "très difficile sans qu’elle soit appliquée dans tous les grands centres financier". "Beaucoup de pays ne sont pas opposés à l'idée mais estiment qu'il sera difficile de la mettre en œuvre et surtout de convaincre les pays du G20", a-t-il expliqué à Bruxelles et il estime donc, comme le rapporte La Voix dans son édition du 8 septembre, "qu’il y a encore beaucoup de travail à faire". Le Tageblatt précise que, selon lui, la France aura en effet fort à faire pour convaincre les autres partenaires dans le cadre de sa présidence du G20.
Dans un document préparé avant la discussion des ministres des Finances, la Commission européenne s'est montrée elle aussi sceptique sur la "faisabilité" d'une telle taxe, qu'elle juge "incertaine".
Quant à l’idée d’une taxe bancaire, pensée, selon le communiqué du Conseil, comme une contribution des banques et autres institutions financières au système de gestion de crise dont l’UE veut se doter, les ministres en discuteront là encore plus avant lors de leur prochaine réunion informelle tandis que la Commission doit présenter une proposition à ce sujet.
Il s’agit en effet de trouver une solution pour une approche coordonnée des taxes bancaires que certains pays ont d’ores et déjà introduites et qui diffèrent grandement d’un Etat à l’autre. L’objectif est pour la Commission d’éviter à la fois d’éventuelles distorsions de concurrence entre les marchés nationaux, mais aussi une taxation multiple de banques qui ont des activités transfrontalières.
Luc Frieden, conscient de la popularité d’une telle mesure mais inquiet des conséquences négatives qu’elle pourrait avoir à long terme, a insisté sur l’importance de s’entendre sur l’objectif d’une telle taxe bancaire. S’agit-il d’augmenter les recettes des Etats ou de prévenir de futures crises ?
Pour le ministre luxembourgeois, s’il s’agit de trouver de nouvelles recettes, chaque pays doit trouver l’instrument le plus adapté. Pour le Luxembourg, il s’est agi par exemple d’augmenter l’assurance accident, ce qui aura pour résultat que les banques vont aider les PME.
Pour Luc Frieden, la taxe bancaire devrait plutôt financer un fonds de résolution des défaillances bancaires, ainsi que l’a proposé le Commissaire Michel Barnier le 26 mai dernier. "Mais il faut que cela se fasse dans un cadre européen", a insisté le ministre qui pense qu’"il serait mauvais que chacun travaille dans son coin".
La plus grande crainte de Luc Frieden réside cependant dans la perspective d’un cumul de décisions qui pourrait nuire à l’économie du pays en mettant à mal les avantages de la place financière luxembourgeoise. "La taxe bancaire plus celle sur les transactions financières va augmenter le coût des banques. Tout ce qui est populaire risque à court terme d'augmenter les recettes mais à moyen et long terme d'avoir des conséquences négatives importantes", cite ainsi La Voix.
Côté luxembourgeois, le président de la BCL, Yves Mersch, a plaidé le même jour devant les députés de la Commission des Finances à la Chambre pour la mise en place d’un fonds de stabilité financière englobant un système de garantie de dépôts ainsi qu’un fonds de résolution de défaillances bancaires. Selon la BCL, tous les acteurs de la place financière luxembourgeoise devraient y contribuer annuellement par le paiement d’une taxe calculée en fonction des dépôts dont ils disposent et des bénéfices qu’ils réalisent. Ce fonds de stabilité devrait à terme servir d’amortisseur à toute nouvelle secousse financière.