La Commission européenne a présenté le 14 décembre 2010 une proposition ouvrant la voie à une "coopération renforcée" en vue de créer un brevet unique dans l'Union européenne.
Ce système de protection unifié permettrait aux États membres qui le souhaitent de créer un brevet disponible moyennant une seule demande et valable dans tous les pays participants.
Obtenir un brevet coûte actuellement dix fois plus cher en Europe qu'aux États-Unis, en raison des coûts nationaux de validation et de traduction. Cette situation a un effet dissuasif sur la recherche, le développement et l'innovation et mine la compétitivité européenne.
Les propositions de la Commission en faveur d'un brevet européen unique font l'objet de discussions depuis plus d'une décennie. Le régime linguistique a toutefois donné lieu à des blocages au Conseil.
La Commission a tenté de débloquer la situation en déposant en juin 2010 une proposition sur les dispositions relatives à la traduction du brevet de l'UE. En novembre 2010, le Conseil n'est cependant pas parvenu à un accord unanime sur les exigences linguistiques applicables au brevet de l'UE.
A la demande d’un groupe de douze Etats membres désireux d’avancer sur le dossier, la Commission a déposé une proposition visant à autoriser la coopération renforcée dans ce domaine, conformément aux traités européens.
Le système européen de brevet est actuellement très coûteux et complexe, notamment en raison des exigences de traduction. L'Office européen des brevets (OEB) – organe de l'Organisation européenne des brevets qui regroupe 38 pays (les 27 États membres plus onze autres pays européens) selon un mode de fonctionnement intergouvernemental – examine les demandes de brevet et est responsable de l'octroi de ceux-ci si les conditions sont remplies.
Cependant, pour que le brevet octroyé soit valable dans un État membre, l'inventeur doit encore en demander la validation au niveau national dans chaque pays où il souhaite bénéficier de la protection du brevet. Cette procédure implique des coûts de traduction et des frais administratifs considérables.
Valider un brevet européen dans seulement 13 États membres peut coûter jusqu'à 18 000 euros, dont près de 10 000 euros de coûts de traduction. Par conséquent, le brevet européen est dix fois plus onéreux que le brevet américain, ce dernier revenant en moyenne à 1 850 euros. Dès lors, la plupart des inventeurs ne brevettent leur invention que dans un nombre très limité d'États membres.
La proposition de la Commission fait suite à une demande de douze États membres, à savoir le Danemark, l'Estonie, la Finlande, la France, l'Allemagne, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, la Slovénie, la Suède et le Royaume-Uni.
Dix Etats membres, parmi lesquels le Luxembourg, avaient émis cette demande dans un courrier adressé le 7 décembre 2010 à Michel Barnier, membre de Commission européenne en charge du Marché intérieur et des Services.
Le sujet a ensuite fait l’objet d’une délibération publique lors du Conseil Compétitivité du 10 décembre 2010, et les rangs des pays désireux de se lancer dans une procédure de coopération renforcée se sont alors gonflés avec la volonté de la Pologne et du Royaume-Uni d’y participer.
Si les conclusions du Conseil spécifient que "la majorité des délégations ont considéré que la coopération renforcée est la seule option pour avancer vers la création d’un système unifié de brevet européen", elles mentionnent aussi que les délégations espagnole et italienne se sont fermement opposées à l’idée d’initier une coopération renforcée en invoquant pour motif le fait que "les conditions nécessaires pour engager un tel processus ne sont pas encore remplies".
La proposition visant à autoriser la coopération renforcée sur le brevet unique doit être approuvée à la majorité qualifiée par le Conseil de ministres de l’Union européenne, après accord du Parlement européen.
La Commission fera en 2011 des propositions détaillées de coopération renforcée pour le brevet unique et les exigences de traduction.
Suite aux négociations menées par la présidence belge du Conseil de ministres de l'Union européenne, la proposition détaillée sur les exigences de traduction s'inspirera du régime linguistique actuel de l'OEB à un coût concurrentiel. Les brevets uniques seraient examinés et octroyés dans l'une des langues officielles actuelles de l'OEB, à savoir l'anglais, le français ou l'allemand.
Afin de faciliter l'accès au brevet unique, il devrait être disponible pour tous les inventeurs de l'Union européenne sans aucune discrimination. Les inventions seraient protégées dans tous les États membres prenant part à la coopération renforcée. Les auteurs de l'UE dont la langue n'est pas l'anglais, le français ou l'allemand auraient la possibilité d'introduire leurs demandes dans l'une des autres langues officielles de l'Union européenne. Les frais de traduction dans l'une des langues officielles de l'OEB (que l'inventeur pourra choisir parmi l'anglais, le français et l'allemand lors du dépôt de sa demande) pourront être remboursés.
Il s'agirait de la deuxième fois que le mécanisme de "coopération renforcée" est utilisé, permettant à certains États membres d'avancer immédiatement et laissant aux autres la possibilité de rejoindre les premiers ultérieurement. Quatorze Etats membres ont eu recours pour la première fois à la coopération renforcée pour mettre en place des règles visant à offrir une sécurité juridique aux couples en cas de divorce transfrontalier, une procédure qui vient d'aboutir au Conseil JAI de décembre 2010.
La Commission a présenté en août 2000 une proposition de règlement sur le brevet communautaire (désormais intitulé brevet de l'UE conformément au traité de Lisbonne) après l'échec de plusieurs tentatives d'établir un brevet unique (la convention de Luxembourg de 1975 sur le brevet communautaire n'est jamais entrée en vigueur).
En décembre 2009, les États membres ont adopté à l'unanimité les conclusions sur l’amélioration du système de brevet en Europe. Celles-ci contenaient les principaux éléments permettant de créer un brevet européen unique et de mettre en place un nouveau tribunal du brevet dans l'Union européenne.
En juin 2010, la Commission avait proposé un règlement sur les exigences de traduction applicables au brevet de l'UE, sans toutefois obtenir l'indispensable accord unanime du Conseil de ministres de l'Union européenne.
Selon le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la coopération renforcée permet à neuf pays ou plus d'avancer dans un domaine particulier en dernier ressort, si aucun accord ne peut être obtenu par l'ensemble de l'Union européenne dans un délai raisonnable. Les autres États membres peuvent les rejoindre à tout moment avant ou après le lancement de la coopération renforcée.