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Audiovisuel et médias - Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination
La controverse autour de la loi hongroise sur les médias continue devant le Parlement européen
17-01-2011


Le 17 janvier 2011, une audition au sujet de la très controversée loi hongroise sur les médias a eu lieu devant la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen , une commission qui ne compte aucun eurodéputé luxembourgeois. Au cours de cette réunion sont notamment intervenus la commissaire européenne chargée du dossier, Neelie Kroes, et le vice-Premier ministre hongrois, Tibor Navracsics.Salle comble au Parlement européen lors de la réunion de la commission LIBE le 17 janvier 2011 : au programme, la loi hongroise sur les médias © European Union 2011 PE-EP

La commissaire européenne a informé les députés que le gouvernement a officiellement notifié la nouvelle législation à la Commission le vendredi 14 janvier 2011. Elle sera analysée en toute objectivité par les services de Neelie Kroes.

Des contacts ont cependant eu lieu entre les services de la commissaire et le gouvernement hongrois après une analyse préliminaire faite de la loi. Cette analyse a révélé selon la commissaire certains points "qui n’apparaissent à première vue pas satisfaisants".  

Elle a résumé les  principales critiques adressées à une loi dont "un grand nombre de commentateurs disent qu’elle mine les droits fondamentaux de plusieurs manières" : l’enregistrement obligatoire de tous les médias, y compris des médias sur le web, comme les forums et les blogs ; l’obligation d’une couverture journalistique équilibrée ; le processus de nomination des membres du Conseil des médias qui peut déboucher sur un contrôle politique des médias.

L’approche juridique de la Commission

La commissaire Kroes a ensuite souligné le fait "que les pouvoirs de la Commission concernant les droits fondamentaux sont limités aux cas où les Etats membres agissent dans le cadre de la législation européenne, en particulier quand ils mettent en œuvre le droit européen". Neelie Kroes est donc compétente comme commissaire en charge des médias et elle a examiné la loi hongroise sur les médias sous l’angle de sa conformité avec la directive sur les services médias audiovisuels (SMA). Et c’est pour cela et parce que la politique des médias de l’UE est liée à la question de la liberté d’expression que Neelie Kroes est compétente.

Dans ce cadre, la commissaire Kroes a réitéré un certain nombre de critiques qu’elle avait déjà évoquées le 11 janvier lors d’un débat organisé par la fraction libérale ALDE du Parlement européen.

D’abord, la loi hongroise sur les médias semble s’appliquer à des médias établis dans d’autres Etats membres, ce qui est contraire au "principe du pays d’origine". La directive SMA a établi un marché intérieur pour les diffuseurs, y compris pour les contenus audiovisuels en ligne, et qui est basé sur le "principe du pays d’origine". Selon ce principe, les diffuseurs sont soumis aux réglementations en vigueur dans le seul pays d’origine. Les dérogations au principe du pays d’origine prévues par la directive sont très précises selon la commissaire Kroes. Selon elle, la loi hongroise n’est pas en conformité avec cette dimension de la directive sur certains points qu’elle a fait connaître oralement au gouvernement hongrois.

Ensuite, l’obligation d’une information équilibrée, qui concerne selon la loi hongroise tant les contenus télédiffusés, où de telles règles sont selon la commissaire "tout à fait normales", que les services médias audiovisuels sur demande, comme les blogs. Ici, la commissaire veut "plus de clarté", surtout que qu’il n’y a pas de clauses limitatives concernant cette obligation, ce qui pose un "problème de proportionnalité dans la réglementation de la liberté de la presse".

Finalement, la Commission a fait part de sa préoccupation sur l’obligation générale d’enregistrement des médias et elle garde oeil "sur la question difficile des critères pour l’indépendance du Conseil des médias".

Dans ce contexte, la Commission a aussi entamé un travail de vérification des règles de mises en œuvre de la directive SMA dans d’autres Etats membres, et elle "soulèvera des préoccupations similaires s’il y a lieu". 

Les références dans cette affaire sont pour Neelie Kroes les valeurs européennes sur la liberté de la presse, la législation européenne en la matière, mais aussi la Convention  européenne des droits de l’homme (CEDH). A la fin de la réunion, elle s’est dit confiante que le gouvernement hongrois veillera à la mise en œuvre de sa loi sur les médias en conformité avec ces références et qu’il amendera selon ses engagements la loi si l’évaluation juridique de la Commission devait faire des recommandations dans ce sens.

Réactions hongroises : le vice-Premier ministre hongrois, Tibor Navracsics, défend l’approche de son gouvernement et le Conseil des médias rejette les critiques de la Commission sur la non-conformité de la loi avec la directive SMA

Le représentant du gouvernement hongrois, le vice-Premier ministre hongrois, Tibor Navracsics, a défendu la loi très controversée de son gouvernement, en soulignant notamment qu'il s'agissait d'empêcher les médias influents de "dire n'importe quoi". Pour lui, "il convient de concilier la liberté d'expression des médias et leur influence sur l'opinion Le vice-Premier ministre hongrois, Tibor Navracsciscs, devant la commission LIBE du Parlement européen le 17 janvier 2011 © European Union 2011 PE-EPpublique et la nécessité de ne pas dire n'importe quoi". Il a également déclaré que l'obligation pour les médias, prévue par ce texte, d'assurer une "couverture équilibrée" ne s'appliquent pas à la presse écrite où "chacun peut écrire ce qu'il veut", mais plutôt "aux médias qui ont la plus grande influence".

A noter que cette précision sur la presse écrite intervient après que le président du parti hongrois Zöld Baloldal (la Gauche verte) a déposé une plainte auprès de l'autorité des médias contre un journaliste, Zsolt Bayer, un proche du Premier ministre Viktor Orban.  Il reproche au journaliste d'avoir fait dans un article paru le 4 janvier 2011 dans Magyar Hirlap, un journal proche du Fidesz, le parti de Viktor Orban, donc dans un produit de la presse écrite, l'éloge d'un massacre de sympathisants de l'éphémère République communiste des Conseils de Bela Kun (mars-août 1919) perpétré en 1919 par des miliciens d'extrême droite dans la forêt d'Orgovany, au sud de Budapest. L'article avait aussi une connotation antisémite. Zsolt Bayer y dénonçait les "Cohen, Cohn-Bendit et Schiff", clairement identifiés en Hongrie comme étant des patronymes juifs.

Quant au Conseil des médias hongrois, il a rejeté les premières conclusions de la commissaire Neelie Kroes. Dans une déclaration publique, il affirme que les clauses de la loi hongroise qui concernent les médias dont le siège est à l’étranger font explicitement référence à la directive SMA. L’obligation de l’information équilibrée par les blogueurs critiquée par la commissaire ne s’appliquerait pas aux services Internet, mais aux offres qui contiennent de l’information.