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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
Le "pacte de compétitivité et de convergence" prêché par l’Allemagne et la France pour la zone euro s’est invité au menu du Conseil européen sans pour autant que l’on en sache plus sur les détails, à en croire Jean-Claude Juncker
"Je ne vois vraiment pas en quoi abolir l'indexation des salaires augmenterait la compétitivité de mon pays ou de la zone euro", a plaidé Jean-Claude Juncker
07-02-2011


C’est au cours d’un déjeuner qui a duré que les chefs d’Etat et de gouvernement se sont penchés sur la situation économique et "les efforts actuels visant à combattre les effets de la crise", ainsi que le formulait Herman Van Rompuy dans son invitation au Conseil européen du 4 février 2011.

Questions d’économie et de calendrier au menu des chefs d’Etat et de gouvernement

Le Conseil européen a "noté que les perspectives économiques générales s'améliorent, même si d'importantes difficultés subsistent". Les chefs d’Etat et de gouvernement ont discuté calendrier et ont demandé à leurs ministres de parvenir, au mois de mars, à une orientation générale concernant les propositions législatives de la Commission Les chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Bruxelles le 4 février 2011 (c) Conseil de l'UE - Christos Dogasrelatives à la gouvernance économique, en veillant à ce que les recommandations du groupe de travail soient intégralement mises en œuvre. L’objectif ? Faire en sorte qu'un accord définitif puisse être trouvé avec le Parlement européen d'ici à la fin du mois de juin, ce qui permettra de renforcer le pacte de stabilité et de croissance et de mettre en place un nouveau cadre macroéconomique.

Dans le contexte du semestre européen et en se fondant sur l'examen annuel de la croissance présenté par la Commission, le Conseil européen a par ailleurs prévu d’établir lors de sa réunion de mars les priorités en matière de réformes structurelles et d'assainissement des finances publiques pour les prochains programmes de stabilité et de convergence ainsi que dans les domaines relevant de la compétence de l'UE, y compris le marché unique. Sur cette base et en s'inspirant des lignes directrices intégrées "Europe 2020", les États membres seront invités à présenter en avril leur programme national de réforme ainsi que leur programme de stabilité ou de convergence.

C’est aussi lors du Conseil européen de mars que sera adoptée la décision finale relative à une modification limitée du traité afin d'établir le Mécanisme européen de stabilité.

Jean-Claude JUncker à Bruxelles le 4 février 2011 (c) Conseil de l'UE - Mario SalernoLe Conseil européen a par ailleurs invité l’Autorité bancaire européenne et d’autres autorités compétentes à mener des tests de résistance du secteur bancaire ambitieux.

Un accord de principe pour renforcer l’EFSF a pu être trouvé

Les conclusions indiquent que "le Conseil européen a pris note avec satisfaction de la déclaration des chefs d'État ou de gouvernement de la zone euro et des institutions de l'UE", laquelle fait le point sur "la stratégie globale visant à préserver la stabilité financière et à faire en sorte que la zone euro sorte plus forte de la crise".Cette stratégie comprend la série de mesures législatives sur la gouvernance économique, les tests de résistance et le rétablissement du secteur financier ainsi que la mise en œuvre du semestre européen.

Les chefs d'État ou de gouvernement de la zone euro et les institutions se sont aussi mis d'accord sur les mesures suivantes, qui font partie d'un ensemble à parachever au mois de mars :

  • Poursuite de la bonne mise en œuvre des programmes existants avec la Grèce et l'Irlande;
  • Évaluation, par la Commission, en liaison avec la BCE, des progrès accomplis dans les États membres de la zone euro en ce qui concerne la mise en œuvre des mesures adoptées pour renforcer la situation budgétaire et les perspectives de croissance;
  • Mise au point, sous la direction du président de l'Eurogroupe, des caractéristiques opérationnelles du Mécanisme européen de stabilité, conformément au mandat convenu en décembre.

Jusque là, rien de bien nouveau donc, puisque ces décisions s’inscrivent dans la droite ligne des conclusions précédentes du Conseil européen de décembre et en précisent le calendrier de mise en œuvre.

En revanche, Herman Van Rompuy a bien insisté sur le fait qu’un accord de principe avait été trouvé pour renforcer les moyens de leur Fonds de secours financier face aux crises de la dette et élargir sa palette d'outils. La déclaration évoque ainsi que d’ici le mois de mars, l’Eurogroupe doit faire des "propositions concrètes concernant le renforcement du Fonds européen de stabilité financière (EFSF) de manière à garantir l'efficacité nécessaire pour fournir un soutien approprié". Un sujet sur lequel les ministres des Finances de la zone euro avaient commencé à réfléchir au mois de janvier 2011.

Si le "pacte de compétitivité et de convergence"  franco-allemand est évoqué dans la déclaration, le détail en reste peu précis ou bien controversé

C’est le dernier paragraphe de cette déclaration qui a dû cependant causer le plus discussions autour de la table du déjeuner. Il fait écho en effet à la fameuse proposition franco-allemande de "pacte de convergence et de compétitivité" dont la presse européenne a fait ses choux gras dans les quelques jours qui ont précédé le Conseil. La chancelière allemande et le président français se sont ainsi tous deux félicités à l’issue du Conseil qu’il y ait "un accord sur le fait qu'il doit y avoir un tel pacte".Herman Van Rompuy, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel en discussions lors du Conseil européen du 4 février 2011 (c) Le Conseil de l'UE - Christos Dogas

La déclaration mentionne ainsi que "les chefs d'État ou de gouvernement prendront des mesures supplémentaires visant à donner une qualité nouvelle à la coordination des politiques économiques dans la zone euro pour améliorer la compétitivité, ce qui conduirait à un degré de convergence plus élevé sans porter atteinte au marché unique".

C’est dans ce cadre qu’ont surgi quelques voix discordantes, les Premiers ministres belge et luxembourgeois veillant bien à dire haut et fort qu’il n’était pas question d’abolir l’indexation automatique des salaires pratiquée dans leurs pays. "Le Premier ministre belge et moi avons clairement rejeté l'idée d'abolir l'indexation des salaires", a ainsi commenté Jean-Claude Juncker qui n’a pas manqué de rappeler que son pays avait certes "l'indexation des salaires la plus automatique", mais aussi "un déficit de 0,7 % du PIB, une dette publique très basse de 19 %, et l'un des taux de chômage les plus bas de l'UE". "Donc je ne vois vraiment pas en quoi abolir l'indexation des salaires augmenterait la compétitivité de mon pays ou de la zone euro", a-t-il insisté.

Pour Jean-Claude Juncker, qui a rappelé qu’au Luxembourg "nous avons eu un accord tripartite", "si l'on veut juger de la compétitivité, il faut élargir l'examen au-delà de l'indexation", et discuter aussi du salaire minimum, ou encore du temps de travail.

Le président de l’Eurogroupe a par ailleurs confié à l’issue de la réunion que "ni l’Allemagne ni la France n’avaient présenté en détail en quoi consiste ce plan de compétitivité".

Comme le souhaitait le ministre Schäuble dans sa tribune publiée dans le Monde daté du 4 février, "les États non membres de la zone euro seront invités à prendre part à cette coordination". Quant au mode opératoire, la déclaration indique que "le président du Conseil européen engagera des consultations avec les chefs d'État ou de gouvernement des États membres appartenant à la zone euro et rendra compte de ces entretiens en indiquant les moyens concrets permettant d'aller de l'avant, conformément au traité". Réponse sans doute à l’intention allemande de pencher à une solution intergouvernementale, les chefs d’Etat et de gouvernement ont pris soin de préciser qu’Herman Van Rompuy travaillera "en étroite coopération avec le président de la Commission".

La question d’associer "de manière appropriée à ce processus" les Etats membres intéressés qui n'appartiennent pas à la zone euro n’est pas non plus un sujet de la plus grande simplicité. Le Spiegel fait état en effet dans son édition du 7 février de la "résistance" offerte à la proposition franco-allemande de pacte de convergence et de compétitivité. Le Premier ministre polonais, Donald Tusk, aurait ainsi exprimé ses "doutes quant à la méthode" qui consisterait à mettre en place un gouvernement économique dans l’Eurogroupe, dont son pays ne fait pas partie. Son homologue hongrois, dont le pays assume la Présidence tournante de l’UE, aurait pour sa part jugé que l’initiative franco-allemande, qui s’est faite sans consultation avec les plus petits pays membres de l’UE, était "un acte inamical".

Des propos que Viktor Orban a essayé sans doute de tempérer un peu lors de la conférence de presse qu’il a tenue à Budapest au lendemain du Conseil, au cours de laquelle il a tenté d’expliquer que "le meilleur était l’ennemi du bien" et que la déclaration sur la coordination au sein de la zone euro allait "loin au-delà du paquet de six propositions législatives" faites par la Commission pour renforcer la gouvernance économique et dont la Présidence hongroise a fait de la mise en œuvre son principal objectif. Pour autant, il a noté que la promesse que les pays en-dehors de la zone pourraient rejoindre cette initiative "devait être considérée avec une certaine réserve". "Face à la tempête imminente, il n’y a plus un seul bateau commun, mais une flotte, et chacun a besoin de renforcer son propre bateau", a déclaré Viktor Orban en excluant toute participation de la Hongrie à une harmonisation fiscale.