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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale - Énergie
Lors de sa déclaration sur l’état de la Nation, Jean-Claude Juncker a fait l’inventaire des réformes dictées, selon lui, par le contexte international, européen et national
06-04-2011


"De loin, tout a l’air d’aller bien ici au Luxembourg, mais derrière la jolie façade que nous présentons au monde, tout est loin d’être parfait". C’est par ce constat que le Premier ministre Jean-Claude Juncker a ouvert le discours sur l’état de la Nation qu’il a tenu devant la Chambre des députés le 6 avril 2011 et qu’il voulait être celui de tout son gouvernement.Jean-Claude Juncker tenant son discours sur l'état de la Nation devant la Chambre le 6 avril 2011

C’est donc par un tour d’horizon des problèmes sociaux qui existent au Luxembourg qu’a commencé Jean-Claude Juncker, promettant des investissements et un renforcement de personnel pour faire face au décrochage scolaire, aux difficultés rencontrées par les enfants qui ont des déficiences, par ceux qui ont des troubles du comportement, par les enfants dont les parents ne sont pas en mesure de les élever sans assistance éducative, par les jeunes qui quittent leur domicile, mais aussi par les sans-abris. "Nous résoudrons ces problèmes ensemble", a déclaré Jean-Claude Juncker, ne manquant toutefois pas de souligner que pour payer cette facture sociale, il faudrait faire des économies ailleurs.

Les réfugiés serbes qui viennent au Luxembourg viennent d’un pays sûr et doivent y retourner

"Nous devons aussi faire face à des défis qui viennent d’ailleurs", a ajouté Jean-Claude Juncker, revenant sur l’afflux de demandeurs d’asile auquel fait face le Luxembourg ces dernières années, et notamment ces derniers mois. Le sujet avait été soulevé par Nicolas Schmit au début du mois de février 2011 et le Premier ministre avait pris soin de présenter sa vision des choses à l’issue du conseil de gouvernement du 23 mars dernier.

La grande majorité des demandeurs d’asile vient actuellement de Serbie, un pays où sévit la pauvreté et qui est dans une situation économique "catastrophique" comme l’a précisé le Premier ministre luxembourgeois. Et ils viennent d’autant plus aisément qu’ils n’ont désormais plus besoin de visa. Parmi ces demandeurs d’asile, 75 % sont des Roms.

Députés et membres du gouvernement à l'écoute du Premier ministre lors de son discours sur l'état de la Nation prononcé à la Chambre le 6 avril 2011Pour autant, la Serbie est un pays sûr, qui a une perspective européenne. Et, pour Jean-Claude Juncker, cet afflux de réfugiés en provenance de Serbie, qui ne concerne d’ailleurs pas que le Luxembourg, doit être bloqué. A ces yeux trois principes prévalent : pour toute personne persécutée dans son pays il y aura toujours une place au Luxembourg, pour les personnes venues pour d’autres raisons, il peut y avoir, selon les circonstances, une place au Luxembourg, mais pour les personnes venant d’un pays sûr, il n’y a a priori pas de place.

"Il est dans l’intérêt des ressortissants serbes de quitter le Luxembourg endéans trois mois après leur arrivée", a expliqué Jean-Claude Juncker. Le Premier ministre plaide aussi pour une application encore plus rapide de la procédure d’asile accélérée. Quant à l’hébergement des réfugiés, c’est une "une affaire compliquée" dans laquelle aucune commune ne doit être submergée sur la durée, mais dans laquelle aucune commune ne peut non plus échapper à son devoir de solidarité.

"Les Roms en Serbie, et ailleurs en Europe, ne vont pas bien", a ajouté le Premier ministre luxembourgeois qui a appelé à ce que "ces malheureux" soient "traités avec respect et sentiment" au Luxembourg. "Mais le Luxembourg n’est pas le lieu où tous leurs problèmes pourront être résolus", a-t-il ajouté, expliquant que la ministre de la Famille et de l’Intégration était en train de voir comment aider à ce que la communauté Rom puisse avoir une vie meilleure en Serbie. "Le destin des Roms nous importe : plutôt que de les aider ici, nous les aidons là-bas", a résumé Jean-Claude Juncker.

Sortir du nucléaire au Luxembourg et en Europe

Jean-Claude Juncker est revenu aussi sur la question de l’énergie nucléaire, ainsi qu’il l’avait fait le 23 mars dernier. Plaidant une fois de plus pour la sortie du nucléaire, qui n’est à ses yeux qu’une énergie de transition, le Premier ministre a aussi répété la nécessité d’investir dans la recherche sur les énergies durables et renouvelables. "Nous devons remettre en question le projet ITER", a ainsi indiqué le Premier ministre.Les ministres Luc Frieden, Jeannot Krecké et Françoise Hetto à l'écoute de Jean-Claude Juncker lors de son discours sur l'état de la Nation prononcé le 6 avril 2011 à la Chambre

"Sortir du nucléaire, sortir de la dépendance aux énergies fossiles et aller de l’avant en matière d’énergies alternatives", tel devrait être le mot d’ordre de la future politique énergétique européenne et luxembourgeoise selon Jean-Claude Juncker.

Politique énergétique et lutte contre le changement climatique vont de pair

Pour le Premier ministre, politique énergétique et lutte contre le changement climatique vont de pair. Rappelant les objectifs ambitieux du Luxembourg en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui ont déjà été réduites de 9 % par rapport au niveau de 1990, et ce malgré la croissance économique et démographique qu’a connu le pays, Jean-Claude Juncker a souligné qu’atteindre ces objectifs n’était possible qu’en achetant des droits d’émissions, comme le font d’ailleurs d’autres pays de l’UE.

Il en va de même pour ce qui est des énergies renouvelables. Le plan d’action présenté en 2010 fixe pour objectif 11 % d’énergies renouvelables d’ici 2020, ce qui est loin d’être simple au vu de l’exigüité du territoire luxembourgeois et des problèmes d’incompatibilité de certaines infrastructures avec la protection de l’environnement. En témoignent les contestations nombreuses liées que suscitent les projets d’implantation d’éoliennes. Le gouvernement fait cependant le choix d’aller résolument de l’avant en matière d’énergies renouvelables.

Rappelant les efforts faits pour promouvoir l’utilisation de l’électricité verte, - et l’Etat entend d’ailleurs montrer l’exemple en la matière - , Jean-Claude Juncker a annoncé que le gouvernement lancerait une campagne d’information sur le sujet.

Le Premier ministre a aussi plaidé pour plus d’efficience énergétique, qui est un facteur essentiel d’économie d’énergie. Un sujet qui est particulièrement important en matière de rénovation de bâtiments et de construction, secteurs qui seront encore plus "écologisés" à l’avenir ainsi que l’a promis le Premier ministre qui a dressé une liste de mesures allant dans ce sens.

Une discipline budgétaire dans un contexte européen et national difficile

Pour ce qui est des finances publiques, le Premier ministre a rappelé que sa déclaration s’inscrivait dans le cadre du semestre européen, selon lequel les principales orientations budgétaires pour l’année à venir doivent être discutées au printemps afin d’être introduites dans le programme de stabilité que le gouvernement devra soumettre à la Commission européenne et à l’Eurogroupe d’ici la fin du mois d’avril 2011.

Députés à l'écoute du Premier ministre lors du discours sur l'état de la Nation prononcé le 6 avril 2011 à la Chambre"Les finances publiques se portent mieux que prévu, mais elles ne vont pas bien", a résumé Jean-Claude Juncker. "Si tout va bien, nous aurons en 2014 une dette publique de l’ordre de 19,9 % du PIB", a déduit le Premier ministre d’hypothèses qu’il juge pourtant optimistes. Il n’est donc pas question de sortir dans les prochaines années du programme d’épargne et de consolidation lancé par le gouvernement. "Nous verrons à l’automne si nous pouvons procéder à quelques légers ajustements", a laissé entendre le Premier ministre dont le message est cependant limpide : "il faut économiser et consolider". Le gouvernement garde en effet pour objectif d’arriver à l’équilibre budgétaire en 2014.

Compétitivité et lutte contre l’inflation

Le Luxembourg ne pourra néanmoins pas arriver à assainir ses finances publiques sans amélioration de sa compétitivité, une question qui ne peut laisser personne indifférent. L’Etat continuera à investir dans les infrastructures qui sont un élément important de la compétitivité. Si le Luxembourg n’est pas meilleur que ses voisins, la régression guette.

Cela n’empêchera pas le gouvernement de défendre les principes du salaire minimum et l’indexation des salaires. Même si le patronat s’en prend régulièrement à ces piliers du modèle luxembourgeois, la compétitivité du Luxembourg est selon le Premier ministre moins mauvaise que ne le prétend le patronat. Au Luxembourg, le salaire horaire est plus bas que chez ses voisins, la durée de travail annuelle plus élevée, les charges salariales substantiellement moindres, ce qui le conduit à la conclusion qu’il n’y aura pas d’augmentation des cotisations sociales, et "le mieux serait qu’il n’y en ait pas pour les 10 prochaines années". Cela rendrait les choses plus prévisibles, tout comme une architecture fiscale prévisible.Jean-Claude Juncker tenant devant la Chambre son discours sur l'état de la Nation le 6 avril 2011

Reste l’inflation qui est plus élevée au Luxembourg que chez ses voisins et que le gouvernement doit corriger. Comme l’indexation des salaires restera, elle restera avec un système de pondération de l’impact des prix du pétrole. Ainsi, la prochaine tranche indiciaire qui devrait tomber en mai 2011, ne sera payée qu’en octobre 2011, et s’il devait s’avérer que les problèmes d’inflation sont attisés à cause de l’évolution des prix du pétrole, les partenaires sociaux seraient consultés. Il y aurait à la rigueur compensations pour les revenus faibles, bref la modulation éventuelle qui a été prévue. Et s’il ne devait pas y avoir d’accord avec les partenaires sociaux, la Chambre et le gouvernement prendraient leurs responsabilités.

Systèmes de pension et durée de la vie active

La réforme des systèmes de pensions, autre exigence objective et entretemps européenne a été un autre sujet abordé par Jean-Claude Juncker. L’allongement de la durée de vie est un facteur dont on ne peut pas ne pas tenir compte, sauf à aller droit dans le mur. Il a lui-même propagé depuis les années 90’ l’idée du risque d’aller droit dans le mur. Vilipendée à l’époque, elle est entretemps généralement admise. La réforme envisagée mise sur un système de répartition entre générations qui se base sur deux éléments : le salarié est libre de quitter plus tôt la vie active, quitte à recevoir moins de pension, ou bien de travailler plus longtemps et de recevoir une pension plus élevée, voire équivalente à celle qu’il aurait reçue dans l’ancien système. Déjà, pense Jean-Claude Juncker, les charges futures seront très élevées. Les propositions du gouvernement ont suscité nombre de suggestions et autres propositions. Tout sera étudié mais ensuite le gouvernement agira.

De façon générale, le Premier ministre estime qu’il faut travailler aussi longtemps que possible et tant qu’on veut, et que le mouvement vers les préretraites est malsain. Pour que cela puisse se faire, il y aura plus de crédits pour la formation continue, afin de mettre les salariés dans une position qui leur permette de rester plus longtemps dans la vie active. Et puis son appel à peine caché au patronat : si d’un côté, l’on veut prolonger la vie active, il faut éviter de mettre les salariés à l’écart à partir d’un certain âge.

Le Luxembourg dans la zone euro et le mécanisme de stabilité

Jean-Claude Juncker a ensuite abordé les questions liées à la participation du Luxembourg à la zone euro. Quelques évidences sont énoncées : le Luxembourg est dans la zone euro, et l’euro est sa monnaie nationale. Tout ce qui concerne l’euro et sa zone concerne le Luxembourg et les Luxembourgeois. Dans cette zone, le Luxembourg est un des rares pays à satisfaire aux critères de stabilité, et n’encourt plus de procédure pour déficits excessifs. La zone euro ne se trouve pas dans une crise de l’euro, mais dans une crise de la dette souveraine de certains pays dans zone euro. L’euro en lui-même est une monnaie forte, voire même trop forte.

Selon le Premier ministre, qui est aussi président de l’Eurogroupe, il n’est pas juste d’affirmer que la zone euro aurait réagi trop tard. Elle a au contraire, selon lui, "pris des décisions fondamentales en un temps record, même si on aurait pu faire plus vite". Si un pays de la zone euro a des difficultés, les autres sont touchés. La solidarité compte, mais elle oblige aussi à la solidité de tout un chacun. Tout le monde s’est obligé à mettre de l’ordre dans sa maison.

La crise de la dette souveraine a eu des répercussions sur le Luxembourg. Le Luxembourg a accordé un prêt bilatéral de 206 millions d’euros à la Grèce. De ce prêt, il a mis à disposition, à la date du 29 mars 2011, 110 millions, soit 53 % de ce prêt. Le Luxembourg n’a pas déboursé cet argent, mais mobilisé des prêts. Ceux-ci sont aussi rémunérés, de sorte que le pays a encaissé à la date du 29 mars 2,2 millions d’euros de la part de la Grèce.

Par ailleurs, la Chambre des députés a autorisé par une loi du 9 juillet 2010 le gouvernement d’accorder une garantie de 1,10 milliards d’euros au fonds de stabilité EFSF. Le Luxembourg a accordé à l’EFSF pour l’emprunt du 25 janvier 2011 pour l’Irlande une garantie pour 18,1 millions d’euros, ce qui a augmenté la dette publique de 0,1 % du PIB, pour Jean-Claude Juncker un dixième de point "marginal".

Entretemps, les Etats de la zone euro ont décidé la création d’un mécanisme permanent de stabilité, l’ESM, qui dispose d’une capacité d’emprunt de 700 milliards d’euros et d’un capital à payer de 80 milliards. Le Luxembourg participe à raison de 200 millions d’euros, 0,25 % du volume global. Ces 200 millions seront payés en cinq tranches annuelles à partir de 2013. Le montant du capital exigible se monte à 1,55 milliards. L’engagement total du Luxembourg est de 1,75 milliards. Mais Jean-Claude Juncker considère qu’il y a peu de risque que la globalité de cette somme devienne exigible.

Dans ce contexte, le gouvernement saisira la Chambre avec deux projets de loi. L’un sera une modification de l’article 136 du traité de Lisbonne qui permettra au Luxembourg de participer à l’ESM. L’autre permettra d’augmenter la capacité d’emprunt de l’EFSF à 440 milliards d’euros et la mise à disposition de 700 milliards d’euros à l’ESM.