Le gouvernement luxembourgeois a tenu conseil le 23 mars 2011. A la veille d’un Conseil européen attendu, celui qui se tiendra les 24 et 25 mars 2011 et qui doit être l’occasion pour les chefs d’Etat et de gouvernement d’adopter "un ensemble global de mesures destinées à préserver la stabilité financière et à créer les conditions d'une croissance durable et créatrice d'emplois", le Premier ministre a fait devant la presse le point sur les discussions abordées lors de cette réunion des ministres luxembourgeois. La part belle a été faite à différentes questions qui font l’actualité européenne et qui seront-elles aussi abordées lors du Conseil européen.
C’est le cas par exemple de la situation en Libye, le Premier ministre luxembourgeois ayant salué à ce titre la zone d’exclusion aérienne qui résulte de la résolution de l’ONU du 17 mars dernier. Mais Jean-Claude Juncker a aussi rappelé que le mandat de l’alliance était bien de protéger la population civile, et il a donc appelé ceux qui sont engagés dans la mise en œuvre de cette résolution à s’en tenir strictement à cet objectif. Le mandat ne consiste pas à changer le régime libyen, a mis en garde Jean-Claude Juncker qui s’est souvenu de l’importance accordée à cet objectif par les Américains pendant l’intervention en Irak. Jean-Claude Juncker ne serait pas opposé à ce que l’OTAN prenne en charge une partie des structures de commandement des opérations. Quant au Luxembourg, il se doit selon le Premier ministre de "faire profil bas" sur ces questions.
Ce que déplore le Premier ministre luxembourgeois, c’est cependant "le désordre" dont a fait preuve l’UE sur le sujet. Les appréciations différentes qu’ont sur la question l’Allemagne et la France n’ont à ce titre pas beaucoup aidé à définir une politique européenne de sécurité et de défense que le Premier ministre luxembourgeois appelle de ses voeux.
Autre point qui sera abordé au Conseil, le futur mécanisme européen de stabilité (ESM), sur lequel la réunion extraordinaire des ministres des Finances présidée le 21 mars par Jean-Claude Juncker a permis de parvenir à un accord. Ce n’est pas sans peine que cet accord a pu être trouvé et le Premier ministre, qui a mentionné qu’il restait toutefois un point à clarifier pendant le Conseil européen, a rappelé les principaux contours du futur ESM qui aura, "résultat collatéral de la présidence", son siège à Luxembourg.
C’est la question des modalités de versement de la contribution allemande qui fait l’objet de nouvelles discussions. Selon l’accord trouvé le 21, chaque pays doit verser sa part des 80 milliards de capital à investir en quatre tranches, la moitié étant due en 2013 et le reste devant être apportés en trois versements étalés sur les trois années qui suivront. Mais Angela Merkel semble privilégier désormais des versements étalés en cinq fois à partir de 2013.
En soi, ce que demande l’Allemagne "n'est pas un problème dramatique" aux yeux de Jean-Claude Juncker qui voit pas dans cette question "un point extrêmement important". "La question est en train d'être réglée", a-t-il même indiqué. Pour autant, le Premier ministre luxembourgeois s’est demandé "si les agences de notation seront toujours d'accord pour accorder à l’ESM une notation AAA dans ces conditions". "C'est encore un exemple d'accord trouvé par les 27 et dénoncé par un Etat sans se soucier des positions des autres pays", a-t-il ajouté au sujet de l’attitude de l’Allemagne.
Quant à la question du Portugal, il était à l’heure de ce briefing encore trop tôt pour commenter la situation. Mais Jean-Claude Juncker n’excluait pas l’éventualité d’une aide financière au Portugal. "Il appartient au gouvernement portugais de demander l'assistance du Fonds de soutien", a-t-il rappelé avant de souligner que, "si cela devait être fait, ce serait sous de strictes conditions". La démission quelques heures plus tard du Premier ministre portugais, José Socrates, qui a pris ainsi acte du rejet par le parlement d’un programme d’austérité qui devait permettre au pays de réduire ses déficits et d'éviter de demander un soutien financier extérieur, sera de toute évidence un sujet d’importance pour le Conseil européen du 24 et 25 mars.
En ce qui concerne le Japon, il est prévu au Conseil européen de tirer "les leçons de ces événements, notamment en termes de sécurité nucléaire". Après une analyse des conséquences économiques de la catastrophe connue par le Japon, le Premier ministre luxembourgeois a souligné l’importance de mener dans toute l’UE, mais aussi dans les pays voisins, des stress-tests des réacteurs nucléaires.
"Je vais insister demain pour que cette analyse soit faite par des experts indépendants", a annoncé Jean-Claude Juncker, qui a souligné l’importance des risques, même "résiduels", que représente l’énergie nucléaire. Il veut donc éviter que les évaluations de ces risques ne soient faites par des représentants du lobby nucléaire. Et il entend veiller à ce que les mesures nécessaires soient prises si les résultats de ces tests ne s’avérer pas concluants, évoquant l’arrêt des centrales qui seraient concernées.
Jean-Claude Juncker est conscient qu’une sortie du nucléaire ne saurait se faire du jour au lendemain, même si elle est désirée par neuf pays de l’UE, dont le Luxembourg. Le sujet sensible s’il en est dans l’UE de l’énergie nucléaire, qui divise les 27, relève du domaine du bouquet énergétique, et ce dernier requiert au Conseil l’unanimité dans la mesure où c’est une compétence nationale. Comme pour la politique extérieure. "Nous n’avons pas besoin de moins d’Europe, mais de plus d’Europe", en conclut Jean-Claude Juncker qui aspire, sur des questions aussi cruciales à plus de cohérence.
Concernant les conséquences que pourraient avoir pour le Luxembourg un incident dans un pays voisin, Jean-Claude Juncker a rappelé les démarches entreprises auprès de la France concernant la centrale de Cattenom, et notamment la question de la prolongation de sa durée de vie, le Premier ministre luxembourgeois ayant clairement affiché à son opposition à cette idée. Mais il a aussi annoncé que des contacts seraient pris avec la Belgique au sujet de la sûreté des centrales belges.
Pour ce qui est de la recherche, Jean-Claude Juncker a rappelé qu’il a beaucoup été investi dans le financement du projet ITER, un projet qui pourrait, si les résultats s’avéraient concluants, présenter des avantages. Pourtant, ce qui est clair aux yeux du Premier ministre luxembourgeois, c’est que les moyens destinées à la recherche sur les énergies renouvelables doivent être augmentés de façon nette, et ce y compris dans le budget de l’UE. Un sujet sur lequel le gouvernement entend "affiner son analyse" dans les prochaines semaines, sans perdre de vue les discussions sur les perspectives financières de l’UE pour la période 2014-2020.
Le Premier ministre a ensuite évoqué les différents sujets abordés par le conseil de gouvernement le jour-même, mais aussi le 18 mars dernier. Parmi les points abordés au cours de la semaine précédente, le Premier ministre a tenu à souligner la volonté du gouvernement luxembourgeois de faire montre de "cohérence" dans sa politique à l’égard de la Serbie, dont un nombre important de ressortissants ont demandé l’asile au Luxembourg ces derniers mois. Vue la perspective européenne de la Serbie, il a semblé logique au gouvernement d’inscrire ce pays dans la liste des pays d’origine sûrs, ce qui permettra de traiter les demandes de protections internationale de ressortissants en provenance de ces pays via une procédure accélérée.