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Énergie
Le Parlement européen affiche un visage divisé sur la question du nucléaire
07-04-2011


Les leçons à tirer de la catastrophe de Fukushima devaient faire l’objet d’une résolution du Parlement européen qui, réuni en plénière à Strasbourg, a abordé la question dans un débat le 6 avril 2011.

Chaque groupe politique y était allé de sa proposition de résolution, jusqu’à ce que PPE, ADLE, S&D, Verts/ALE et GUE/NGL s’entendent sur un projet de résolution commun. Le groupe des Verts au début du débat sur les leçons à tirer de l'accident nucléaire de Fukushima le 6 avril 2011. L'eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes apparaît au milieu de ses confrères © European Union 2011 PE-EP

Ce dernier affirmait notamment le rôle de l'UE dans la supervision des "tests de sécurité" auxquels doivent être soumis les réacteurs nucléaires européens en 2011, et il appelait à un moratoire sur la construction de nouveaux réacteurs "du moins pendant la période" de réalisation et d'évaluation de ces tests.

Finalement, lors du vote du 7 avril 2011, le texte a été rejeté par 264 voix pour, 300 contre et 61 abstentions.

Les députés français et polonais du groupe PPE ont majoritairement rejeté le texte en raison de leur opposition au "moratoire", ont expliqué des sources au PPE. Plusieurs députés allemands de ce groupe on en revanche approuvé la motion.

Le journaliste Guy Kemp souligne, dans un article publié dans le Tageblatt daté du 8 avril 2011, que la résolution allait aussi bien plus loin que les décisions du Conseil européen en ce qui concerne les tests de sécurité. Les eurodéputés appelaient en effet à ce que les tests portent non seulement sur les installations nucléaires existantes et planifiées, mais aussi sur les déchets radioactifs et les stocks de combustible usé. La résolution listait aussi, entre autres,  "les risques découlant d'activités humaines (par exemple des attaques terroristes ou informatiques et des catastrophes aériennes)". Un point sur lequel certains Etats membres ne semblent, aux dires de Claude Turmes, pas prêts à s’engager. D’après l’eurodéputé luxembourgeois écologiste, la Grande-Bretagne et la France ne tiennent pas à soumettre à des tests de sécurité les conséquences que pourraient avoir des attaques terroristes ou des krachs aériens sur leurs centrales. "Ils savent fort bien que certaines de leurs centrales sont si vieilles qu’elles ne passeraient pas ces tests", a confié le parlementaire à Guy Kemp.

Les socialistes se sont aussi opposés au texte, après le rejet d'un amendement clé pour eux, qui invitait les "Etats membres à préparer des stratégies envisageables pour une sortie du nucléaire à moyen ou à long terme". D’après l’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes, l'amendement a été rejeté en raison du ralliement d'une majorité de libéraux à la droite sur ce point, a relevé Claude Turmes. Et c’est pour la même raison que le groupe des Verts s'est aussi opposé au texte final, une sortie progressive de l'énergie nucléaire apparaissant à leurs yeux comme la seule solution à long terme pour une meilleure sûreté des centrales.

Les différents groupes ont regretté cet échec à porter une parole commune sur une question qui suscite "l'inquiétude" des citoyens européens.

"Je déplore qu'aucune majorité n'ait pu être trouvée. Deux positions, celle de ceux qui ne veulent rien changer et celle de ceux qui veulent fermer immédiatement les centrales nucléaires, ont empêché le Parlement d'avoir une position tout court", a ainsi déclaré Guy Verhofstadt, le président du groupe ADLE.

Pour Claude Turmes, "nous n’avons pas su tirer les bonnes leçons des événements au Japon". L’eurodéputé estime que le lobby nucléaire tente de gagner du temps pour "légitimer les centrales nucléaires par des tests de sécurité faibles".

La veille, au cours du débat, le commissaire européen en charge de l'Energie, Günther Oettinger, avait annoncé l'intention de la Commission de réexaminer d'ici la fin de l'année la directive sur la sécurité nucléaire, dont la révision n'était prévue initialement qu'en 2014.

Claude Turmes était intervenu pour souligner que "la seule centrale nucléaire absolument sûre serait celle qui n’aurait jamais été construite ou mise en route". "Les citoyens européens le savent et c’est pourquoi ils attendent de nous une réponse forte", avait-il plaidé, précisant que cette réponse ne pouvait être que la vision d’une Europe renouvelable à 100 %.

Claude Turmes interpellait donc le commissaire, lui demandant s’il était prêt à travailler à une telle vision dans le cadre du Roadmap 2050 sur l’énergie que Günther Oettinger est en train de préparer et qui devrait servir de base, selon Claude Turmes, à un grand débat sur l’avenir énergétique de l’UE qui impliquerait aussi les citoyens.