Après d’autres partis luxembourgeois, comme les Verts, l’ADR et Déi Lénk, les libéraux ont à leur tour commenté la crise de la dette souveraine grecque, "un sujet qui nous concerne tous". C’est au cours d’une conférence commune que le président du DP, Claude Meisch, et l’eurodéputé libéral Charles Goerens ont esquissé le 27 juin 2011 leur vision d’une sortie de crise.
Eviter une nouvelle crise financière, éviter la contagion de la crise de la dette souveraine grecque à d’autres Etats de la zone euro, stabiliser l’euro et ne pas se laisser non plus piéger par une politique d’aide dont les fonds disparaîtraient dans un tonneau des Danaïdes, mais pratiquer au contraire une aide durable, voilà les grands axes de ce qui devrait se faire dans l’UE selon Claude Meisch.
Le président du DP est "d’accord avec la philosophie du premier paquet d’aide à la Grèce qui visait à éviter à ce pays de devoir pays des taux d’emprunt exorbitants et qui n’a jusque là rien coûté aux pays qui se sont engagés avec des garanties et des prêts". Une restructuration de la dette grecque n’est pas d’actualité pour le chef des libéraux luxembourgeois. Il faudrait selon lui miser plus sur la maturation de la dette publique. Quant aux réformes exigées de la Grèce, elles devraient aussi être menées dans d’autres Etats membres sous la menace d’une crise de leur dette souveraine. Toutes ces réformes ne devraient par ailleurs pas seulement viser les économies budgétaires, mais aussi mettre ces pays en état de passer à une phase de croissance. Les privatisations demandées à la Grèce "peuvent être utiles, si elles attirent des investisseurs privés dans leur suite", pense Claude Meisch, qui met cependant en garde contre le danger "de détruire la substance".
Ce qui préoccupe le plus le président des libéraux est néanmoins la confiance chancelante dans la démocratie qui « pourrait devenir le bouc émissaire » des événements en cours. Les relations d’entraide en Europe devraient se développer "comme au sein d’une famille", et les Etats membres de l’UE devraient moins s’occuper seulement de soi. Parmi ceux qui se sont comportés de cette manière, Claude Meisch cite "en tête de liste" Angela Merkel et Nicolas Sarkozy.
Pour Charles Goerens, nombreux sont les prophètes accourus au chevet de la Grèce – chefs d’Etats, banques centrales, agences de notation ("qui ne sont pas neutres comme elles le disent"), Conseil, Commission et Cour de Justice – et qui ont proclamé tout et son contraire.
Pour l’eurodéputé libéral, il ne faut pas accepter la fatalité des oracles proclamés, car "il y a une issue". Des réformes ont été lancées : la réduction du déficit, les privatisations, l’impôt solidarité pour les revenus plus élevés. Cela ne suffit pas. Mais comme il est exclu que les autres Etats membres paient la dette de la Grèce, et que son annulation partielle est difficile à cause des conséquences pour les créanciers et la difficulté d’en trouver de nouveaux par la suite, il conviendrait, selon Charles Goerens, d’explorer d’autres chemins.
"La Grèce a menti et triché", lance-t-il, "et elle est incapable d’absorber les 20 milliards de fonds structurels qui sont à sa disposition". Ses partenaires non plus n’ont pas brillé par leur prévoyance, pense-t-il, et contribuent à rendre les choses encore plus compliquées avec leurs propos sur un euro du Nord et leur crainte des marchés. D’où la nécessité, propose l’eurodéputé, de changer dans l’UE de méthode, de discours et de temps.
Pourquoi, avec des paramètres économiques moins favorables – un déficit public abyssal, un déficit commercial qui se creuse, des Etats de la fédération en faillite – les Etats-Unis n’ont-ils pas à affronter les mêmes difficultés face aux marchés et aux investisseurs ? A cette question, le député européen répond qu’ils n’ont pas besoin d’attendre, pour prendre certaines décisions qui concernent leur économie, que les élections aient eu lieu dans tous les Etats. "Ils n’ont pas de Vrais Texans, comme nous de Vrais Finnois", constate l’eurodéputé. Ce qu’il faudrait dans l’UE, c’est "une vraie solidarité monétaire et budgétaire" - appuyée sur des euro-obligations et des sanctions automatiques en cas de déviance, plutôt qu’un pacte de stabilité assorti de sanctions décidées à la majorité qualifiée renversée. C’est pourquoi la Grèce a selon lui besoin non seulement d’aide, mais aussi d’un "accompagnement solide".
Concrètement, pour Charles Goerens, si la Grèce n’est pas capable d’encaisser l’impôt auprès des grandes fortunes, comme c’est grandement le cas actuellement, il l’invite à se faire aider par la Commission. De même, il pense que c’est la Commission qui devrait prendre en main les privatisations pour que les opérations se déroulent de manière "correcte, sans copinage". Pendant ce temps, les marchés devraient être mis entre parenthèses, le remboursement de la dette prolongé. Il ne s’agit pas ici d’une mise en tutelle, insiste le député européen. Si l’on arrivait, avec l’aide extérieure, à imposer une véritable progressivité de l’impôt, cela remporterait l’adhésion des citoyens grecs actuellement très réticents. Et si on arrivait à convaincre ces mêmes citoyens grecs que les privatisations se feraient avec l’aide d’agents de l’extérieur pour éviter le copinage, elles devraient aussi être acceptées. Sa conclusion : "La tutelle des marchés est moins contrôlable que l’aide de la Commission." Reste que pour Charles Goerens, le "laxisme antérieur de la Commission" à l’égard de la Grèce a été "presque criminel", et "ce laxisme porte le nom de celui qui en est le président depuis 7 ans : José Manuel Barroso".