Alors que les discussions continuent au sein de l’Eurogroupe sur les modalités d’un nouveau plan d’aide à la Grèce, la journaliste Camille Leroux s’est enquise auprès de Jean-Jacques Rommes, directeur de l’ABBL, de la vision qu’a le secteur bancaire des tractations en cours.
Dans un entretien publié dans le Quotidien daté du 16 juin 2011, Jean-Jacques Rommes décline les possibilités qui se présentent pour impliquer les investisseurs privés dans ce nouveau plan d’aide, mais il en précise aussi les risques.
"Soit on négocie le détail du remboursement des dettes, par exemple en allongeant les échéances, ce qu'on appelle une restructuration 'soft', soit on procède à un 'haircut'", explique ainsi le directeur de l’ABBL.
S’il reconnaît que la première hypothèse serait "évidemment la moins douloureuse", Jean-Jacques Rommes estime cependant qu'elle signifierait aussi "l'aveu que contrairement à ce qu'on nous a dit depuis de nombreuses années, la Grèce ne peut pas honorer ses obligations vis-à-vis des détenteurs de sa dette". En bref, de son point de vue, ce ne serait "pas une bonne chose" dans la mesure où "un certain nombre de détenteurs en souffriraient, des banques mais aussi des investisseurs privés et les banques centrales".
Ce n’est pourtant pas la place luxembourgeoise qui serait la plus exposée puisque, comme le rappelle Jean-Jacques Rommes, "elle ne représente sans doute pas grand-chose" avec les deux milliards d'euros détenus par des acteurs luxembourgeois. "S'ils sont bien répartis, cela n'aura pas d'impact dans le bilan des détenteurs, surtout s'il s'agit d'une restructuration soft", explique Jean-Jacques Rommes.
Il note cependant qu’en cas de "haircut", "cela peut ne rien signifier" pour les investisseurs qui ont déjà fait des provisions depuis quelques années, mais que pour les autres, "cela occasionnera des pertes sèches". "Le plus cynique, c'est que si les investisseurs ont cru ce que les ministres des Finances européens ont raconté ces dernières années, ils prendront une perte sèche !", relève le directeur de l’ABBL.
Selon Jean-Jacques Rommes, que Camille Leroux interrogeait sur le rôle des spéculateurs sur les dégradations successives des notes de la Grèce, "les banques et les investisseurs institutionnels n'ont aucun intérêt à ce que la Grèce ne paie pas ses dettes", et il souligne par ailleurs que "l'investissement dans les dettes souveraines a été très encouragé par la réglementation européenne". "Tout le climat européen portait à croire qu'il fallait investir en Grèce", résume-t-il ainsi.
Mais entre temps, "les grandes institutions, par prudence, ont essayé de se débarrasser des titres grecs", relate le directeur de l’ABBL qui considère que "cela contribue à ce que la Grèce paie des intérêts plus élevés pour que les gens achètent des titres". "Or ce sont ces taux qui cassent le dos de la Grèce", explique Jean-Jacques Rommes, précisant qu’il s’agit là d’un "jeu où personne n'est vraiment gagnant".
Quant au rôle des agences de notation dans ce processus, Jean-Jacques Rommes le relativise. Il rappelle en effet que "la Grèce est un pays déficitaire depuis toujours", que "l'économie grecque n'a pas l'air de redémarrer" et, par conséquent, que "le pessimisme est de mise". A ses yeux, les agences ne font donc "que constater un sérieux doute sur le remboursement". "Elles ne se rendent pas populaires mais on le leur reprocherait si elles faisaient le contraire - comme on leur a reproché d'avoir été optimistes par rapport aux titres titrisés dans l'immobilier américain", ajoute le directeur de l’ABBL.